Archives - Pas-de-Calais le Département
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Pour l’après-guerre, la réorganisation administrative

Carte illustrée du Pas-de-Calais litographiée affichant le découpage administratif du Département.

Atlas national illustré. Région Nord n° 61. Dép[artemen]t du Pas-de-Calais. Carte. [1820-1852] . Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 J 437/13.

La France fut longtemps perçue comme un modèle d'État fortement centralisé. Il est important de rappeler que le processus de décentralisation de la France fut long et mouvementé, et que l'organisation et l'unité du territoire furent à l'origine de discussions passionnées. Il faudra au pays plus d'un siècle pour trouver un équilibre institutionnel, période durant laquelle les projets et les propositions de réforme seront abondants et fortement marqués par les régimes successifs et des traditions autoritaires, une certaine instabilité gouvernementale et les périodes de guerre.

Au XIXe siècle, le processus de décentralisation, consistant pur l'État à transférer certaines compétences et les ressources correspondantes au profit des collectivités territoriales, s'est concentré sur l'organisation des Conseils municipaux et des Départements.

La Première Guerre mondiale va remettre en question l'organisation de l'administration française. Les changements que le conflit y provoque vont rapidement conduire l'administration centrale à exercer une plus grande emprise sur la vie économique du pays, à travers notamment le Ministère du commerce.

Dès 1915, la guerre a modifié l'organisation des ministères, principalement pour gérer le ravitaillement qui fait l'objet d'un sous-secrétariat d'État ou d'un Ministère ou encore celui des Régions libérées en 1917. Ce sont bien les difficultés et les obstacles rencontrés dès le début du conflit, et leurs solutions pour l'après-guerre, qui réveillent chez certaines personnalités politiques et intellectuelles un regain d'intérêt pour la question de la décentralisation. Plus que jamais, la nécessité d'une circonscription intermédiaire entre les Départements et l'État se fait sentir pour permettre de gérer l'économie française plus efficacement et voir se créer des groupements économiques régionaux.

Pour l'Après-Guerre

La réorganisation administrative

Une formule nouvelle de décentralisation

(De notre Rédaction Parisienne)

Les lecteurs du Télégramme savent que, depuis plusieurs années, un groupe chaque fois plus important d'hommes politiques, d'écrivains, d'artistes, d'économistes, de géographes, se préoccupe de donner une formule précise au vœu, formule à chaque consultation électorale, d'en finir avec la centralisation administrative que nous avons héritée de la Constituante.

Un nombre considérable de projets ont été déposés, depuis vingt ans, par des hommes politiques dont beaucoup ont passé au pouvoir sans s'attacher à la besogne dont ils proclamaient, en d'autres temps, l'urgente nécessité. Notre histoire parlementaire est pleine d'exemples de ces oublis, dont le suffrage universel, pour qui l'on se met en frais de projets de réforme… ou de révolutions, prend son parti avec une inlassable sérénité.

L'effort sérieux pour trouver une formule précise à la décentralisation administrative fut entrepris à la veille de la guerre. Une ligue de représentation professionnelle et d'action régionaliste fut fondée. Elle groupa un nombre imposant de personnalités de toutes opinions et de toutes régions. MM. Motte-Wattine, de Roubaix ; Wauthy, de la Chambre de Commerce de Lille, furent parmi les premiers adhérents. Des réunions, puis des congrès furent organisés. Et le 9 mai 1913, la première proposition de loi été déposée, tendant à substituer aux circonscriptions administratives départementales, les circonscriptions administratives régionales.

Le régionalisme était né.

Le régionalisme et la guerre

Devait-il, dans le formidable cataclysme, s'évanouir en nuée, ou se galvaniser à l'épreuve des évènements pour devenir une assise de l'action de demain ?

C'est ce que nous sommes allé demander au siège de la Ligue.

 ̶  Votre oeuvre, Monsieur, a-t-elle poursuivi son effort pendant la guerre ? Ou bien est-il trop tard pour parler encore d'elle ?

 ̶  Notre oeuvre ?  ̶  nous fut-il répondu  ̶  elle n'a jamais été plus agissante. A la lumière des évènements, sa formule s'est concrétisée, sa méthode s'est précisée, son action s'est intensifiée de telle sorte que le Parlement est aujourd'hui saisi du rapport fait au nom de la Commission de l'Administration générale, départementale et communale par M. Hennessy. Les débats peuvent s'ouvrir. Nous sommes prêts.

 ̶  Mais vont-ils s'ouvrir ?

 ̶  Il le faut, si nous voulons réparer les désastres. Les Français ne doivent plus se griser de paroles, mais agir…

 ̶  Bien !

 ̶  Ce que les gouvernements ou les représentants de l'État, incapables de suffire à la direction des affaires publiques suscitées par la vie moderne ; ce que les Chambres, surchargées de besogne et parfois asservies à des intérêts particuliers, ne peuvent pas faire, doit être l'objet de la discussion des assemblées régionales et doit être exécuté par leurs délégués.

 ̶  Bien encore ! Mais, pratiquement…

 ̶  Pratiquement, le projet rapporté à la Chambre vise trois buts : 1° la division de la France en régions ; 2° la représentation des intérêts économiques ; 3° l'administration des affaires régionales par l'assemblée régionale ou ses représentants.

 ̶  La carte régionale de la France est donc tracée ?

 ̶  Elle le serait par voie de "referendum", si un "referendum" était possible a l'heure actuelle. Il existe des projets : celui de M. Vidal de la Blache, par exemple, qui divise la France en dix-sept régions, celui de M. Rognon qui la divise en trente-quatre…

 ̶  Pardon. Dans ces projets, à quelle région appartiennent le Pas-de-Calais, le Nord et la Somme.

 ̶  Dans le projet Vidal, le Pas-de-Calais et le Nord dans la totalité forment, avec une partie de la Somme, de l'Aisne et des Ardennes, une région qui a pour chef-lieu Lille. Dans le projet Rognon, le Nord forme une région avec Lille pour chef-lieu, le Pas-de-Calais une autre avec pour chef-lieu Arras ; la Somme et l'Aisne forment une région avec Amiens pour chef-lieu. Mais finalement, ou plutôt provisoirement, c'est le Conseil des Ministres qui fixerait les limites de la région et désignerait son chef-lieu par décret, pris après avis du Conseil d’État, lequel devrait consulter, au préalable, tous les groupements organisés.

Qu'est-ce qu'une région ?

Nous voudrions soumettre à nos lecteurs une définition aussi exacte et aussi claire que possible de la Région ?

 ̶  Rien de plus simple. La région c'est, géographiquement, économiquement et administrativement, un groupement d'intérêts, d'activités, régis par un organisme issu de volontés solidaires et uniquement préoccupé de leurs besoins. Le rêve, évidemment, serait que l'autonomie des administrations locales qui doit être la base des états républicains, fut enfin établie en France. Mais nous sommes en guerre. La guerre légitime une action plus directe de l'État et, finalement, nous proposons comme administrateur des intérêts régionaux, le préfet du département comprenant le chef-lieu de la région, à côté duquel fonctionnera une commission régionale dont le mode d'élection, les pouvoirs à ceux de son Président seront identiques dans la région à ceux de la Commission départementale et de son Président dans le département.

 ̶  Et comment serait recrutée cette commission régionale ?

 ̶  L'article 6 de la proposition de loi indique que les conseillers régionaux sont élus par les conseillers généraux, chaque arrondissement devant avoir au moins un représentant. Le nombre des conseillers régionaux élus dans chaque collège électoral est égal au cinquième ou fraction des conseillers généraux de chaque collège électoral.

 ̶  Bien entendu, les attributions des conseils régionaux sont délimitées ?

 ̶  Très précisément. Le département, l'arrondissement, la commune, conservent des administrations plus ou moins autonomes sous la surveillance des agents directs du pouvoir central, et par cela même se trouve réduit le rôle des Conseils régionaux. Ces derniers auraient pour principales attributions : l'Enseignement, l'Assistance sociale, les Travaux publics, c'est-à-dire : le réseau routier, les forces hydrauliques, les voies fluviales ; le crédit régional ; l'étude des problèmes propres à l'industrie et au commerce de la région…

 ̶  Et le budget ?

 ̶  Question délicate. Notre fiscalité est en pleine transformation et Dieu sait ce qu'elle sera demain ! Nous nous sommes bornés à inscrire dans la proposition de loi que le budget régional se compose des centimes additionnels votés par les conseils régionaux dans les limites fixées par la loi de finances. C'est donc la loi de finances, votée chaque année, qui aurait à spécifier sur quels impôts les centimes additionnels pourraient être votés par les Conseils régionaux et à en déterminer le maximum.

Par exemple : chez nous ?

 ̶  Une dernière question : Pour bien faire saisir aux lecteurs du Télégramme l'importance de la réforme proposée, pourriez-vous, de façon générale, indiquer quelle serait, dans une région comme le Nord, l'oeuvre qui s'imposerait à l'organisme régional ?

 ̶  Certes, oui ! En thèse générale, la France d'avant 1914, trop centralisée, s'adaptait avec peine à la grande transformation économique de notre siècle ; elle n'explorait pas toutes ses richesses naturelles ; elle ne profitait pas de son incomparable position géographiques ; son outillage économique se constituait lentement ; la convergence de son réseau ferré vers la capitale ne mettait pas suffisamment ses diverses régions en rapport les unes avec les autres et avec les pays étrangers. Tenez, voici qui vous intéresse particulièrement : l'intérieur du pays n'était pas relié par des voies de communications orientées vers les ports, avec les contrées d'outre-mer ; la navigation fluviale n'était pas organisée ; les anciens canaux n'avaient pas été aménagés ; les marchandises lourdes ne pouvaient parvenir au littoral sans être grevées de frais énormes : manquant de fret de retour et parce qu'ils ne trouvaient pas de ports bien outillés, les grands navires de commerce se détournaient de nos côtes et notre marine marchande, malgré de larges subventions, n'existait pour ainsi dire pas.

 ̶  Cela, c’est le mal d'hier…

 ̶  Mal engendré par une centralisation excessive qui tue les initiatives et auquel il faut appliquer le seul remède raisonnable ; une grande réforme administrative par l'accroissement des capitales régionales indispensables à la mise en valeur des richesses territoriales qui les environnent. Consacrer par des lois et des institutions le désir ardent d'autonomie que la vie moderne développe chez tous les peuples du monde, c'est préparer l'avènement de la Fédération des sociétés qui, seule, peut éviter aux humains les redoutables conséquences de l'Etatisme oppresseur des individus, générateur des guerres homicides .

Sur cette imposante affirmation, j'ai fermé mon carnet de notes…

Eugène DUPONT

Le Télégramme, mardi 27 août 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/30.