Archives - Pas-de-Calais le Département
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La moisson

En ce début du mois d’août, la question urgente est d’achever la moisson, alors que la mobilisation, la perturbation des transports et la réquisition des chevaux sont durement ressenties.

Le message adressé le 6 aux femmes françaises par le président du Conseil René Viviani, l’appel à la solidarité rurale et à l’intervention des municipalités que relaie le préfet du Pas-de-Calais par deux circulaires successives, les 4 et 7 août, enfin les injonctions du ministère de la Guerre du 8 pour l’accélération du battage de l’avoine et le réapprovisionnement des stations-magasins, ne font qu’accompagner l’élan instinctif des populations pour assurer dans les meilleures conditions possibles la récolte de 1914 :

Grâce à la bonne entente, les cultivateurs, avec ce qui leur reste de chevaux, coupent toutes les récoltes de ceux qui en sont dépourvus avec les moissonneuses-lieuses. Les femmes, les enfants, les vieillards même, ramassent les gerbes. Plus tard pour le battage on agira de même, et tout marche normalement. L’union fait la force.

Réponse du maire d’Alembon au préfet, s.d., reçue en préfecture le 13 août 1914. Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 1128.

Appel du Gouvernement aux Femmes françaises

Paris, 6 août (visée) – Le Président du Conseil vient d’adresser aux femmes françaises un appel dont voici le texte :

Aux Femmes françaises,

La guerre a été déchainée par l’Allemagne malgré les efforts de la France, de la Russie et de l’Angleterre pour maintenir la paix. À l’appel de la patrie, vos pères, vos fils, vos maris se sont levés et demain ils auront relevé le défi.

Le départ pour l’armée de tous ceux qui peuvent porter les armes laisse les travaux des champs interrompus ; la moisson est inachevée, le temps des vendanges approche.

Au nom du Gouvernement de la République, au nom de la Nation tout entière groupée derrière lui, je fais appel à votre vaillance, à celle des enfants que leur âge seul et non leur courage dérobe au combat. Je vous demande de maintenir l’activité des campagnes, de terminer les récoltes de l’année, de préparer celles de l’année prochaine. Vous ne pouvez pas rendre à la patrie un plus grand service.

Ce n’est pas pour vous, c’est pour elle que je m’adresse à votre cœur. Il faut sauvegarder votre subsistance, l’approvisionnement des populations urbaines et surtout l’approvisionnement de ceux qui défendent la frontière avec l’indépendance du pays, la civilisation et le droit.

Debout donc, femmes françaises ! Jeunes enfants, filles et fils de la patrie ; remplacez sur le champ du travail ceux qui iront sur le champ de bataille. Préparez-vous à leur montrer demain la terre cultivée, les récoltes rentrées, les champs ensemencés.

Il n’y a pas dans ces heures graves de labeur infime ; tout est grand qui sert le pays. Debout ! à l’action, à l’œuvre ; il y aura demain de la gloire pour tout le monde.

Vive la République ! Vive la France !

Pour le Gouvernement de la République :

Le président du Conseil des Ministres

René Viviani

L’Avenir d’Arras et du Pas-de-Calais, samedi 8 août 1914. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 22/71.

Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 1128.

Arras, le 7 août 1914.

À Messieurs les Maires,

Vous n’avez pas manqué déjà de vous préoccuper de la nécessité d’assurer, tant au point de vue de la défense nationale qu’au point de vue de la conservation de notre patrimoine agricole, la coupe, la rentrée et le battage des moissons, la sauvegarde de demain.

Il ne faut pas qu’une récolte reste en souffrance ni qu’un champ puisse demeurer inculte… ; pour cela il convient d’organiser la main d’œuvre disponible, de la répartir entre toutes les exploitations de votre commune. Chacun doit à son voisin de l’aider dans sa tâche : femmes, enfants, hommes non mobilisés doivent rivaliser d’efforts. C’est une œuvre de solidarité dans le présent, d’assistance mutuelle pour l’avenir que tous vos concitoyens sont disposés à remplir.

Mais peut-être ne serait-il pas inutile que votre conseil municipal prît l’initiative de grouper et de discipliner toutes les bonnes volontés pour les faire servir au bien collectif.

Je vous invite à le réunir d’urgence pour qu’il avise avec vous aux moyens les plus propres à atteindre ce but. Si des ouvriers en chômage vous étaient nécessaires, vous m’en indiqueriez le nombre pour que je puisse les faire diriger vers votre territoire. Vous me feriez connaître en même temps les salaires qu’ils pourraient recevoir et qui leur seraient payés, à défaut de leurs employeurs, par la commune elle-même sur les crédits que votre conseil municipal voterait à cet effet.

Le Préfet,

L. Briens

Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 1128.

Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 1128.

Roussent, le 7 août 1914

Le maire de Roussent à M. le Préfet, à Arras.

Je n’ai pas attendu votre lettre pour prendre les mesures destinées à activer la récolte des céréales.

Après avoir consulté le conseil municipal, j’ai décidé :

1° que les cinq propriétaires de moissonneuses-lieuses n’avaient pas le droit de laisser leurs machines en repos et qu’après avoir coupé leur blé, ils devaient couper celui de leurs voisins ;

2° que toutes les personnes valides, femmes et enfants même, devaient aider les gens du pays à couper et à rentrer les céréales.

Enfin, j’ai chargé un homme de visiter les maisons chaque jour afin de s’assurer que personne ne reste à rien faire.

Jusqu’ici, tout se passe bien et si le temps le permet la récolte des céréales serait faite aussi vite que les années précédentes.

Le Maire,

Gourlain

Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 1128.