Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

La bataille de Somme et d'Artois

Au dehors - La bataille de Somme et d'Artois

Donc, depuis douze jours, la grande bataille est engagée.

Bataille de la Somme, bataille de Picardie, sont les premiers noms que lui donnent la Presse ; mais puisque l’Artois en est pour quelques kilomètres, appelons-là bataille de Somme et d’Artois.
C’est surtout la grande bataille.

Au nord de l’Ancre l’[censure] mais l’offensive actuelle n’est pas un de ces feux de paille qui laissent intact ce qu’ils n’ont pas consumé dans leur ardeur passagère ; nous sommes patients parce que nous avons le temps, les hommes et les canons.

Entre l’Ancre et la Somme, le succès s’affirme nettement sur quelques points ; la prise par nos Alliés de La Boisselle, Fricourt, Mametz, Montauban, la prise par nos propres soldats d’Hardecourt et d’Hem, en témoigne.

Au sud de la Somme, la victoire est splendide : Frise, Dompierre, Becquincourt, Fay, Bussus, Belloy, Assevillers, Herbecourt, Feuillères, Buscourt, Estrées, Flaucourt et Biaches sont entre nos mains ; en certains points nous avons avancé de 9 kilomètres ; nous sommes à mille mètres de Péronne ; 80 canons, 10.000 prisonniers attestent la vigueur de notre effort. Pourtant cinq jours de pluie ont rendu pénibles l’avance et le tir des canons ; et la situation stationnaire du centre de l’armée d’attaque nous a obligés à défendre nos flancs menacés au nord comme au sud.

Et l’avenir ? Il ne semble pas que nous rencontrions de sérieuses difficultés pour occuper Ste-Badegarde, Barleux, Eterpigny, voire-même Villers-Carbonnel. La Somme rend la retraite presque impossible aux corps qui voudraient défendre ces positions et peut-être bien ne reste-t-il plus actuellement un seul canon entre cette partie de notre front et la rivière ; elle forme devant Péronne un coude favorable à notre avance ; nous occuperons ce coude sans aucun doute.

Mais alors ? Traverserons-nous la Somme ? La tâche sera rude ; combien elle eût été facilitée par une avance de nos troupes qui opèrent au nord ; mais cette avance n’était possible qu’en liaison avec une avance anglaise.

D’autre part, la traversée au sud de Péronne est actuellement très improbable ; le corps qui risquerait ce mouvement, n’étant pas couvert sur ses flancs, courait grand risque d’être jeté à la rivière ou de voir couper ses communications, ce qui aboutirait au même résultat.

Il semble donc que nous devions stationner devant Péronne et que la pauvre ville, dès maintenant sur la ligne de feu, doive à bref délai subir notre martyre.

Mais ce serait nous faire une idée fausse de la bataille qui vient de s’engager que de voir en elle la poussée complète ou même maxima des forces alliées pour la grande offensive.

Les forces que l’Angleterre a lancées vers la Somme et l’Artois sont inférieures à 200.000 hommes ; derrière eux, elle en a quatre millions qui ne sont pas encore venus au front. C’est dire que la bataille actuelle n’est que le lever de rideau de la grande bataille qui se livrera sur un front plus vaste le jour où les Allemands se seront accrochés autour de Péronne comme nous les avons accrochés devant Verdun.

Pendant ce temps, ils multiplient les attaques devant la forteresse et, maîtres de Thiammont et de la batterie de Damloup, dirigent leurs coups contre  Fleury. Ils ne peuvent évidemment songer à percer nos lignes, car voilà trop longtemps que la menace plane sur ce point, ni à ralentir notre offensive de la Somme, car un danger prévu n’est plus un danger ; mais la prise de Verdun ranimerait le courage et l’espoir des soldats allemands, elle en imposerait aux civils qui crient famine, aux neutres pour qui Verdun demeure un grand nom ; prendre Verdun en pleine offensive franco-anglais, quel triomphe !

Et c’est pourquoi la France compte qu’il ne leur sera pas donné.

Tandis que l’effort italien se heurte à des positions montagneuses presque inexpugnables, l’offensive russe s’étend et menace les deux empires ; maîtres de Delatyn, Letchitsky s’attaque aux cols des Carpathes, pour les fermer et remonter hardiment vers Stanislau ; la contre-offensive autrichienne qui avait réussi à progresser devant Thumacz de plusieurs verstes le même jour voit peser sur son flanc droit une lourde menace ; le vieux François-Joseph appelle au secours ; mais Ferdinand pense à Sarrail et Guillaume tremble pour Kovel ; les Austro-Allemands ont évacué la boucle du Styr en laissant 10.000 prisonniers aux mains des assaillants : depuis un mois cela fait à peu près 250.000…

La Roumanie regarde la Grèce en pleine agitation électorale ; si Venizelos revient au pouvoir, de graves évènements sont inévitables, qui, sans rien changer à la direction que prend la Victoire, pourraient bien ajouter un cheval ou deux à son attelage.

Le veilleur

Le Lion d'Arras, samedi 15 juillet 1916 . Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.