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Je cherche un jugement dans la justice de paix

Les chercheurs trouveront dans les archives des justices de paix une foule de petits renseignements sur la vie quotidienne d’autrefois : querelles de voisinage, règlements de dette entre particuliers (pour les salaires ou pour la fourniture de marchandises, etc.

Qu’est-ce que la justice de paix ?

Dès mars 1790, l’Assemblée constituante entreprend la réforme judiciaire. Le but est notamment de supprimer les trop nombreuses "petites justices", dont beaucoup de cahiers de doléances signalent les abus ; mais l’enjeu est aussi de remplacer une justice répressive, rendue par des juges professionnels trop souvent incompétents, par une justice pacificatrice, exercée par des arbitres.

La justice de paix instituée en 1790 et supprimée en 1958 est issue des juridictions de proximité, c’est une juridiction civile. La Constituante l’instaure en France par la loi des 16 et 24 août 1790.

L’objectif de cette création est de mettre au service des citoyens une justice de proximité simple, rapide, gratuite et équitable, conçue pour remplacer la justice seigneuriale de l’Ancien Régime. Organisées dans le cadre du canton, elle s’est toutefois éloignée des objectifs qui lui avait été fixés lors de sa création, notamment en matière de conciliation.

Le tribunal de paix est à l’origine composé du juge de paix et de deux assesseurs participant aux décisions, élus pour deux ans (puis trois ans avec la Constitution de l’an VIII). Le juge de paix, désormais juge unique, est nommé par le gouvernement (charte de 1814) et révocable.

Le juge est chargé de trancher le litige par la voie d’un jugement, de préférence en tenant compte des deux parties. Si l’on n’est pas d’accord avec ce jugement, on peut le contester en allant en appel devant le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce suivant la nature du litige. En revanche, l’appel n’est pas possible pour les contestations de petite importance. Dans cette hypothèse, le juge statue en dernier ressort, sa décision est alors définitive.

Compétences

La compétence du juge de paix est exceptionnelle et limitée aux actions de modique intérêt. Elle a évolué au cours du XIXe siècle dans le sens d’un déclin de la fonction conciliatrice et d’un développement des fonctions judiciaires et administratives.

Officier de police judiciaire, il est compétent au civil comme au pénal et exerce aussi une juridiction gracieuse. Accessible gratuitement, il est présent dans chaque canton.

Ses compétences sont :

La juridiction civile

Au civil, le juge de paix est compétent pour les petits litiges, soit toutes les causes personnelles et/ou mobilières dont le montant en jeu ne dépasse pas 100 francs en dernier ressort, le double à charge d’appel, seuil qui sera ensuite relevé à plusieurs reprises.

La justice de conciliation

Le juge et deux assesseurs forment un "bureau de paix et de conciliation", dont la tâche est d’éviter un différend portant sur un problème qui n’est pas forcément de son ressort – transaction mobilière, litige financier -, sans aucune limitation de compétence quant au montant des affaires. Il s’agit de tenter d’arrêter les procès à la source.

Les attributions gracieuses et administratives

Les attributions administratives sont peu nombreuses au début du XIXe siècle : légalisation de signatures, réception des serments de fonctionnaires (gardes champêtres, particuliers, etc.), rapports de mer (et de relâche, de naufrage) en cas d’absence de tribunal de commerce, déclarations d’incendies consacrées par la pratique des assurances, affirmation de procès-verbal, réalisation d’enquêtes de commodo et incommodo ordonnées par le préfet.

Mais ces activités administratives sont sans cesse augmentées après le milieu du XIXe siècle. Le greffe de la justice de paix a en dépôt, concurremment avec les tribunaux de commerce, les actes de société de 1867 à 1935.

Détail des attributions gracieuses et administratives du juge de paix 

  1. Présidence des conseils de famille : responsable des actes de tutelle, de la reconnaissance des enfants naturels, des héritages ;
  2. Rédaction d’actes de notoriété (destinés à remplacer les actes d’état-civil perdus ou à constater un événement) ;
  3. Fourniture de certificats de propriété (en cas de décès, pour les caisses d’épargne, les rentes sur l’État et pensions), afin d’empêcher le détournement des biens ;
  4. Apposition de scellés après décès, séparation des époux, en cas de faillite, après dissolution de société ;
  5. Délivrance de certificats de nationalité dans les cas d’interdiction, de déshérence ou de décès d’un dépositaire public (notaire, mais aussi militaire, évêque, curé) ou d’un officier supérieur ;
  6. En tant qu’officier d’état civil : réception des déclarations, constats de décès, actes de naissance, déclarations de grossesse ;
  7. Prestations de serments de fonctionnaires ;
  8. Légalisation des signatures ;
  9. Déclarations d’incendies ;
  10. Dépôts des actes de société (de 1867 à 1935) ;
  11. Conciliation des parties en matière de grèves (il réunit et préside le comité de conciliation et le conseil d’arbitrage facultatif créés par la loi du 27 décembre 1892) ;
  12. Inscription des stages des élèves en pharmacie ;
  13. En l’absence de conseil de Prud’hommes, gestion des litiges entre employés et employeurs ;
  14. À partir de la loi de 1898, compétence d’enquête et de décision en matière d’accidents du travail ;
  15. Dans le domaine agricole :
    1. A partir de 1898, délivrance des warrants agricoles (emprunts gagés sur la production agricole),
    2. Dans les années 1930, fixation des périodes de distillation des bouilleurs de cru et tenue d’un registre des calamités agricoles pour le contrôle des allocations versées.
  16. À partir du début du XXe siècle, présidence de nombreuses commissions cantonales en matière d’assistance sociale (soutiens de famille, assistance aux femmes en couches, vieillards et infirmes, aux familles nombreuses, etc.) dont les documents participent à la richesse et diversité des fonds des justices de paix.

Les attributions pénales

Elles se rajoutent aux attributions précédentes à partir de juillet 1791.

Le juge de paix préside le tribunal de police correctionnelle avec deux assesseurs pour les délits moyens, injures, coups, vols et homicides par imprudence. Il peut ainsi prononcer des peines élevées. En sa qualité d’officier de police judiciaire, le juge de paix est l’auxiliaire du parquet qu’il lui demande nombre de renseignements et de rapports sur son canton.

Il rédige également les procès-verbaux de flagrant délit ou, en cas de mort suspecte, réalise les enquêtes officieuses demandées par le procureur.

Lors des enquêtes criminelles, le juge de paix est souvent chargé sur commission rogatoire du juge d’instruction de l’audition des témoins.

Comme juge unique du tribunal de simple police, il est compétent pour toutes les contraventions passibles d’une peine d’amende ne dépassant pas 15 francs et d’un emprisonnement de cinq jours maximum. Toutefois, en dehors du chef-lieu de canton, sa compétence en la matière est partagée avec les maires des autres communes dans lesquelles les affaires peuvent être portées indifféremment devant le juge de paix ou le maire. Les attributions judiciaires des maires cessent avec la loi du 27 janvier 1873, sauf pour ce qui est du ministère public qui est représenté, en simple police, par le commissaire de police, le maire ou l’adjoint.

Cette compétence pénale s’accroît notablement au XXe siècle : en 1945, il sanctionne les contraventions de 4ième classe (comprenant d’anciens délits) et peut infliger alors dix jours d’emprisonnement.

Officier de police, le juge de paix mène alors (en dehors de la justice civile) les enquêtes, délivre les mandats d’amener, assure les interrogatoires, qui déboucheront ultérieurement devant le tribunal criminel.

C’est surtout au XXe siècle que la compétence pénale du juge de paix s’accroît.

La variété des attributions du juge de paix rend compte de la richesse et de la diversité des fonds des tribunaux cantonaux. Des traits similaires se rencontrent au niveau des tribunaux de première instance.

Supprimées par une ordonnance le 22 décembre 1958, les justices de paix sont remplacées par les tribunaux d’instance (moins nombreux) et les médiateurs (depuis 1978 par les conciliateurs de justice), dont le point de vue sur l’efficacité est relatif à la compétence des intervenants et de la formation de ces professionnels, alors que le besoin d’une justice de proximité s’accroît.

Comment rechercher un jugement ?

Les documents de la période d’origine, de 1790 à 1800, sont classés en sous-série 4 L (archives révolutionnaires).
Le répertoire numérique de la sous-série 4 U (dans le tableau ci-dessous) inventorie les archives des 47 justices de paix du Pas-de-Calais entre 1800 et 1958.

Dates extrêmes

Analyse

Cotes

1801-1958

Aire-sur-la-Lys

4 U 1

1920-1959

Ardres

4 U 2

1918-1959

Arras (Nord-Sud)

4 U 3

Néant

Arras (Est-Ouest)

4 U 4

1801-1959

Aubigny-en-Artois

4 U 5

1901-1958

Audruicq

4 U 6

1801-1959

Auxi-le-Château

4 U 7

1892-1958

Avesnes-le-Comte

4 U 8

1859-1959

Bapaume

4 U 9

1801-1959

Beaumetz-les-Loges

4 U 10

1912-1958

Bertincourt

4 U 11

1867-1955

Béthune

4 U 12

1802-1958

Boulogne-sur-Mer (Nord)

4 U 13

1869-1950

Boulogne-sur-Mer (Sud)

4 U 14

1829-1958

Calais (Nord-Ouest)

4 U 15

1887-1958

Calais (Sud-Est)

4 U 16

1859-1958

Cambrin

4 U 17

1801-1958

Campagne-les-Hesdin

4 U 18

1806-1958

Carvin

4 U 19

1927-1958

Croisilles

4 U 20

Néant (n'existe pas davantage au tribunal d'instance de Boulogne)

Desvres

4 U 21

1801-1959

Étaples

4 U 22

1801-1958

Fauquembergues

4 U 23

1800-1959

Fruges

4 U 24

1803-1958

Guînes

4 U 25

1802-1958

Hesdin

4 U 26

1834-1958

Heuchin

4 U 27

1801-1958

Houdain

4 U 28

1801-1959

Hucqueliers

4 U 29

1914-1969

Laventie

4 U 30

Néant

Lens (Est)

4 U 31

1920-1958

Lens (Ouest)

4 U 32

1801-1964

Le Parcq

4 U 33

1801-1965

Lillers

4 U 34

1801-1959

Lumbres

4 U 35

1923-1958

Marquion

4 U 36

1908-1960

Marquise

4 U 37

1801-1959

Montreuil

4 U 38

1802-1958

Norrent-Fontes

4 U 39

1801-1958

Pas-en-Artois

4 U 40

1802-1901

Saint-Omer (Nord)

4 U 41

1803-1961

Saint-Omer(Sud)

4 U 42

1801-1958

Saint-Pol

4 U 43

1801-1958

Samer

4 U 44

1920-1958

Vimy

4 U 45

1919-1958

Vitry-en-Artois

4 U 46

Les fonds conservés aux archives départementales du Pas-de-Calais sont relativement incomplets à cause des destructions des deux guerres mondiales et des pertes intervenues lors de déménagements ou de travaux.

Conditions d'accès aux documents

Les archives de la justice de paix sont consultables au centre Mahaut-d’Artois à Dainville.

Le délai de communicabilité qui s’applique est de 75 ans (délai de communicabilité des dossiers portés devant les juridictions). Mais il peut être porté à 100 ans lorsque l’affaire traitée par la juridiction concerne un mineur.

Bibliographie

  • Une justice de proximité : création et installation des juges de paix (1790-1804), Paris, Association française pour l’histoire de la justice n° 8, pp. 31-47 (1995-1996). Archives départementales du Pas-de-Calais, PB 379/2.
  • "Sous-série 4 U : Justices de paix", Histoire et mémoire n° 10, pp. 6-7, Dainville, 1997. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1251/1.
  • J. MALHACHE, "La justice de paix", La revue française de généalogie n° 240, 2019, Revigny-sur-Omain. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1607/5.
  • Traité théorique et pratique des justices de paix (matières civiles), Paris, éditions Sirey, 1924. Archives départementales du Pas-de-Calais, BAB 158.
  • LAROCHE, "Les suites d’une sentence de juge de paix rendue en 1791", Arras, éditeur A. Courtin, 1861. Extrait du XXXIIIe volume des Mémoires de l’Académie d’Arras, pp. 159-181. Archives départementales du Pas-de-Calais, BARBIERB 1620.
  • P. BRÉEMERSCH, Justice, juges de paix et ordre public dans les cantons de Fressin et de Montreuil (Pas-de-Calais), 1999, éditeur Université Charles de Gaulle (Lille) / Centre de Recherche sur l’Histoire de l’Europe du Nord-Ouest, pp. 289-307. Actes de la Table ronde organisée les 13 et 14 mai 1998 (actes de colloque). Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 6469/1.
  • Une justice de proximité : la justice de paix, 1790-1958, Jacques-Guy Petit, 2003, Paris, Presses universitaires de France. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7025.
  • Mémoire pour la création d’une justice de paix à Frévent, arrondissement de Saint-Pol-sur-Ternoise, département du Pas-de-Calais, imprimerie de A. Thomas à Saint-Pol-sur-Ternoise. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHC 482/12.
  • Extension de la compétence des juges de paix aux matières commerciales, 1881, Calais, imprimerie de J. Goutier. (Extrait du registre des délibérations de la Chambre de commerce de Calais. Séance du 8 juillet 1881.). Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 894/4.
  • V. TISON-LE-GUERNIGOU, "Justice gracieuse dans l’intimité des familles", La revue française de généalogie n° 202, 2012, Revigny-sur-Ornain, Archives départementales du Pas-de-Calais. PC 1607/2.