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Les risques de guerre de nos métiers

Le Télégramme, dimanche 9 décembre 1917

On sait que les Boches, dans leur barbarie monstrueuse, foulant aux pieds non seulement les lois de la civilisation, mais encore celles de la guerre telles qu’elles ont été définies par les conventions de La Haye, s’appliquent férocement, diaboliquement, à faire le plus de mal aux populations civiles que leur caractère de non combattants devrait mettre pourtant à l’abri de ces entreprises de massacres et de destructions systématiques. Étant donnée cette persistance des Barbares, vomis par les plaines de la Germanie, à venir jeter leurs engins de mort et de ruine sur nos villes de l’arrière, les industriels calaisiens sont exposés à subir de grands dommages qui ne pourront être réparés, par de justes indemnités, que lorsque, la guerre étant finie, il s’agira de liquider ces questions de dédommagement de tous les préjudices causés par le fait des événements actuels.

Les fabricants de tulles calaisiens avaient un moment songé à s’adresser aux compagnies d’assurances régulières qui, avant la guerre, couvraient par des polices courantes, leurs risques d’incendie ou de dommages quelconques. Quelques-unes de ces compagnies avaient, en effet, songé à créer un nouveau genre de garantie contre les risques de bombardement par terre, par air ou par mer et une grande publicité fut donnée à cette nouveauté sur le succès de laquelle elles semblaient compter beaucoup.

Pourtant, nous ne croyons pas que cette innovation puisse donner satisfaction à la fabrique car de nombreux industriels qui avaient pensé contracter des assurances de ce genre ont dû y renoncer en raison du taux fantastique de la prime qu’il faut préalablement verser entre les mains des assureurs pour couvrir les risques de guerre résultant des bombardements.

N’a-t-on pas cité, en effet, un taux de quinze pour cent pour une période de six mois ? Et comme il faut payer une deuxième prime à l’expiration du semestre afin de proroger l’assurance jusqu’au bout de l’an, cela fait en réalité une prime de trente pour cent par an. Au bout de trois ans de ce régime, l’industriel assuré de la sorte et continuant à payer ses primes semestriellement, aurait presque complètement versé entre les mains de la compagnie d’assurances, la totalité de l’équivalence du capital assuré.

En présence de cette situation paradoxale ne serait-il pas expédient, de la part de nos fabricants, de constituer un trust ou une association générale, dans laquelle tous entreraient, en vue de fonder une caisse d’assurances mutuelles, sur laquelle on prélèverait les indemnités destinées aux membres sinistrés de l’association.

Cette indemnité leur serait versée sans devoir attendre les interminables délais qu’il faut laisser écouler avant que le règlement des sinistrés soit habituellement liquidé ; une expertise, soigneuse et prompte tout à la fois, permettrait de fixer, à la plus juste appréciation, le chiffre de l’indemnité légitime due pour le dommage éprouvé. 

Quant à la méthode de la constitution des fonds d’assurances elle pourrait être basée sur un versement de cotisation calculée par le nombre de métiers de chaque associé.
Quel est le fabricant par exemple qui ne consentirait pas à verser quelques centaines de francs par métier pour avoir la certitude que, si un sinistre venait à détruire son matériel, la valeur lui en serait remboursée à brève échéance, ou que les réparations des dégâts seraient à la charge de la caisse d’assurances. 

Au surplus et c’est ici que nous touchons à un autre point non moins intéressant du problème, il est tout indiqué que, pour ne pas devoir pâtir de la charge supplémentaire résultant de l’affectation d’une somme déterminée à la constitution du fonds d’assurances mutuelles, les fabricants ont un intérêt majeur à faire entrer cette somme dans le calcul de leurs frais généraux servant de base à l’établissement des prix de vente. Surtout ne perdons pas de vue, à ce propos, que l’industrie calaisienne est, avant tout et essentiellement, une industrie de luxe. Par conséquent dont les prix de vente peuvent être majorés de la façon la plus large et la plus élastique sans courir le risque de voir s’échapper la clientèle. Il s’agit de s’entendre pour ne plus avoir à redouter une concurrence toujours désastreuse entre fabricants d’un même genre d’articles. Que de fois n’a-t-on pas préconisé cette unification des tarifs ! Si à l’occasion des événements de guerre ce but pouvait être atteint, on serait en droit de considérer que quelque chose d’heureux est issu du gigantesque cataclysme qui, depuis trois ans met tout le vieux continent à feu et à sang.

Pharos

Le Télégramme, dimanche 9 décembre 191. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/28.

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