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Entrer dans l'intimité des gens : l'inventaire après décès

Par leur richesse et leur diversité, les archives notariales nous offrent la possibilité de saisir un moment intime de la vie des individus. Elles sont aussi des sources précieuses pour écrire l’histoire économique et sociale d’une région, d’une commune ou d’une famille.

Il existe peu de sources, en dehors de l’inventaire après décès, qui permettent à l’historien du quotidien de pénétrer dans les intérieurs français du XVIIIe siècle et d’en étudier la structure.

Qu’est-ce qu’un inventaire après décès ?

Photographie noir et blanc montrant un salon très chargé en cadres et bibelots.

Archives départementales du Pas-de-Calais, 36 Fi non coté.

Après le décès d’une personne, ses héritiers (ou une autre personne) peuvent demander qu’un inventaire des biens soit dressé. Il dure plus ou moins longtemps en fonction de la richesse du défunt. Chaque bien est estimé et sa valeur notée. Tous les biens sont inventoriés dans le moindre détail : vaisselle, ustensiles, outils, vêtements, draps, meubles, biens immobiliers, animaux, grains, etc. Ce document mentionne aussi les personnes présentes lors de l’inventaire et leur lien de parenté avec le défunt.

Cette source d’information n’est pas disponible pour tous puisqu’un inventaire après décès n’était pas effectué systématiquement lorsqu’une personne décédait. L’inventaire après décès est de règle lorsque le défunt laisse des enfants mineurs. Il faut cependant prendre garde au fait que parfois, il peut avoir été dressé plusieurs mois, voire plusieurs années après la mort de l’intéressé.

Méthode de l'inventaire après décès

Chaque objet est répertorié et évalué avec soin. Dans les écuries, on recense les attelages ; dans les étables et la cour, on compte le bétail. Dans les ateliers, le moindre outil et la plus infime des marchandises sont détaillés avec soin. Dans les armoires, on inventorie les piles de draps, le linge de maison, les mouchoirs, on précise la constitution et l’état de la garde-robe.

  • 4E 104/37 : inventaire de François Le Roy, notaire et procureur à Montreuil : "Item une jatte trouée aussy de cuivre jaune estimée une livre dix sols".
  • 4E 105/171 : inventaire de Geneviève Rifflet à son décès veuve de Antoine Jean François Marie Leroy, menuisier à Montreuil : "Item une chemise de femme imparfaite estimee trois livres".
  • 4E 105/613 : inventaire de Barbe Catherine Claude de Lesquevin damoiselle de Lannoy à Montreuil : "Premierement a été inventorié six paires de bas de cotton salles tant bons que mauvaises estimés ensemble cinq livres cy. [...] Item deux chemises salles estimées trois livres cy".
Texte manuscrit retranscrit ci-dessous.

Inventaire après décès du 27 octobre 1761 de Sieur Pierre Jacques Denis Vuarnier, capitaine d’une compagnie détaché de la Capitaine Garde côte de Verton siège en cette ville de Montreuil-sur-Mer rue de Saint Firmin. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 E 105/659.

Parfois, l’inventaire des livres nous permet d’en connaître plus sur le degré d’instruction des personnes. De pièce en pièce, nous voyons soudain se dessiner devant nous le décor dans lequel nos ancêtres vivaient. L’inventaire après décès peut parfois nous réserver une agréable surprise : tous les papiers du défunt peuvent être répertoriés. Pour chaque acte, nous ne posséderons bien sûr que des références (date et lieu de rédaction, nom du notaire, lieu de son étude), mais cela peut ouvrir des perspectives de recherches considérables.

Défauts de l’inventaire après décès

Ce travail est fait par des personnes expérimentées et très souvent fiables. En effet le soin apporté à ce travail est garanti d’une part par la présence de la famille et des héritiers du défunt, d’autre part par le recours à des "experts", chargés d’apprécier la valeur des vêtements, par exemple, ou encore des stocks ou des outils. Pourtant, il ne faut pas oublier que l’inventaire après décès présente également des défauts.

Les inventaires sont des documents qui privilégient une société stable et excluent une partie de la population, comme l’explique Benoît Garnot dans son ouvrage La Culture matérielle en France aux XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles : Le monde des errants, des instables, des migrants, échappe aux priseurs. Or, il existait de grandes différences pour l’habitat, le mobilier, la vaisselle, les vêtements, entre les plus riches et le peuple.

On a l’impression que dans la maison, il n’y a pas d’argent, de bijoux. On peut donc penser qu’il y a des mensonges et des absences sur les biens. Les notaires inventorient moins fidèlement les papiers (parfois même pas du tout), parmi lesquels les titres de propriété, de valeurs mobilières, de créances et de dettes.

De plus, beaucoup de biens sont estimées en lots ou en poids, comme par exemple, la vaisselle d’étain, les langes, le linge, les livres, les gravures, les éléments de décors, des peignes, des savons, etc. On peut se demander comment ces lots étaient établis. Apparemment, de manière assez empirique, comme l’illustre cet exemple :

  • 4E 105/165 : inventaire de Marie Catherine Ducrocq femme de Jean François, fermier à Saint Martin : "Trois fer a repasser le linge une fourchette et une lanterne estimés ensemble trente cinq sols".
  • 4E 105/659 : inventaire de Pierre Jacques Denis Vuarnier, capitaine d’une compagnie détachée à Verton : "Un cheval et un pot de fleur en plâtre prisés et estimés ensemble la somme de quarante sols".

Voici un extrait d’un exemple d’inventaire après décès :

Extraits de l’inventaire après décès de Pierre Jacques Denis Vuarnier, capitaine d’une compagnie détachée à Verton.

Pour aller plus loin

  • F. BRAUDEL, Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVeXVIIIe siècle, Armand Colin, Paris, 3 volumes, 1979, Volume 1 : Les Structure du quotidien : le possible et l’impossible.
  • B. GARNOT, La Culture matérielle en France aux XVIe-XVIIe-XVIIIe siècles, Ophrys, Paris, 1995.
  • B. GARNOT, Société, cultures et genres de vie dans la France moderne XVIe-XVIIIe siècles, éditions Hachette Supérieur, Paris, 1991. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 5387.
  • B. GARNOT, D.POTON, La France et les français : 1715-1788 Société et Pouvoirs, Ophrys, Paris, 1992. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 5566.
  • J. DUPAQUIER, Histoire de la population française : De la Renaissance à 1789, Presses Universitaires de France, Paris, 1988. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 2227/1-4.
  • R. MUCHEMBLED, Société, culture et mentalités dans la France moderne XVIe-XVIIIe siècles, Armand Colin, Paris, 1994. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 4731.