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Proclamation allemande

Pendant la Première Guerre mondiale, le quotidien de la population est réglementé par une multitude d’affiches allemandes placardées sur les murs des communes. Elles permettent à la population de prendre connaissance des ordonnances établies par l'ennemi, ou de lire le récit des triomphes de son armée.

En effet, la France occupée se trouve directement sous l'autorité allemande. Dans les territoires occupés, l’autorité revient aux armées. La population est donc soumise aux lois de la guerre (code de guerre allemand).

Pendant la Première Guerre mondiale, l’affiche est l’un des principaux moyens de communication dont disposent les autorités pour s’adresser à la population. Elles sont placardées dans l’espace public pour être vues de tous. Pour informer ou avertir les civils sur les risques encourus pour acte de résistance, organisation de réseaux d’évasion, détention de pigeons-voyageurs…, les autorités utilisent l’affiche texte. L’affiche texte est un placard qui se présente uniquement sous une forme typographique. Ce que l’autorité, qui émet cette affiche, reconnaît comme important est en caractères gras et souvent beaucoup plus grand.

PROCLAMATION du Général Commandant l’Armée

du 25 novembre 1915 en vertu de l’ordre du 1er avril 1916

L’autorité militaire allemande rappelle à la mémoire de la population française du territoire occupé par les troupes allemandes les proclamations en vigueur qui, pour la plupart, ont déjà été affichées. L’inobservation des ordonnances suivantes entraînera les peines les plus sévères.
L’état de siège est déclaré dans la région occupée par les troupes allemandes.

Tout acte hostile dirigé contre les intérêts de l’armée allemande, contre les personnes faisant partie de l’armée allemande ainsi que contre celles qui s’y rattachent ou contre les objets et matériaux appartenant à l’autorité militaire allemande ou pouvant être utilisés par elle, entraînera la peine de mort.
La même peine sera appliquée pour toute tentative ou toute instigation du même genre.
Sera considéré, en particulier, comme acte hostile : toute action nuisible à la santé d’une personne ; la destruction ou la détérioration d’armes ou d’effets d’équipement, de vivres, de médicaments, de matériaux de chauffage ; de chevaux ou de bétail ; de fourrages ; de voitures automobiles et autres, de bicyclettes et motocyclettes, d’essence ou d’huile ; de bateaux, du matériel de chemin de fer ; des lignes télégraphiques ou téléphoniques, des appareils de télégraphie, avec ou sans fil, ou de navigation aérienne.
Toute démonstration anti-allemande est strictement défendue, ainsi que la propagation de fausses nouvelles de la guerre, soi intentionnellement soit par négligence.
Toute infraction à cette prescription ou toute incitation ou invitation à en commettre sera punie d’un emprisonnement pouvant atteindre un an, à moins qu’une peine plus sévère ne puisse être appliquée suivant les lois en vigueur.
Quiconque tentera d’empêcher, soit par la force, par menace ou par tout autre moyen, des habitants occupés de leur propre gré à des travaux exécutés par l’autorité allemande ou surveillés par elle, sera puni jusqu’à deux ans de prison, à moins qu’une peine plus sévère ne soit applicable suivant les lois en vigueur. 

Il est interdit, sous peine de mort, de lancer des ballons, de lâcher des pigeons voyageurs, d’installer des stations radiotélégraphiques ou de s’en servir, de sonner les cloches ou de fournir, d’une manière quelconque, des renseignements aux autorités militaires ou civiles des puissances ennemies.

Sera punie de mort toute personne qui possède des armes quelconques, des munitions ou matières explosives de toute nature, des fusées ou appareils servant à donner des signaux optiques. Il en sera de même de toute personne détenant ou recélant des pigeons de toutes espèces. 
Tout officier ou soldat ennemi rencontré en arrière des lignes allemandes et encore en armes sera fusillé, s’il ne se rend pas à la première sommation.

Les personnes faisant partie des armées ennemies devront être livrées, dans le plus bref délai, à l’autorité militaire allemande la plus proche ; s’il s’agit de blessés non transportables, l’autorité militaire devra être immédiatement avertie de leur présence. Toute personne qui ne se conformera pas à cette disposition sera punie de mort.

Tout officier ou soldat ennemi rencontré sur le théâtre des opérations ou en arrière des lignes allemandes, en habits civils, sera puni de mort. Toute personne qui prêtera secours à une personne militaire ennemie, soit en lui procurant des vêtements civils, du logement, des approvisionnements, de l’argent ou quoi que ce soit, aidant de cette façon à dissimuler le séjour de ce militaire derrière le front de nos troupes, se rend coupable d’avoir participé à une trahison militaire et sera punie comme complice.

Il est interdit aux personnes civiles de s’approcher des lieux de combat. Toute personne qui dépouillera des soldats morts ou blessés ou qui, sans autorisation, s’occupera d’une façon quelconque des morts, sera fusillée sur-le-champ.

Toute personne qui tentera de franchir les lignes des avant-postes allemands sera fusillée.
Sera punie de mort toute personne qui aidera ou facilitera à une autre le passage vers les lignes ennemies, ou qui commettra d’autres actes de trahison ou des actes hostiles contre les troupes allemandes ou contre les personnes en faisant partie ou contre une administration allemande quelconque.

Il est interdit sous peine de mort d’entraver la circulation sur les routes et places publiques, sur les chemins de fer et voies d’eau, ou d’en compromettre la sûreté.

Est interdit, de plus, aux habitants des localités :

  1. Tout attroupement dans les rues ;
  2. Toute circulation en automobile, en bicyclette ou motocyclette ; (pour pouvoir circuler en voiture ou à cheval il faut un laissez-passer de l’autorité militaire) ;
  3. La circulation dans les rues la nuit, pendant les heures fixées (heure allemande) par les Commandants de place ;
  4. Toute tentative de quitter la ville (le village, etc.) sans laissez-passer de l’autorité militaire et sans carte d’identité.

Les laissez-passer, mentionnés aux n° 2 et 4, ne sont valables que s’ils sont signés par un officier et munis du cachet de l’autorité militaire. Les personnes qui désirent obtenir un laissez-passer devront présenter à l’autorité militaire une carte d’identité délivrée par le maire ou son suppléant. Sur cette carte qui doit contenir le signalement de la personne et sa photographie, le maire ou son suppléant certifiera, de sa propre signature et en y apposant le cachet de la mairie, que la personne mérite toute confiance. Le porteur du laissez-passer devra présenter cette carte à toute réquisition. La commune sera responsable de tout abus qui pourrait être fait d’un laissez-passer. Le titulaire du laissez-passer ainsi que le maire ou son représentant répondront de l’exactitude des indications qui y figurent.

Les infractions à cette prescription seront punies d’un emprisonnement pouvant atteindre 3 mois ou d’une amende pouvant s’élever à 1 000 mark.

Il est strictement défendu à la population du territoire occupé par l’armée allemande d’entretenir des relations ou communications avec celle du territoire ennemi non occupé ainsi qu’avec celle des territoires neutres.
Cette défense s’applique également à tout échange de lettres entre habitants de communes voisines.
Les infractions à cette prescription (à moins qu’elles ne relèvent de lois plus sévères, contre la trahison en temps de guerre), seront punies de prison pouvant s’élever à 5 ans ; les cas les moins graves entraîneront un emprisonnement pouvant atteindre 6 semaines.
Quiconque quittera le rayon de l’armée sans permission dûment délivrée par l’autorité militaire allemande sera puni jusqu’à 5 ans d’emprisonnement, ou d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 000 mark ou de ces deux peines à la fois, à moins que, selon les règles en vigueur dans l’Empire Allemand, une peine plus sévère ne soit applicable. Toute tentative, provocation ou complicité entraînera les mêmes peines.
La peine d’emprisonnement pourra être remplacée par celle des travaux forcés à perpétuité s’il s’agit du passage non autorisé de la frontière hollandaise.
Quiconque exportera hors du rayon de l’armée :

  • soit des véhicules, des instruments agricoles de tous genres, des chevaux, du bétail vivant ou abattu, de la paille, des fourrages, des vivres de toutes espèces, des combustibles ou des matières premières servant aux besoins de l’armée,
  • sera puni d’un emprisonnement pouvant s’élever à 3 ans ou d’une amende pouvant atteindre 5 000 mark ou de ces deux peines à la fois, à moins que, selon les lois en vigueur dans l’Empire Allemand, une peine plus sévère ne soit applicable. Toute tentative, provocation ou complicité entraîneront les mêmes pénalités.

Il est absolument interdit de parler aux prisonniers ou de leur passer des lettres, des vivres ou d’autres objets quelconques.
Les infractions à cette prescription seront punies d’un emprisonnement pouvant s’élever à 3 ans ou d’une amende pouvant atteindre 10 000 mark.

La possession de journaux étrangers est interdite. Il est défendu d’en faire des copies quelles qu’elles soient, de s’en faire remettre contre rétribution ou gratuitement, de chercher à se procurer des copies et de les cacher.
Toute infraction commise avec intention ou par négligence aux prescriptions de cet article, ainsi que l’invitation ou l’incitation à des infractions, seront punies d’une amende pouvant s’élever à 10 000 mark ou de 3 ans de prison au maximum, à moins qu’une punition plus sévère ne puisse être prononcée selon la loi martiale en vigueur.
Les personnes qui trouveraient des pigeons voyageurs ou des objets, des correspondances ou des écrits de n’importe quel genre, particulièrement des journaux jetés par des aviateurs, sont tenues de les remettre à l’autorité militaire la plus proche, faute de quoi elles seront suspectées d’espionnage et s’exposeront à des poursuites ; les infractions commises par négligence seront punies d’emprisonnement pouvant atteindre 3 ans ou d’une amende pouvant s’élever jusqu’à 10 000 mark.
Toute personne qui trouverait un ballon ou un aéroplane est tenue d’en avertir l’autorité militaire allemande la plus proche. Il est expressément interdit de toucher aux accessoires pouvant être attachés aux ballons ou aéroplanes.
Les infractions à cette prescription seront punies jusqu’à 5 ans d’emprisonnement, à moins que la loi contre l’espionnage ne soit applicable.

Sera punie des mêmes peines toute tentative d’un des délits mentionnés dans les articles précédents.

En cas de circonstances atténuantes la peine de mort, applicable selon les articles I à VIII et art. IX A, pourra être commuée en celle des travaux forcés à perpétuité ou en travaux forcés de 10 à 15 ans. S’il s’agit d’un délit commit par négligence, la peine applicable pourra être celle d’emprisonnement.

Toute autre contravention aux ordonnances des autorités allemandes sera punie d’emprisonnement pouvant s’élever à 3 ans ou d’une amende de 6 000 mark au maximum, à moins que ces délits ne tombent sous le coup d’une loi plus sévère.

Dans le cas où une personne ayant commis l’un des délits mentionnés dans les articles précédents ne pourra être découverte, ou ne pourra en être rendue responsable, une contribution sera imposée à la commune sur le territoire de laquelle le délit aura été commis ou tenté.
Les habitants d’une commune répondront solidairement de leurs fortunes pour la contribution imposée à la commune.

Toute personne qui, par malveillance, arrachera ou endommagera cette affiche, ou tentera de le faire, sera puni de 10 à 15 ans de travaux forcés ou, en cas de circonstances atténuantes, d’emprisonnement pouvant s’élever à 5 ans.

Le Général Commandant l’Armée.
25 novembre 1915.

Proclamation du général commandant l'armée du 25 novembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 17 Fib 184.