Dans les tranchées, les "poilus" craignent plus les rats que les Boches
Les Boches ne nous font pas plus peur que leurs marmites et leurs balles, nous écrivent quelques soldats du front. Mais nous avons d’autres ennemis qui, pour être plus petits, n’en sont pas moins redoutables, et si étrange que cela puisse paraître, les « poilus » qui n’ont pourtant pas froid aux yeux – ils l’ont assez prouvé – tremblent devant eux car ils n’ont pas d’armes pour les combattre.
Ces ennemis, ce sont les rats. Ces vilaines bêtes pullulent dans les tranchées et dans les cantonnements. Elles sont tellement grosses que, le soir, par temps clair, on les prendrait, à distance, pour des petits lapins. Dame ! elles sont bien nourries depuis que nous sommes là : nous ne savons plus où cacher notre pain et nos autres provisions ; elles vont les chercher jusqu’à dans nos musettes ! Et quand les rats y ont passé, vous pensez bien que nous n’avons plus d’appétit et que nous nous empressons de jeter les aliments qu’ils ont souillés.
La nuit, quand nous prenons un peu de repos, bien gagné, ils trottinent sur nous et rien ne nous est plus désagréable que de nous réveiller en sentant leurs sales pattes sur notre visage. Leur audace en est telle que, si nous ne conservions nos souliers pour dormir, ils viendraient nous croquer les doigts de pied.
Non seulement ils sont des animaux répugnants, mais encore ils sont plus dangereux […]
À tout instant nous risquons, nous aussi, d’être mordus par ces indésirables compagnons de tranchées. Nous sommes tous prêts à mourir pour la patrie, mais pas de cette façon là ! Et vous pouvez croire que nous, les poilus, redoutons les rats, au point que nous n’osons plus nous endormir malgré notre fatigue.
Ne pourrait-on donc nous débarrasser de ces animaux, en plaçant dans les tranchées de gros pièges ou bien des grains empoisonnés ? Ils croissent et se multiplient avec une effrayante rapidité. Si cela continue, les tranchées vont devenir absolument… inhabitables.
Qu’on nous débarrasse au plus vite de ces répugnants compagnons, conclut notre poilu, quand il ne restera plus que les Boches, nous nous en chargerons tout seuls…