Archives - Pas-de-Calais le Département
Les informations contenues dans cette page ne sont valables avec certitude que jusqu'à cette date et heure.

Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

Pour toute recherche dans les fonds qui y sont conservés (archives contemporaines), la consultation aura lieu dans la salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois, à Dainville. Deux levées sont organisées par semaine :

  • Pour une consultation de vos documents à partir du lundi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le jeudi précédent, à 12h ;
  • Pour une consultation à partir du mercredi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le mardi précédent, à 12h.

Le nombre de commandes est limité à 10 par jour et par personne. Le système de navette nécessitant une organisation rigoureuse et de nombreuses manipulations, il est essentiel de venir consulter les documents commandés avant la fin de la semaine, après quoi ils seront rangés.

La commande se fait via notre formulaire de contact.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Le torpillage de l'Amiral Ganteaume

Inventaire des bagages d'une réfugiée

Entre le 12 et le 20 octobre 1914, les combats se concentrent dans le secteur de La Bassée et de la crête d’Aubers. La possession d’Herlies (Nord) offre en particulier aux troupes britanniques la possibilité d’isoler de la route de Lille les Allemands qui occupent La Bassée : du 17 au 20, le village est en conséquence le théâtre de violents affrontements.

Il s’est alors vidé de ses habitants : sans doute dès le 8 face à l’avancée allemande, au moins le 16, en début d’après-midi. C’est vraisemblablement ce qui est arrivé à Louise Flament.

Naufrage de l’Amiral Ganteaume

Celle-ci est née à Herlies le 3 juillet 1880, fille d’un maréchal-ferrant, Henri Duquenne ; elle s’est mariée dans la commune en mai 1912 avec Jules Flament. En octobre 1914, elle fuit la guerre jusqu’à Calais, avec sa mère, Mathilde Bailly, et ses deux enfants. Elle fait partie des 2 500 réfugiés du Nord et de Belgique, qui montent le 26 octobre dans l’Amiral Ganteaume, un cargo à vapeur appartenant à la compagnie des Chargeurs réunis. Alors qu’il passe au large du Cap Gris-Nez en direction du Havre, celui-ci est torpillé par le sous-marin allemand U 24, qui l’avait semble-t-il pris pour un croiseur auxiliaire. Son avant est déchiré par l’explosion ; le transmanche The Queen, de la South and Eastern Chatham Railway, se déroute de son parcours Boulogne-sur-Mer – Folkestone, pour lui venir en aide. Il recueille l’essentiel des naufragés ; une trentaine d’entre eux environ, cependant, meurent dans la panique qui s’ensuit, en se jetant à l’eau ou en faisant chavirer les embarcations de secours.

Transport des bagages

Débarqués à Folkestone, les survivants sont hébergés au dépôt des réfugiés belges de Londres, tandis que l’Amiral Ganteaume est remorqué à Boulogne pour être réparé. Le 1er novembre, le steamer Corea, de la compagnie Bennett, transporte à Folkestone l’essentiel des bagages trouvés sur le navire. Ainsi que l’explique le lendemain l’administrateur de l’inscription maritime de Boulogne, Demolière, dans une lettre au général commandant la 1re région :

Les voitures d’enfants (150 environ) et les bicyclettes (une vingtaine) sont restées à bord de l’Amiral Ganteaume, car ces objets étaient trop encombrants pour être chargés sur le Corea. Les papiers, valeurs, livrets de caisse d’épargne, titre de rente, sommes d’argent, etc., trouvés à bord ont été déposés par mes soins dans la caisse du trésorier des Invalides de la Marine, à la disposition des intéressés qui en seront avisés par les consuls de Londres et de Folkestone.

Le 5 novembre, contrairement semble-t-il à ce qui avait été initialement envisagé, la majorité des passagers de l’Amiral Ganteaume regagnent la France – avec leurs bagages – grâce à l’Ausonia, un cargo anglais qui les emmène de Londres à La Rochelle (port de La Pallice). Ils sont de là dirigés par chemin de fer sur Foix, puis dans d’autres villes d’Ariège, Ax-les-Thermes, Saint-Girons, Pamiers ou Lavelanet.

Bagages disparus

Cela n’a pas été le cas de Louise Flament, qui paraît avoir pu rester en Angleterre jusqu’en avril 1915, date de son départ pour Sainteny (Manche), où vit l’une de ses belles-sœurs. Elle s’efforce alors de récupérer ses affaires, perdues lors du naufrage, nous offrant un exemple significatif de ce que peuvent avoir voulu sauver des réfugiés, confrontés à l’invasion. Mais ses démarches ont sans doute été vaines : tout ce qui avait été conservé lors de la catastrophe a été rendu aux légitimes propriétaires, à l’exception de dix bagages, stockés dans le magasin de la compagnie des chemins de fer du Midi, à Paludate (Bordeaux), jusqu’à leur vente le 17 mai 1915. Le 6 octobre, encore, Madame Flament se plaint de la disparition de sa malle, car elle contenait toute [sa] fortune :

Est-il possible qu’on ait vendu une malle sans se préoccuper de ce qu’elle renfermait ? ou l’aurait-on livrée au premier venu qui l’aurait réclamée sans se préoccuper s’il en était le propriétaire ?

Doléances de Louise Flament

Saint-Eny, le 3 mai 1915
Monsieur le Sous-Préfet de Boulogne-sur-Mer

Monsieur le Sous-Préfet,

La soussignée a l’honneur de vous exposer les frais suivants :

Obligée de partir précipitamment de Herlies, canton de La Bassée, arrondissement de Lille (Nord) avec sa mère, avec ses deux enfants en bas âge, elle fut conduite à Calais puis de là embarquée sur un navire, "l’Amiral Ganteaume" qui fit naufrage le 26 8bre 1914.

Elle fut conduite en Angleterre où elle est restée jusqu’au 7 avril pour venir se réfugier chez sa belle-sœur Madame Duquenne, boulangère à Saint-Eny.

Dans le sauvetage elle ne put conserver ce qu’elle avait emporté avec elle : une voiture d’enfant, un vélo, un panier de linge et habillement, une malle contenant des affaires de famille notamment montre, bracelets et autres objets, contrat de mariage, livret de secours mutuels, titres et obligations au porteur, toute sa fortune.

Au consulat de France à Londres, on lui a dit que les bagages du bateau naufragé avaient dû être expédiés à La Palice, près La Rochelle, et de s’adresser à M. le Préfet de la Manche, qui pourrait transmettre sa demande à son collègue de la Charente-Inférieure.

Elle a écrit et Monsieur le Préfet de la Charente-Inférieure lui a répondu qu’il avait le regret de lui faire savoir que les colis du navire n’ont pas été apportés à La Pallice.

Elle vous prie donc, Monsieur le Sous-Préfet, de bien vouloir faire une enquête auprès des autorités maritimes pour savoir où ont été mis en dépôt les colis de ce navire qui a dû rentrer à Boulogne.

Elle a l’honneur de vous présenter ses salutations respectueuses.

Louise Duquenne,

Chez Madame Duquenne, boulanger,
Saint-Eny (Manche).

Tampon de réception par la sous-préfecture de Boulogne-sur-Mer, 7 mai 1915.

Note manuscrite : Pour renseignements à M. le Préfet de la Charente-Inférieure.

Dans une seconde lettre, adressée au préfet de la Manche le 18 août 1915, Louise Flament se plaint des contradictions qu’elle note dans les réponses qu’elle reçoit. Elle y joint une :

Liste des objets

Dans une malle noire d’environ 1 m de longueur sur 0,50 m de largeur :

  • Un costume d’homme tout neuf, marron.
  • Un pantalon d’été et un paletot.
  • Une chemise fantaisie.
  • Une boîte contenant neuf cravates.
  • Une boîte en bois avec initiale F. contenant quittance, contrat de mariage, livret de famille, livret de secours mutuel ; une montre homme argent avec initiale P.B.
  • Une autre petite boîte en fer contenant deux broches, un bracelet, deux colliers en perles fines montés un sur argent, un sur or, une croix en corail, deux paires boucles oreilles or.
  • Dans un petit sac de voyage en cuir noir : papiers au nom de Jules Flament sur la Mutuelle Lyonnaise.
Dans deux toiles cirées :
  • Un rouleau d’obligations sur la Compagnie des Mines de Béthune, Crédit lyonnais, Russes (les numéros des titres ne peuvent être fournis, ils sont entre les mains de Monsieur Godin, retraité à Fournes, canton de La Bassée, Nord, qui est réfugié on ne sait où).
Dans une boîte en carton :
  • Une tabatière en argent,
  • Une broche en or,
  • Et autres petits bijoux,
  • Un papier au nom de Henri Duquenne provenant d’une pension annuelle.
Dans un panier à linge :
  • Une robe noire,
  • Une jaquette noire,
  • Un jupon noir,
  • Une paire draps de lit,
  • Une paire bottines neuves,
  • Un corset,
  • Linges d’enfants.

Une bicyclette homme marron.

Une voiture enfant marron.

Une boîte en bois renfermant :
  • Une robe en satin noir,
  • Une robe d’enfant en piquet blanc,
  • Une camisole rose,
  • Autres petites affaires enfants.

Il serait impossible à la soussignée d’énumérer exactement ce que comportaient ses bagages, étant donnée la précipitation avec laquelle elle a dû fuir.

Saint-Eny, le 18 août 1915

Louise Flament