Discours du président Jonnart lors de la séance ordinaire du Conseil général du 28 septembre 1914
Mes chers collègues,
En vous remerciant du nouveau témoignage de sympathie que vous voulez bien m’accorder, j’ai à cœur de vous renouveler l’expression de mon entier dévouement aux intérêts généraux de notre grande et belle région, si durement éprouvée. J’adresse à ceux de nos collègues qui font vaillamment leur devoir dans les armées nos plus affectueux souvenirs et nos vœux les plus ardents pour le succès de leurs patriotiques efforts. (Très bien).
Jamais plus noble cause n’a été soutenue avec plus d’entrain et d’intrépidité. Je serai l’interprète de l’Assemblée départementale tout entière en traduisant le sentiment de profonde admiration et d’infinie gratitude que nous ressentons pour l’indomptable énergie de nos troupes, des chefs et des soldats qui, pied à pied, au prix de fatigues et de sacrifices inouïs, défendent héroïquement le sol sacré de la patrie contre les barbares. (Très bien).
La victoire leur est due, parce qu’ils luttent pour le droit et la civilisation. Elle ne peut pas finalement leur échapper, quelles que soient les vicissitudes d’une longue campagne.
Nous associons les glorieuses armées alliées à nos vœux et à nos espérances. Leur vaillance et les sympathies de l’humanité nous apportent le plus précieux réconfort.
La région du Nord a été violée et humiliée. Les souffrances des nombreuses communes envahies retentissent douloureusement dans nos cœurs. Les atrocités commises par l’ennemi sur quelques points, loin de nous abattre, exaltent notre courage et fortifient nos résolutions. Notre devoir sera de venir généreusement en aide à tous ceux qui, sans pouvoir se défendre, ont subi les plus cruelles épreuves (Très bien, Très bien).
Nous pouvons compter sur les initiatives et le zèle de notre dévoué Préfet qui, lui aussi, avec une dignité à laquelle je veux rendre hommage, a supporté l'odieux contact des patrouilles ennemies (Vifs applaudissements).
Mon cher Préfet, nous travaillerons avec vous inlassablement à l’œuvre des réparations légitimes et au réveil de l’activité économique dans notre admirable département. Nous devons nous appliquer, sans plus tarder, au rétablissement des voies de transport, des services de nos chemins de fer et de nos canaux, et à la solution des problèmes si complexes que soulève la renaissance du crédit public.
Il faut absolument que les communications postales, qui donnent lieu aux protestations les plus justifiées et les plus émouvantes, soient rapidement améliorées. Tout le monde s’incline devant les exigences militaires, commandées par les besoins de la défense nationale ; mais d’impardonnables défaillances, des négligences inexpliquées, doivent faire l’objet d’une enquête impitoyable. Il faut que par des moyens de fortune, là où ils s’imposent, par des initiatives intelligentes et hardies, par un labeur obstiné, l’administration des Postes rende, sans discuter, sans compter, ce service immense à la Patrie en danger, de rassurer les familles, de soutenir le moral des braves soldats qui combattent sur le front, de faciliter au commerce, à l’industrie, qui constituent dans cette lutte suprême de puissants éléments de force et de succès, la reprise des affaires (Très bien).
Mais je supplie le Gouvernement de considérer que cette reprise n’est possible qu’avec une plus grande sécurité.
Je me garderai bien de discuter le plan qui a prévalu à l’État-major général. Je me permets seulement de remarquer qu’entre la zone des territoires investis et celle des régions qui ne sont pas envahies par l’ennemi, des opérations de police bien conduites réussiraient, en n’exigeant que l’emploi de modestes contingents, à préserver nos arrondissements non occupés contre les incursions incessantes, déshonorantes, de petites patrouilles de uhlans qui sillonnent les routes, terrorisent et rançonnent nos populations (Très bien).
Quelques mesures faciles à préciser suffiraient à rendre aux producteurs de la région la confiance sans laquelle tout effort pour ranimer le travail des champs et des usines restera vain.
Ces mesures, je les ai réclamées du Gouvernement. Puissiez-vous insister, Monsieur le Préfet, pour que notre appel soit entendu !
Dites bien au Gouvernement que notre intérêt se confond avec les intérêts supérieurs de la défense nationale. Dites lui bien que nous gardons une foi invincible dans les destinées de la patrie française, dans le succès final de la lutte gigantesque où nous nous sommes engagés, dans l’union indissoluble de tous les Français, et qu’un seul sentiment nous domine et nous étreint : l’amour passionné de notre chère France ! (Très bien).