Archives - Pas-de-Calais le Département
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Arrivée des troupes britanniques à Boulogne-sur-Mer

Le 4 août 1914 à 23 heures, en réponse à la violation de la neutralité de la Belgique, le Royaume-Uni déclare la guerre à l’Allemagne.

Il ne dispose alors que d’une armée professionnelle de faible importance, le British Expeditionary Force (BEF), comprenant six divisions d’infanterie (dont quatre envoyées en France dès le début du conflit) et une de cavalerie, pour un total de 70 000 hommes. Le 7 août, en parallèle à un appel au volontariat lancé par le secrétaire d’État à la Guerre Lord Kitchener (Your King and Country Need You), les troupes commencent à débarquer sur les côtes françaises, par les ports de Rouen et du Havre, de Dunkerque et de Boulogne-sur-Mer.

Carte postale noir et blanc représentant l'État-Major sur les quais du port de Boulogne.

Campagne 1914-1915. Arrivée à Boulogne-sur-Mer du général French et de son État-Major. Arrival of General French and Staff of Expeditionary Force in Boulogne, carte postale, Boulogne-sur-Mer, cl. Stévenard, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 31 J 6.

Dans cette dernière ville, les trois premiers navires chargés de l’approvisionnement entrent le 7 août, suivis par les régiments d’infanterie du 10 au 17 : le 10, le maire Félix Adam invite la population à pavoiser aux couleurs des deux nations :

Aujourd’hui même arrivent en notre ville les vaillantes troupes britanniques qui viennent coopérer, avec nos braves soldats, à repousser l’agression abominable de l’Allemagne. Comme devant l’invasion des Barbares, toute l’Europe se lève contre la race germaine qui met en danger la paix du monde et la sécurité des autres peuples. Boulogne, qui est l’un des foyers de l’Entente cordiale, fera aux nobles enfants du Royaume-Uni un accueil enthousiaste et fraternel.

Carte postale noir et blanc re présentant un officier à cheval dans une rue de Boulogne-sur-Mer.

Officier écossais retournant au camp de Saint-Martin, carte postale, Boulogne-sur-Mer, cl. E. Dejonghe, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 31 J 6.

Les campements sont alors installés vers Saint-Martin-Boulogne. Le 13, les Connaught Rangers défilent en chantant It’s a Long Way to Tipperary, un air de music-hall de 1912, qui devient le symbole de la participation britannique, grâce à la publication de l’anecdote dans le Daily Mail du 18 août suivant. Le 14, le général John French, commandant du BEF, débarque depuis le destroyer Sentinel, accueilli par le comte Daru, gouverneur militaire de la place de Boulogne, et le colonel Victor-Jacques Huguet, chef de la mission militaire française à Londres ; il rejoint ensuite Paris, où il rencontre le président de la République et le président du Conseil, puis Vitry-le-François, auprès du grand quartier général français, enfin Amiens où se trouve alors son propre GQG.

Petit-fils d’un Irlandais, originaire de Boulogne-sur-Mer, le collaborateur du Journal et de L’Écho de Paris Georges Docquois décrit les premiers jours des troupes anglaises en ville :

Jeudi 13 août. – […] je reviens, ce soir du camp de Saint-Martin et de celui de Malbrouck.

[…] Tout à coup, de deux cents gosiers irlandais un chant grave monta. Nous pûmes nous croire dans quelque repli sacré de la verte Erin. Et nous fûmes secoués d’une sorte de frisson religieux… C’était comme une prière qui s’élevait vers le ciel d’un bleu foncé et tout poudroyant d’étoiles… Nulle brise ; et l’odeur de la terre parfumée de foin frais…

Carte postale noir et blanc représentant la troupe, à pied, passant sous l'une porte des fortifications de Boulogne-sur-Mer.

Arrivée des troupes anglaises se rendant à leur camp : passage sous la porte des Dunes, carte postale, Boulogne-sur-Mer, cl. Stévenard/E. Dejonghe, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 31 J 6.

À voix basse, nous nous entretenions dans la langue de ces braves gens. […]

Et nous fûmes bien touchés de connaître que tous ces bons garçons et leurs camarades, qui, cependant, continuaient à chanter en chœur, et tous ceux, aussi, qui se préparaient pour la nuit sous les tentes, étaient encore bien tranquilles, bien insouciants, dans leur garnison, il n’y a guère plus d’une quinzaine. Brusquement, on les avait empilés dans des trains qui les avaient menés à Plymouth. On les avait laissés là huit jours. Puis on les avait menés dans le port de Southampton. Ils y étaient encore, hier matin. À 3 heures de l’après-midi, on les avait embarqués sur des cargos à bord desquels ils s’étaient trouvés si tassés qu’il ne leur avait pas été possible de s’asseoir un seul instant. Collés de la sorte les uns aux autres, […], ils avaient fait une douzaine d’heures de mer ; en suite de quoi ils avaient pris pied sur notre quai Loubet. Tout de suite, on les avait formés en colonne, et ils avaient eu licence de se dégourdir les jambes en abattant les deux kilomètres au bout desquels ils devaient trouver leur camp de Saint-Martin, pendant que moitié des leurs arrivaient à leur camp de Malbrouck, de quelque cinq cents mètres plus près de la côte que le leur.

[…]

Mercredi 19 août. – Ma foi ! j’ai dormi… Mais, à 5h45, un premier passage de highlanders allant à la plage pour se baigner m’a réveillé. Ils étaient une bonne centaine ; et, tous ensemble, marchant de leur pas appuyé, ils sifflaient, doucement, un rag-time. C’était charmant. C’était comme une volière qui s’avançait… Une demi-heure après, quelque cent autres parurent, aussi, que précédait un joueur de bag-pipe… À 6h15, le premier groupe repassa. Tous portaient autour du cou la serviette mouillée ; et, cette fois, ils chantaient, – à l’unisson, toujours. Peu après, le second groupe revint, à son tour, en silence, derrière le cornemuseux… L’allure de ces garçons retrempés d’eau salée avait quelque chose de tonifiant pour qui les regardait. On sentait que, pour eux tous, tout est affaire de sport, et jusqu’à la guerre même !...

Georges Docquois, Dans un port du Détroit. Boulogne-sur-Mer. Juillet-novembre 1914, Paris, librairie Paul Ollendorff, 1915, p. 60-63, 78-79. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 451/5.

Le 23 août, enfin, l’artillerie arrive à Boulogne-sur-Mer ; depuis quelques jours, le BEF a entrepris de rejoindre la citadelle de Mons, en Belgique : là a lieu le premier affrontement impliquant les Britanniques : malgré une forte résistance, ceux-ci perdent 1 600 hommes (contre 2 000 du côté allemand), et doivent débuter un repli qui ne s’achèvera qu’avec la bataille de la Marne en septembre.