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Arras sous les Obus

Emblème des villes martyres, l’exemple d’Arras est exhibé par la presse et l’édition, tel un flambeau nourrissant la propagande anti-allemande.

De nombreux témoignages de civils sont publiés dans ce but, comme ceux de Madeleine Bracq (En Artois - juillet-octobre 1914, Tours, Mame, s.d.), Madeleine Wartelle (Les Cités meurtries. Arras - 1914-1915, Paris, librairie de l'Éclair, s.d.) ou encore Mme Emmanuel Colombel, née Tailliandier, (Journal d'une infirmière d'Arras - août-septembre-octobre 1914, Paris, Bloud et Gay, 1916).

Arras sous les obus de l’abbé Foulon est un parfait exemple de ce type de littérature. Paru en 1915, il regroupe une série de conférences données par ce dernier dans toute la France et placées sous l’égide de Mgr Lobbedey, Maurice Barrès et du Comité catholique de propagande française.

Professeur de philosophie et de belles-lettres à l’institution Saint-Joseph d’Arras durant trente années, Édouard Foulon est aussi connu pour avoir joué un rôle très actif dans le comité pour l’édification de Notre-Dame de Lorette. Élu à l’Académie d’Arras en 1920, il se retire en 1951 à Frémicourt où il décède en 1954.

Réédité en 1916, son ouvrage Arras sous les obus offre un panorama assez complet du martyre de la cité au début de la guerre. Après avoir décrit les premiers mois du conflit, il dresse le portrait de quelques personnalités arrageoises présentes en ces sombres heures, avant de déplorer la destruction des principaux édifices et de présenter un recueil de documents sur la vie quotidienne. L’ensemble de ces chapitres est richement documenté des photographies de son confrère le professeur et abbé Paul Izambart.

"Arras sous les obus" 

Tel est le titre qu’un témoin actif et bien informé, M. l’abbé E. Foulon, professeur à l’Institut Saint-Joseph, a choisi pour l’œuvre historique et artistique qui paraît sous les auspices du "Comité catholique de propagande française" et avec les paternels encouragements, ̶ en forme de préface, ̶ de Monseigneur Lobbedey (in-4° de 124 pages et 100 photographies ; ̶ Bloud et Gay, Paris ; 3 fr.50) :

Le récit commence par le prélude du siège, le seizième qu’Arras ait à subir depuis l’époque romaine : le départ enthousiaste des troupes françaises pour la frontière ; le premier passage, ̶ relativement calme, ̶ d’une colonne allemande ; le séjour pittoresque des courageux goumiers.

Puis le théâtre de la guerre se rapproche et atteint, par une série de combats, les environs immédiats de la ville : l’investissement, sans être jamais complet, met les Allemands en état d’aboutir, malgré l’indéfectible vaillance de chefs et des soldats qui empêchent l’ennemi d’avancer, à un bombardement de la ville-martyre qui, passivement, sert de cible, dans ses monuments, ses quartiers, hôpitaux et ambulances, à une barbarie froide et odieusement raffinée.

L’exactitude des descriptions, la vie des "journaux" du siège donnent ici une impression aussi complète que possible ̶ quoique inférieure aux sensations de l’horrible réalité, ̶ des journées d’octobre 1914, de juin et juillet 1915, qui ont frappé au cœur tous les Artésiens, en détruisant par le fer et le feu le beffroi, l’hôtel de ville, la cathédrale, le palais Saint-Vaast, tant d’autres monuments religieux, et profané tant de propriétés et de souvenirs sans prix, tant d’existences de citoyens inoffensifs !

Tout cet exposé, mieux précisé qu’ailleurs, est complété par un chapitre qui, dans son impartiale sobriété sera peut-être le plus utile, le plus charitablement vengeur, de ce volume patiemment documenté : il est intitulé (pp. 73-82) : "Ambulances bombardées". Depuis le jour où nous avons vu les autos réquisitionnées par les Allemands courir d’hôpital en hôpital, pour rechercher leurs blessés, illustres ou simplement dignes de pitié, et jusqu’aux inoubliables journées où le drapeau à la Croix de Genève est devenu un indice évidemment périlleux, "huit ambulances sur neuf" ont été "visées" dans Arras et atrocement atteintes par les obus : la mort des sœurs Sainte-Suzanne, Sainte-Jeanne, Sainte Véronique et bien d’autres, les paroles éloquentes de M. le préfet du Pas-de-Calais aux funérailles de l’une d’elles, amènent l’historien à cette conclusion : "Il ne se peut violation plus manifeste des lois internationales, humaines et divines."

Des documents officiels ou officieux complètent ce volume d’un intérêt pathétique et durable. Le clergé du diocèse, son vaillant pasteur en tête ; les autorités de tout ordre ; les courageux citoyens d’Arras ; les écrivains de la presse locale ou internationale, tous ont leur place dans ces récits fidèles, comme ils l’ont eue dans les phases de ce drame patriotique, encore inachevé.

La documentation photographique du volume, ̶ quoiqu’elle vienne après celle des journaux illustrés, de tout pays et des éditions d’albums et de cartes postales, ̶ est intéressante au premier chef, parce qu’elle est inédite : le talent de M. l’abbé Izambart, ̶ qui a eu la patience et le courage d’être ainsi, avec son confrère, et au jour le jour, le consciencieux historien de sa ville natale, ̶ en a presque totalement le mérite.

La couverture artistique de l’album, ̶ ou le fier Lion du beffroi artésien est représenté haletant, mais glorieusement dressé, et surgissant au milieu des flammes et des obus, ̶ est à la fois le souvenir d’une réalité passée et un symbole d’avenir : si le panorama des ruines, au vestibule de l’œuvre, dit si vivement les tristesses présentes, tout le reste du volume est imprégné de vie et d’espoir.

Le dévouement et le talent d’observation de M. Foulon en sont la cause ; ses compatriotes reconnaissants ne sauraient l’oublier.

L. R.

La Croix du Pas-de-Calais, mardi 16 novembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/17.