Archives - Pas-de-Calais le Département
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Avant-propos

Lieues après lieues, la même phrase mélodique chantait dans ma mémoire sans que je puisse m’en délivrer. Je lui découvrais sans cesse des charmes nouveaux.

Cette émotion née d’un souvenir musical, changeante mais toujours plus forte, qu’évoque Claude Lévi-Strauss dans Tristes tropiques, nous l’avons tous sans aucun doute vécue. Comme ce sentiment de partage et d’union, qu’éprouvent les spectateurs devant un concert ou une chorégraphie. Bien que fugitifs, ces instants et les arts qui les font naître ont une histoire, indissociable de celle de la pensée et de la sensibilité.

Mode de communication avec la Création et les forces transcendantes dans l’Antiquité, la musique est en effet dès le Moyen Âge perçue comme un reflet, assurément bien imparfait, de l’harmonie des mondes ou de celle régnant entre l’âme et le corps, mais elle s’affranchit peu à peu de ce cadre, pour prendre en considération la vie profane, puis l’intimité de l’être humain.
Elle accompagne la célébration comme la contestation des pouvoirs, ponctue les rassemblements, festifs, solennels ou même guerriers. Sa pratique suppose une éducation, de l’oreille et du regard pour l’amateur, technique pour l’interprète mais, qu’elle donne naissance à une architecture spécifique ou qu’elle se contente d’une rue ou d’un jardin, elle est aussi, et avant tout peut-être, une occasion de réunion et d’échanges, affectifs aussi bien que culturels.

En tous ces aspects, l’histoire musicale de ces terres, entre l’Aa et l’Authie, qui ont formé notre département, a été remarquable : en attestent, par exemple, le dynamisme et la popularité des trouvères arrageois aux XIIe et XIIIe siècles, même si Conon de Béthune a pu essuyer les moqueries de la cour de Philippe Auguste pour ses "mots d’Artois" ; ou la part des compositeurs Antoine Busnois, Antoine de Févin, Jean Mouton (de Samer) et Pierre de Manchicourt dans la création artistique franco-flamande des XVe et XVIe siècles ; ou encore le rôle des Charles Vervoitte (né à Aire-sur-la-Lys), Alexandre Guilmant (de Boulogne-sur-Mer) et Alexandre Georges (d’Arras) dans le renouveau des maîtrises et de l’orgue français à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Le nombre et la diversité des chorales et orphéons, des fanfares et harmonies du Pas-de-Calais constituent de même un témoignage évident de la passion musicale de ses habitants. Et il ne serait guère difficile d’esquisser en parallèle un imaginaire sonore de nos régions, certes parcellaire, des jeux-partis d’Adam de La Halle à Dessus le marché d’Arras de Roland de Lassus ou… à Avec Bidasse, la célèbre chanson de Bach, de Réveillez-vous, Boulongnois de Clément Janequin à Tout in haut de ch’terril d’Arthur Wéry…

Cette créativité, cette profusion, "l’Année de toutes les musiques et de la danse" a permis d’en faire connaître la richesse actuelle : sans en être véritablement une conclusion, la présente exposition offre l’occasion d’une mise en perspective, mais aussi de découvrir quelques œuvres et pièces originales, conservées par les archives, bibliothèques et musées de la région. Puisse-t-elle aussi, et peut-être surtout, faire de tous ses visiteurs des enfants d’Orphée !

Dominique DUPILET
Président du Département du Pas-de-Calais