Archives - Pas-de-Calais le Département
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"Mort pour la France"

Texte manuscrit sur lequel on lit :"Le tribunal, vu la requête qui précède ; vu la loi du trois décembre 1915 ; vu la dépêche du procureur génral ; ouï; M. Thermes, juge, en son rapport ; après m'avoir délibéré ; adoptant les motifs de ladite requête : déclare comptant le décès d'Acet Jules, né à Biache-Saint-Vaast le 22 décembre 1891, y domicilié, célibataire, cultivateur, fils des feus Henri et Fichel Julia, caporal au 8e régiment de zouaves, matricule 15029, classe 1912, matricule 374 du recrutement d'Arras, décédé à Souchez (Pas-de-Calais) le 16 juin 1915, "Mort pour la France"...

Déclaration de décès de Jules Acet survenue le 16 juin 1915, avec mention "Mort pour la France", transcrite le 8 octobre 1920 par le maire Biache-St-Vaast. Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 E 128/27.

En ces temps de sacrifices consentis, les hommages de la Nation à ses fils tombés ne cessent de se multiplier. Après la création de la croix de guerre en avril 1915, une loi est votée au parlement le 2 juillet 1915, instituant l’inscription "Mort pour la France" sur les actes d’état civil.

Au-delà de la reconnaissance dont elle témoigne, cette mention entraîne des conséquences plus matérielles puisqu’elle donne le droit à une sépulture individuelle et perpétuelle dans un cimetière militaire aux frais de l’État (loi du 29 décembre 1915) et justifie le versement de pensions de veuves de guerre et d’orphelins.

Il appartient aux familles d’en solliciter l’attribution, sauf dans le cas de soldats tués au combat. La nécessité d’une démarche familiale explique qu’il est difficile de se référer à cette seule mention pour établir avec précision un bilan des victimes civiles dans le cas d’un bombardement (pendant la seconde guerre, par exemple).

Les dispositions initiales ont été étendues aux conflits ultérieurs. Les décrets des 30 mai 1921 et 16 juillet 1947 ont autorisé par ailleurs les municipalités à accorder, à titre d’hommage public, des concessions perpétuelles et gratuites dans leurs cimetières pour l’inhumation des soldats dont l’acte de décès porte la mention "Mort pour la France".

Boulogne, le 9 juillet 1915,

Le préfet du Pas-de-Calais,
à Messieurs les maires du département.

Vous trouverez, d’autre part, le texte d’une loi que vient de voter le Parlement et qui a pour objet d’inscrire, sur les actes de décès des militaires ou civils tués à l’ennemi, les mots "Mort pour la France".

L’article 1er de la loi dont il s’agit concerne les actes de décès non encore établis. Ils seront dressés, pour la plupart, par l’autorité militaire, conformément à l’article 93 du Code civil. Mais nombre de militaires meurent de suites de leurs blessures dans des communes situées loin de la zone des armées.

Il conviendra, dans ce cas, qu’en établissant l’acte de décès de toute personne morte dans les conditions prévues audit article, vous remplaciez, sur l’avis de l’autorité militaire, les mots "décédé à …, le … » par les mots « Mort pour la France à …, le … ".

L’article 2 de la loi stipule que l’officier de l’état-civil devra, sur avis de l’autorité militaire, inscrire les mots "Mort pour la France" en marge des actes de décès des militaires ou civils tués ou morts depuis le 2 août 1914 dans les circonstances prévues par l’article 1er.

Vous voudrez bien, en conséquence, rechercher sur les registres de l’état-civil de votre commune les actes de décès concernant toutes personnes rentrant dans la catégorie visée par l’article 1er et dressés directement par vous ou transcrits par vos soins conformément aux articles 80 et 94 du Code civil.

Sur tous ceux de ces actes qui portent l’une des mentions suivantes : "tué à l’ennemi", "mort sur le champ de bataille", "mort de blessures de guerre", "mort de maladie contractée aux Armées", vous inscrirez en marge les mots "Mort pour la France", sans avoir à vous procurer un avis de l’autorité militaire.

Pour tous les autres actes ne contenant pas l’une de ces mentions les maires devront s’adresser au commandant du dépôt du régiment auquel appartenait le défunt, afin de savoir s’il y a lieu ou non de porter la mention marginale.

Dans le cas où le militaire décédé n’aurait pas appartenu à un corps de troupe, votre demande devrait être adressée au Ministère de la Guerre (Service Intérieur – Archives administratives).

Enfin si le défunt était un civil, vous devriez vous adresser au Général commandant la région dans laquelle a eu lieu le décès.

Je vous prie de bien vous pénétrer des instructions qui précèdent et de veiller personnellement à leur stricte application.

Le préfet
L. Briens

Texte de la loi du 2 juillet 1915

Article 1er – L’acte de décès d’un militaire des armées de terre ou de mer tué à l’ennemi ou mort des suites de ses blessures ou d’une maladie contractée sur le champ de bataille, de tout médecin, ministre du culte, infirmier, infirmière des hôpitaux militaires et formations sanitaires, ainsi que de toute personne ayant succombé à des maladies contractées au cours des soins donnés aux malades ou blessés de l’armée, de tout civil tué par l’ennemi, soit comme otage, soit dans l’exercice de fonctions publiques, électives, administratives ou judiciaires, ou à leur occasion, devra, sur l’avis de l’autorité militaire, contenir la mention "Mort pour la France".

Article 2 – En ce qui concerne les militaires ou civils tués ou morts dans les circonstances prévues par l’article 1er, depuis le 2 août 1914, l’officier de l’état-civil devra, sur avis de l’autorité militaire, inscrire en marge des actes de décès les mots "Mort pour la France".

Article 3 – La présente loi est applicable aux actes de décès des indigènes de l’Algérie, des Colonies, ou pays de protectorat et des engagés au titre étranger tués ou morts dans les mêmes circonstances.

Recueil des actes de la préfecture du Pas-de-Calais, tome LXXXXVIII, 9 juillet 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 K 69.