Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

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Le nombre de commandes est limité à 10 par jour et par personne. Le système de navette nécessitant une organisation rigoureuse et de nombreuses manipulations, il est essentiel de venir consulter les documents commandés avant la fin de la semaine, après quoi ils seront rangés.

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Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Haig remplace French à la tête des Forces britanniques en France

Les âpres négociations menées lors de  la conférence de Calais en juillet 1915 ont permis la synchronisation des actions entre les armées française et britannique. Pourtant, cette coopération n’a pas raison des profonds différends qui séparent Joffre et French. Entre eux, l’incompréhension perdure.

Début décembre 1915, Joffre est nommé généralissime des armées françaises (il était jusqu’à présent commandant en chef des armées du Nord et du Nord-Est). De son côté, French fait l’objet de nombreuses critiques, d’autant plus fortes que la presse d’outre-Manche impute les désastres d’ Aubers et de Loos à la mésentente entre les deux chefs d’état-major.

Alors que l’Italie vient de s’engager à leurs côtés dans le conflit, Joffre appelle à une nouvelle entrevue pour coordonner les futures actions communes ; celle-ci a lieu du 6 au 8 décembre à Chantilly et rassemble les représentants des armées belge, britannique, italienne, russe et serbe. Au lendemain de cette conférence, face aux pressions de plus en plus fortes, French annonce officiellement sa démission.

On apprend dans les mémoires de Joffre que pour succéder au maréchal, deux noms étaient particulièrement mis en avant : celui du général sir Douglas Haig, commandant la première armée, et celui du général Robertson, chef d’état-major . C’est finalement Haig qui est choisi, tandis que Robertson est nommé chef d’état-major impérial le 23 décembre.

Le 17, la presse britannique a annoncé la nomination de Douglas Haig à la tête des Forces britanniques en France. Le lendemain, la presse française publie à son tour une courte biographie du général.

La carrière de Sir Douglas Haig

Sir Douglas Haig est une des figures les plus marquantes de la guerre actuelle. Les communiqués du maréchal French nous ont appris quelle part il avait prise, au cours de la campagne, à la bataille de l’Aisne et à celle de Neuve-Chapelle.

Sir Douglas Haig est né en 1861 en Écosse. Il a fait sa carrière dans la cavalerie où il est entré en 1885.

Dès le début de la campagne du Soudan en 1898, il partit pour l’Égypte où il prit part aux batailles d’Atbara et de Khartoum et son nom figura plusieurs fois dans les dépêches du général en chef. En 1899, il partit pour le Natal et fut chef d’état-major de Sir John French dans les opérations autour de Colesburg. En 1900, il fut nommé au commandement d’une division de cavalerie dans l’Afrique du Sud où il resta jusqu’en 1902. Après la guerre sud-africaine, il partit pour l’Inde comme inspecteur général de la cavalerie et en 1904 il devint major général. En 1909, sir Douglas était chef d’état-major de l’armée de l’Inde, poste qu’il conserva trois ans. Au début de la guerre actuelle, sir John French appela auprès de lui son ancien collaborateur. On le regarde comme le général le plus heureux de l’armée anglaise. Le feld-maréchal sir Evelyn Wood a dit de lui :

"Sir Douglas Haig est un des officiers les plus instruits de l’armée anglaise. Il connaît l’armée allemande mieux que n’importe quel officier en Angleterre et probablement mieux que la plupart des Allemands".

Il y a une vingtaine d’années, au cours d’un séjour qu’il fit en Allemagne, il écrivit à sa jeune femme une lettre pleine de vues prophétiques qu’il lui demanda de conserver afin que celui qui écrirait sa biographie pût voir qu’il avait prévu vingt ans à l’avance que l’Angleterre aurait à combattre l’Allemagne.

La France du Nord, samedi 18 décembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/93.

La nomination d’Haig arrive à un moment critique au Royaume-Uni. Le système britannique de conscription sur la base de volontariat semble en effet atteindre ses limites. À la suite de l’échec du système dit "Derby", qui a tenté de relancer les enrôlements volontaires, Joffre décide de peser sur les Alliés lors de la conférence de Chantilly. Une première loi est finalement votée le 27 janvier 1916. Aux 3 millions de volontaires comptabilisés en 1916 viendront s’ajouter 2,3 millions d’appelés.

De son côté, French prépare son départ. Oubliant leurs anciennes querelles, Joffre lui remet la croix de guerre le 20 décembre 1915.

Un message d’adieux du maréchal French à ses troupes

Londres, 20 décembre.

Le maréchal French a adressé à ses troupes le message suivant :

"Au moment d’abandonner le commandement de l’armée britannique en France, je désire exprimer aux officiers, sous-officiers et soldats avec qui j’ai été si étroitement associé pendant ces derniers seize mois le chagrin profond de les quitter avant que la campagne que nous menons ensemble depuis si longtemps ait été terminée victorieusement.

J’ai cependant la conviction la plus absolue que le couronnement victorieux de leurs splendides et héroïques efforts n’est pas éloigné, et je suivrai leurs progrès vers l’atteinte du but final avec un intérêt passionné et l’espoir le plus confiant.

Les succès obtenus jusqu’à présent sont dus au courage indomptable, à la ténacité acharnée ne connaissant pas de défaite, et à la bravoure héroïque si fréquemment prouvée par les soldats de l’armée splendide, dont ce sera la fierté et la gloire de ma vie d’avoir dirigé pendant seize mois les combats incessants.

Les réguliers et les territoriaux de l’ancienne et de la nouvelle armée ont montré également ces splendides qualités.

Du plus profond de mon cœur, je les en remercie.

Et au triste moment du départ, ma pensée va à ceux que leurs blessures ont rendus infirmes pour la vie ; elle se porte avec tristesse sur la grande et glorieuse troupe de mes chers camarades qui ont bravement fait le plus grand sacrifice, en donnant leur vie pour la patrie.

Disant adieu à l’armée britannique en France, je lui demande à nouveau d’accepter l’expression la plus profonde de ma gratitude et de ma reconnaissance émue, ainsi que les meilleurs souhaits pour le glorieux avenir que je sais lui être assuré".

French.

 La France du Nord, mardi 21 décembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/93.

Photographie noir et blanc montrant trois hommes en tenue militaire.

Visite de l'état major allié sur le front, avec de droite à gauche les généraux French, Joffre et Haig, en 1915.

Après ces adieux, French rentre en Angleterre où il est nommé commandant en chef des Forces de l’Intérieur. À ce titre, il organise la répression mise en place lors du soulèvement de l’Irlande en 1916.

Le 21 décembre 1915, jour de son départ, une cérémonie solennelle et émouvante est organisée sur le quai Chanzy à Boulogne, à laquelle se sont rendus de nombreuses personnalités locales, officiers et soldats alliés. Tous tiennent à lui témoigner leur profonde reconnaissance, à rendre un bel hommage à l’action militaire qu’il a menée à leurs côtés.

Le lendemain est organisée la première entrevue officielle entre Haig et Joffre concernant les préparatifs de nouvelles opérations coordonnées. Les négociations entre les deux hommes aboutissent la planification de l’offensive de la Somme en juillet 1916.

Lord John French quitte la France

Il s’embarque à Boulogne où l’armée française et ses soldats l’acclament.

Lord John French, ancien commandant en chef du corps expéditionnaire anglais en France et maintenant commandant en chef de toutes les armées britanniques s’est embarqué hier à Boulogne pour rentrer en Angleterre après avoir pendant seize mois dirigé avec la maîtrise qui lui vaudra la reconnaissance éternelle de la France, les forces alliées envoyées pour coopérer avec notre vaillante armée.

Vers 1 heure 1/2, deux escadrons de hussards anglais viennent se ranger de chaque côté du quai Chanzy pour faire la haie sur le passage du train qui va ramener le maréchal French en gare maritime.

En même temps la Compagnie territoriale du capitaine Robert, avec musique va s’établir en ligne déployée sur le trottoir de la gare tandis qu’une compagnie anglaise se dispose sur le quai central, à rendre les honneurs à son chef suprême.

À une heure 50 le train entre lentement en gare.

À peine a-t-il stoppé que le glorieux soldat descend lentement de wagon. Il est aussi alerte, aussi vif que nous l’avons vu lorsqu’il débarqua au même appontement au mois d’août 1914. Seule la neige de ses cheveux a encore blanchi. Le général Huguet, notre concitoyen, chef de la Mission militaire française est à ses côtés.

M. le général Alix qu’accompagne son officier d’ordonnance, le capitaine Fleury, M. le colonel Daru, gouverneur de Boulogne, M. le colonel Vilberforce commandant la base anglaise, M. le Préfet du Pas-de-Calais, M. Certeux, sous-préfet de Boulogne, l’accueillent à sa descente de wagon et lui souhaitent la bienvenue.

La musique exécute l’Hymne anglais, puis la Marseillaise.

Suivi de son état-major et des officiers anglais le Maréchal passe lentement devant le front de la compagnie française et de la compagnie anglaise qui présentent les armes.

Puis lentement, conversant avec les autorités françaises dont il prend congé chaleureusement, il gagne l’embarcadère pour prendre place sur le navire de guerre que le Gouvernement anglais a mis à sa disposition pour la traversée.

De nouveau, la musique qui est venue prendre place au bord du quai exécute les hymnes nationaux.

Le navire démarre lentement, tiré à l’arrière par un remorqueur. Les assistants saluent respectueusement le maréchal French qui tient la main à la visière de sa coiffure.

Tandis que le bateau effectue son virage dans l’avant-port, la foule et les soldats anglais vont se masser à l’extrémité de l’appontement et saluent de vibrants hourrahs le vaillant soldat qui s’est acquis d’immortels titres de gloire lors de la retraite de Mons, sur la Marne, sur l’Yser, à Ypres et en Artois.

Le navire a maintenant effectué son virage. Il accélère l’allure et disparaît dans le chenal. Lord French se tient à l’arrière tourné vers cette terre de France qu’il quitte comme à regret après l’avoir si héroïquement défendue.

M. le général Alix regagne sa voiture après avoir passé sur le front de la compagnie territoriale dont les clairons sonnent aux champs et qui rejoint son casernement au son de pas redoublés.

M. Valleins, commissaire spécial avait organisé un service d’ordre discret et plein de tact.

La France du Nord, mercredi 22 décembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/93.