Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

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Conférence sur l’effort britannique et la maîtrise de la mer

C’est Ernest Denis (1849-1921), éminent professeur d’histoire moderne à la Sorbonne, qui a été choisi par inaugurer, au théâtre municipal de Boulogne-sur-Mer, la série des conférences de guerre organisée par la société de géographie. Ce savant de premier ordre, considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français de la Bohème, engagé dans la libération des peuples tchèque et slovaque, est l’auteur d’un ouvrage récent sur La Grande Serbie (1915) et d’une série d’articles sur la Russie.

Devant une salle comble, il fait l’inventaire des ressources immenses dont dispose l’empire russe, aussi bien en hommes qu’en produits divers, puis met en avant le sacrifice d’une armée alliée qui n’a pas hésité à compromettre sa situation par l’invasion prématurée de la Prusse orientale, un geste qui a rendu plus étroite l’alliance de la France et de la Russie.

C’est encore au théâtre municipal que le président de la société de géographie de Boulogne, Robert Barlet, accueille Paul Cloarec pour une conférence sur l’effort britannique et la maîtrise de la mer.

Entré à l’École navale en 1876, Paul Cloarec (1860-1951) a pris part à la répression de l’insurrection d’Haïti en 1882. Promu capitaine de frégate, il quitte le service actif pour se consacrer à l’enseignement : il est professeur à l’École libre des sciences politiques, au Collège des sciences sociales, puis à l’École supérieure de guerre où il sera élu membre titulaire en 1922. Directeur de la Ligue maritime française et de son bulletin mensuel en 1904, il devient en 1921 vice-président de la nouvelle Ligue maritime et coloniale, responsable des grandes semaines maritimes. Il est également membre du comité consultatif de la navigation intérieure, administrateur de l’office national de la navigation et rapporteur en 1917 d’une commission sur les pêches au sous-secrétariat de la Marine marchande. Il est l’auteur de nombreux ouvrages et articles sur la politique, la marine ou la mer : Essai de politique positive en 1912, La guerre sur mer en 1916, La renaissance de notre marine marchande en 1919, ou encore La politique et la méthode en 1920.

Sa conférence veut démontrer la valeur de l’effort britannique pour protéger les côtes françaises et l'importance décisive de sa flotte : les moyens de défense ont jusqu’ici prouvé une efficacité assez grande pour permettre d'envisager l'avenir avec sérénité : la maîtrise de la mer contribuera à assurer la victoire des Alliés.

Société de Géographie - Conférence de M. Cloarec

Hier soir, au théâtre, devant un très nombreux public, M. Cloarec, directeur de la Ligue maritime, fit sur l’effort britannique une conférence qui obtint le plus net et le plus franc succès. Sur la scène avaient pris place : MM. Béquignon, inspecteur d’Académie ; M. le gouverneur de Boulogne ; M. le colonel Wilberforce, commandant de la base anglaise ; M. le colonel Meunier, représentant M. le général Eydoux ; M. Chochoy, adjoint au maire ; les membres du comité. M. Barlet, président, présente le conférencier qui, ancien capitaine de frégate, a toute la compétence voulue pour parler des choses de la mer. M. Barlet n’avait pas trompé l’auditoire qui prêta le plus vif intérêt aux explications que lui donna M. Cloarec sur l’effort britannique. La marque du talent de M. Cloarec est la clarté jointe à la conviction, aussi l’auditoire suit l’orateur sans l’effort et, de bon gré, il est amené à partager sa confiance communicative.

L’action de la société des Conférences dont M. Cloarec est l’organe répond à une double nécessité :

  1. Combattre les menées souterraines par lesquelles nos ennemis espèrent miner la confiance réciproque des Alliés.
  2. Faire ressortir le rôle de la mer dont l’influence sans cesse présente domine tous les évènements.

M. Cloarec, après avoir montré que la guerre fut voulue par l’Allemagne qui se débattait au milieu de difficultés financières inextricables, expose le plan du Kaiser qui consistait à nous couper de la mer, pendant que seraient occupées nos provinces du Nord.
Prise dans un étau, la France devait succomber. Notre pays vaincu, la résistance de la Russie était vaine. Pour la réussite de ce projet, l’abstention au moins provisoire de l’Angleterre était indispensable.

Mais, le Kaiser avait compté sans la loyauté d’un peuple généreux, qui n’estimait pas à la valeur d’un chiffon de papier un traité au bas duquel était apposée sa signature. Le cabinet de Londres n’ignorait pas que, dès le 28 juillet 1914, une escadre allemande était entrée dans le Pas-de-Calais ; il savait que la Bretagne était menacée d’un débarquement et que les réservistes allemands d’Amérique devaient constituer l’armée d’invasion dont l’objectif était Brest. L’Angleterre, garante de la neutralité belge, écoutant moins les suggestions de l’intérêt immédiat que la voix de l’honneur et de la conscience, posa nettement la question belge. C’est ce qui nous sauva.
Le Kaiser n’ayant rien répondu à la demande très précise de l’Angleterre, la Grande Bretagne se rangea résolument à côté de la France, qui avait promis de respecter la neutralité belge. Et l’effort anglais fut extraordinaire, inespéré, si l’on veut bien se souvenir que l’Entente cordiale n’obligeait nos voisins qu’à protéger nos côtes et à nous envoyer un corps de débarquement de 160 000 hommes que la ténacité de lord Kitchener et la volonté anglaise ont transformé en une solide armée de 4 000 000 de soldats.

Poursuivant son intéressant exposé, M. Cloarec, très documenté, suit l’effort britannique partout où il se manifeste. L’orateur montre combien est à la fois généreux et actif le concours anglais.

C’est ainsi qu’au point de vue financier sur un budget qui s’élève aujourd’hui à 50 milliards, l’Angleterre prélève en 1915, dix milliards ; en 1916, douze milliards pour avancer aux alliés et que les dépenses de la flotte qui étaient en 1913-1914 de 1 220 000 000, ont atteint 4 750 000 000 en 1915-1916. Les escadres britanniques coûtent au peuple anglais, 15 000 000 par jour. Pour maintenir la puissance de sa flotte qui est la base même de la force des alliés, l’Angleterre a accru ses escadres d’un tonnage de 1 000 000 de tonnes, elle a fait passer l’effectif de ses équipages de 193 000 à 320 000 marins ; elle occupe dans ses arsenaux 85 000 ouvriers ; dans ses usines 700 000 travailleurs ; elle entretient 300 000 matelots sur sa flotte de commerce et si besoin est, elle accroîtra de 30 000 marins les équipages de la flotte de guerre. Voilà qui répond aux insinuations perfides des ennemis qui voudraient semer la défiance entre les alliés.

Poursuivant son remarquable exposé, M. Cloarec montre la flotte anglaise gardant 5 000 milles d’Arkhangel à Alexandrie et transportant sous sa sauvegarde 4 000 000 de combattants ; 1 000 000 de chevaux et mulets ; 2 500 000 tonnes de matériel et 90 000 000 de litres de pétrole.
À ces services rendus à la cause des alliés, ajoutons le blocus de l’Allemagne, la police des mers, la destruction des sous-marins que nos alliés ont imaginé de pêcher comme on pêche le poisson, au chalut, avec un succès tel que si les Allemands ont suspendu leurs raids, en février 1915, pour ne les reprendre qu’en mars 1916, c’est moins à des sentiments d’humanité qu’ils ont obéi qu’à la nécessité de reconstituer un matériel qui se trouvait prisonnier dans les filets britanniques. Il est en effet prouvé que 60 sous-marins, c’est-à-dire plus qu’il n’en existait en 1914, ont été détruits.

L’Angleterre ne purge pas seulement les mers des sous-marins allemands, elle la balaye des mines que nos ennemis sèment par milliers et elle emploie à cette besogne 800 chalutiers montés par 12 000 hommes d’équipage. Généreusement elle réserve à la France, à la Russie et à l’Italie 500 vapeurs qui servent à leur ravitaillement, et, à notre demande elle vient d’abaisser le prix du fret de 33 sh. à 25 sh. 2 d. pour le Havre ; de 41 sh. 4 [à] 27 sh. 6 d. pour Rouen ; de 45 sh. à 40 sh. pour Bordeaux.

Après avoir fait un rapide et émouvant exposé des combats livrés par la flotte anglaise, M. Cloarec termine sa remarquable conférence en montrant dans une éloquente péroraison que c’est à la maîtrise de la mer assurée par l’Angleterre que nous devons de n’avoir pas eu nos côtes bretonnes ravagées, que nous avons pu transporter en France nos troupes d’Afrique, occuper Salonique, sauver l’armée serbe, enlever les colonies allemandes, importer le charbon pour nos industries, le fer pour nos obus, les vivres pour nos soldats et nos populations.
La maîtrise de la mer, conclut M. Cloarec nous assure la victoire et l’orateur chaleureusement applaudi termine par le triple cri de Vivent les marins Alliés ! Vive l’Angleterre et Vive la France ! M. Barlet, de la façon la plus heureuse, se fait l’interprète de la vive gratitude du public, heureux d’être renseigné par un spécialiste des questions maritimes sur la valeur de l’effort britannique et sur l’importance décisive qu’apporte la flotte anglaise à la cause des alliés. La séance est levée à 10 heures.

Le Secrétaire général,
H. FRANCQ.

La France du Nord, vendredi 23 juin 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/94.