Archives - Pas-de-Calais le Département
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L’abbé Miseron écrit les destructions d’Arras

Les bombardements sur Arras ont repris avec une effrayante intensité en ce début décembre, touchant plus particulièrement le quartier du nouveau Grand Séminaire.
L’abbé Miseron [ note 1] et le chanoine Milléquant, accablés par les nouveaux ravages, s’en remettent à l’évêque en lui adressant une lettre renfermant les détails de la terrible journée du 8 décembre.

Leur courrier est publié ici en partie, car la censure a entrepris de gommer certaines informations, notamment celles relatives aux lieux touchés par les obus. On apprend toutefois que les Allemands auraient utilisé des obus tirés d’un 138 autrichien, qui ne produisent aucun sifflement pouvant avertir de leur chute : n’ayant pu se mettre à temps à l’abri, plusieurs victimes sont ainsi à déplorer.

Communiqués de l’Évêché - Arras

Le bombardement, cette semaine, a repris une effrayante intensité. Le quartier le plus éprouvé est celui du nouveau Grand Séminaire. La jolie flèche de cet édifice a été abattue, et le reste saccagé. On déplore plusieurs décès, celui entre autres de M. Roches, le secrétaire de Me Paris.

On va lire la lettre navrante que Mgr l’Évêque vient de recevoir de M. l’abbé Miseron. D’autre part, M. le chanoine Milléquant adresse à Sa Grandeur quelques lignes confirmant les détails. Tous les catholiques, tous les patriotes du diocèse voudront offrir à Monseigneur le tribut de leur douloureuse sympathie dans cette nouvelle épreuve.

Arras, 9 décembre

Monseigneur,

Je viens en toute hâte vous donner quelques détails sur le terrible bombardement dont je n’ai pu vous dire qu’un mot hier, le courrier partant d’Arras vers 1 heure.

De 9 h et demie à 2 heures, les Boches se sont acharnés sur votre … Les coups se succédaient toutes les deux minutes environ. Presque tous les coups ont porté : à part quelques obus tombés dans le jardin, tous les autres ont atteint … ou les bâtiments les plus proches.

Le haut de … tombé (sur une hauteur de 7 à 8 mètres) vers 1 heure. Le reste de la flèche et la tour elle-même ne tiennent presque plus. La … qui était si admirablement belle, a beaucoup souffert. Les murs qui donnent sur le jardin sont en grande partie démolis. La voûte de la nef s’est effondrée jusqu’à l’endroit de la chaire. Les orgues n’existent plus. Les stalles sont recouvertes de pierres. Jusqu’ici le merveilleux maître-autel n’a presque pas souffert. La chaire a été bien protégée par les sacs de terre qui l’entouraient. Mais des brèches énormes ont été faites dans la toiture et dans beaucoup de murs. Les bâtiments les plus proches de la … ont aussi beaucoup souffert. C’est un désastre indescriptible. Et il est bien à craindre que les Boches n’achèvent bientôt leur œuvre de destruction.

Vers 4 heures du soir, le bombardement a repris avec une violence inouïe pendant une demi-heure. J’arrivais de nouveau … un obus tombait sur le clocher, je l’ai encore échappé belle. Deo gratias. Les obus arrivèrent plusieurs par minute, avec un fracas inimaginable. C’est la destruction méthodique …

Je ne vous dirai pas la vive émotion causée dans la ville par ce terrible bombardement. Vous la devinez.

Jusqu’ici nous n’avions pas encore été bombardés avec le genre d’obus que les Boches ont employés hier. Des officiers d’artillerie m’ont dit que c’était du 138 autrichien. Toujours est-il que le coup de départ et le coup d’éclatement se faisaient entendre presque en même temps et sans le moindre sifflement d’obus. Impossible par conséquent de penser à se mettre à l’abri, comme on le fait avec les autres obus, qui annoncent quelques instants d’avance leur arrivée.

Daignez agréer…

La Croix du Pas-de-Calais, dimanche 12 décembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/17.

Notes

[ note 1] Les archives départementales conservent un autre témoignage de l’abbé Miseron sous la cote 1 J 131. Intitulé "Quelques détails sur Arras", son journal relate jour après jour les événements qui accablent la cité du 5 novembre 1914 au 30 janvier 1916 (avec des lacunes).