La représentation au profit de l’œuvre du Foyer du soldat aveugle
Une fois de plus, le public boulonnais a tenu à montrer qu’il répondait toujours avec un magnifique élan à l’appel fait à ses sentiments de reconnaissance envers ceux qui se sacrifient pour la liberté et la grandeur de la patrie. C’est devant une salle comble que fut représentée mercredi L’Espionne de Victorien Sardou, avec le concours d’artistes de l’Odéon.
L’œuvre "du Foyer du soldat aveugle" au profit de laquelle était donnée cette belle représentation mérite le plus actif encouragement, car son but immédiat est d’apporter aux malheureux frappés d’une des plus grandes misères humaines une aide matérielle et un réconfort moral.
L’une des artistes, Mme Jeanne Rolly, a lu un vibrant appel aux heureux qui voient encore la lumière du ciel
, en faveur de ceux qui, plongés dans la nuit éternelle, ne verront plus ni les clairs matins ni les couchants resplendissants, ni les traits des êtres chers, et qui, partis une chanson aux lèvres, reviennent désespérés, guidés par une main amie, chercher à tâtons le foyer désormais sans joie.
Aussi, est-ce avec le plus vif empressement que les spectateurs accueillirent Mme Jeanne Rolly, lorsqu’elle vint solliciter de leur générosité une obole pour les soldats aveugles. En échange, il leur fut remis une carte d’une réelle valeur artistique.
La satisfaction d’apporter leur concours à une œuvre si touchante s’est doublée pour nos concitoyens de l’intérêt offert par la pièce elle-même, interprétée de la meilleure façon par les artistes du second Théâtre Français.
Chacun des rôles, d’un caractère si différent, fut rempli avec une égale perfection. Les seconds rôles eux-mêmes furent excellemment tenus.
Mmes Jeanne Rolly et Guéreau possèdent une réelle puissance d’expression dramatique. L’une a donné au personnage de la comtesse Zicka un relief saisissant ; l’autre, au talent si souple, a été une Dora tour à tour enjouée, touchante, passionnée.
Mme Suzanne Théray a campé de magistrale façon le personnage de la marquise Rio Zarès, une vivante et pétulante Espagnole à laquelle de multiples déplacements n’ont rien fait perdre de son original accent.
Le jeu puissant de M. Savoy dans le rôle de Maurillac exprimant avec la même vérité les sentiments de tendresse et de douleur contenue, s’opposait très heureusement au scepticisme aimable de son ami Lucien Favrolle, dont le rôle était tenu par M. Scey.
Le personnage de Tekli a permis à M. Jacques Robert de mettre en valeur de grandes qualités de force, principalement dans la scène du second acte avec Maurillac, du caractère le plus dramatique.
Le public n’a pas ménagé ses applaudissements aux vaillants artistes qui après chaque acte ont été contraints de venir plusieurs fois saluer l’assistance.
Nous souhaitons qu’ils obtiennent partout où ils prodiguent leurs efforts en faveur de l’œuvre du Foyer du soldat aveugle, le même succès qu’à Boulogne ; c’est, croyons-nous, la récompense à laquelle ils aspirent et qui a tant de titres leur est due.