Les funérailles
Les funérailles de Monseigneur Lobbedey ont été l’impressionnant hommage de toute une population à l’égard de celui qui s’en va dans une auréole de grand évêque et de grand citoyen.
On sait quels regrets a provoqués sa mort soudaine, non seulement dans le diocèse, mais à travers tout le pays, comme aussi parmi nos alliés Belges et Anglais. La cérémonie d’hier matin a constitué un témoignage inoubliable de ces sentiments unanimes.
À l’Évêché
De bonne heure la maison épiscopale était envahie par de pieux visiteurs. La chapelle ardente devenait, autour du cercueil, et des insignes sacrés, un centre de prières ininterrompues. Auprès de l’autel, parmi les plantes vertes, une Madone de Lourdes semblait veiller sur son bon serviteur et sur la famille réunie pour l’adieu suprême, sur Mlle Lobbedey, Mme Lobbedey, et le jeune lieutenant, neveu du Prélat, qui arrivait lundi, pour une permission tragiquement transformée…
Le cortège
En ordre parfait, le cortège précédé de la croix, défile par les rues de St-Martin, d’Aumont, la place Godefroy de Bouillon, la rue de Lille. On y voit d’abord une véritable légion de ces enfants de nos établissements chrétiens qui tenaient la première place dans les préoccupations de Monseigneur. Ce sont de nombreuses députations des collèges St-Joseph et Haffreingue, et le petit séminaire au complet. Puis s’avancent, avec les drapeaux, diverses délégations de la jeunesse catholique du Pas-de-Calais et du Nord, du personnel catholique des chemins de fer et de sociétés de bienfaisance.
La longue théorie du clergé commence par les quelques élèves qui restent du grand séminaire, – leurs confrères ayant été appelés à l’armée, d’où un si grand nombre ont été rappelés à Dieu ; parmi les prêtres et les religieux, on remarque plusieurs aumôniers militaires, chevaliers de la Légion d’honneur ; les dignitaires, les membres du chapitre de la cathédrale, passent sur deux rangs, puis nous voyons Mgr Debout, M. le vicaire général Jourdain, qui représente Mgr l’évêque de Lille, et, escortés chacun de deux chanoines, les évêques venus de divers points de la France : ce sont Leurs Grandeurs :
Mgr Le Senne, évêque de Beauvais ; Mgr du Bois de La Villerabel, évêque d’Amiens ; Mgr Marbeau, évêque de Meaux ; Mgr Boutry, évêque du Puy ; Mgr Grellier, évêque de Laval ; Mgr Quilliet, notre compatriote, évêque de Limoges ; Mgr Penon, le successeur de Mgr Lobbedey au siège de Moulins ; Mgr Péchenard, évêque de la ville martyre de Soissons ; et, en mitre blanche, S. G. MgrNègre, archevêque de Tours, qui va célébrer le saint sacrifice.
Devant le corbillard, M. l’abbé Vaillant, curé de Saint-Nicolas-lès-Arras, décoré de la croix de guerre et de la médaille des sauveteurs, porte sur un coussin la croix de légionnaire qui aura orné si peu de temps la poitrine du prélat défunt.
Les coins du poële sont tenus par MM. Lefebvre du Prey, député de Saint-Omer, Albert Tailliandier, député d’Arras, Félix Adam, maire de Boulogne, H. Delcourt, l’éminent catholique boulonnais, Sepelier, maire de Bergues, Blanckaert, conseiller d’arrondissement du canton de Bergues. […]
Nous voyons un grand nombre d’officiers et de personnalités de tout ordre figurer dans la foule compacte qui forme la suite de la manifestation. L’autre foule, celle qui s’est massée sur les trottoirs et les places, a une attitude de sympathie et de recueillement. Bien des mains égrènent leur chapelet. Les maisons sont closes, même celles des commerçants. La façade de l’institution Haffreingue, et beaucoup d’autres, arborent des drapeaux en berne. Le temps s’est heureusement éclairci, après des pluies torrentielles qui ont rendu plus méritoires les démarches de maintes personnes parties des environs de grand matin.
À la Cathédrale
Aux premiers rangs de l’assistance on voit M. le général Eydoux, M. Briens, le préfet du Pas-de-Calais, M. Gerbore, vice-président du conseil de préfecture, M. le colonel comte Daru, gouverneur de Boulogne et plusieurs officiers supérieurs, MM. les conseillers municipaux, M. le président et MM. les membres du Tribunal, M. Thomas trésorier-payeur-général, M. Alavène d’Erlon, directeur de la succursale de la Banque de France, etc., etc.
L’armée britannique est représentée par une double délégation, les officiers venus au nom de Sir Douglas Haig et ceux de la base de Boulogne. Quatre aumôniers militaires catholiques, et deux anglicans avaient tenu à se joindre à ce groupe dont la présence aura été spécialement appréciée.
L’édifice où des places ont été réservées aux associations et œuvres, est absolument comble. Les chants sont exécutés à la perfection, nous voulons dire avec autant d’onction que de style, par le petit séminaire. Toute la cérémonie se déroule au milieu d’une atmosphère de piété et de douleur profondes. Les prélats donnent les cinq absoutes que fixent en pareilles circonstances les règles liturgiques, comme une leçon de la nécessité des prières multiples pour les grands pasteurs.
Et à trois heures de l’après-midi, la dépouille mortelle de Monseigneur Lobbedey a pris place dans la crypte de Notre-Dame, en face du tombeau de Monseigneur Haffreingue, auprès de ceux des anciens évêques de Boulogne, en attendant la résurrection glorieuse. Requiescat in pace.