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Funérailles de Mgr Lobbedey

L’annonce de la mort foudroyante de l’évêque d’Arras, de Boulogne et de Saint-Omer, Monseigneur Émile Lobbedey, survenue le 24 décembre 1916 à Boulogne-sur-Mer, a provoqué une expression spontanée de tristesse populaire dans la ville, mais aussi dans tout le diocèse.

Elle suscite pareillement des regrets attristés chez nos alliés belges et anglais, auprès desquels l’évêque n’avait cessé de prodiguer des témoignages de sympathie et de dévouement. Son rôle actif et héroïque depuis le début du conflit venait d’être récemment consacré par le gouvernement, en le nommant au grade de chevalier de la Légion d’honneur.

Lettre de MM. les membres du Chapitre au clergé du diocèse pour annoncer la mort de S.G. Monseigneur Lobbedey, évêque d’Arras, Boulogne et Saint-Omer

Boulogne, le 24 décembre 1916

Messieurs et chers confrères,

Les feuilles publiques vous ont déjà fait connaître, sans doute, le grand deuil qui atteint l’Église d’Arras. Dieu a rappelé subitement à Lui l’âme de Sa Grandeur Mgr Lobbedey […].

Certes, si quelqu’un semblait qualifié pour relever les ruines causées chez nous par la guerre, c’était bien ce Pasteur infatigable que n’effrayaient ni le labeur ni la responsabilité ; ce patriote vaillant devant lequel s’inclinaient les plus hautes autorités du pays ; ce fils de notre sol et de notre race, qui devinait nos besoins, comprenait nos goûts, savait trouver le chemin de nos cœurs. […]

Il avait trop présumé de ses forces ; et il tombe sur le champ de bataille, les armes à la main, comme il convenait à sa nature militante et généreuse. […]

Pour le Chapitre :

Le Doyen,
Louis Delattre

À la mémoire de Sa Grandeur Monseigneur [...] Émile-Louis-Cornil Lobbedey, évêque d'Arras, Boulogne et Saint-Omer, Boulogne-sur-Mer, impr. P. Gaultier, 1917, pp. 45-47. Archives départementales du pas-de-Calais, ROD C 191/4.

Conformément à sa demande, les obsèques sont célébrées le samedi 30 décembre matin à la basilique Notre-Dame de Boulogne-sur-Mer, dans la crypte de laquelle il est inhumé. Sa dépouille mortelle, revêtue des ornements pontificaux, a été déposée dans le cercueil le mercredi 27, en présence de sa famille, des vicaires capitulaires et généraux, ainsi que des chanoines titulaires. Une épitaphe écrite sur un parchemin a été posée sur le cercueil, signée des assistants et contenue dans un tube scellé. Le texte lapidaire écrit en latin est dû au vicaire général Rambure.

L’hommage de la population lui est rendu à la chapelle ardente, dressée à l’évêché, ainsi que tout au long du cortège dans les rues de Boulogne : aux côtés de hauts dignitaires religieux français, se côtoient des hommes de toutes conditions et de toutes origines, de toute opinion et de toute croyance ; aux nombreux enfants s’adjoignent divers représentants des établissements chrétiens, des délégations catholiques ainsi que des sociétés de bienfaisance.

Les funérailles 

Les funérailles de Monseigneur Lobbedey ont été l’impressionnant hommage de toute une population à l’égard de celui qui s’en va dans une auréole de grand évêque et de grand citoyen.

On sait quels regrets a provoqués sa mort soudaine, non seulement dans le diocèse, mais à travers tout le pays, comme aussi parmi nos alliés Belges et Anglais. La cérémonie d’hier matin a constitué un témoignage inoubliable de ces sentiments unanimes.

À l’Évêché

De bonne heure la maison épiscopale était envahie par de pieux visiteurs. La chapelle ardente devenait, autour du cercueil, et des insignes sacrés, un centre de prières ininterrompues. Auprès de l’autel, parmi les plantes vertes, une Madone de Lourdes semblait veiller sur son bon serviteur et sur la famille réunie pour l’adieu suprême, sur Mlle Lobbedey, Mme Lobbedey, et le jeune lieutenant, neveu du Prélat, qui arrivait lundi, pour une permission tragiquement transformée…

Le cortège

En ordre parfait, le cortège précédé de la croix, défile par les rues de St-Martin, d’Aumont, la place Godefroy de Bouillon, la rue de Lille. On y voit d’abord une véritable légion de ces enfants de nos établissements chrétiens qui tenaient la première place dans les préoccupations de Monseigneur. Ce sont de nombreuses députations des collèges St-Joseph et Haffreingue, et le petit séminaire au complet. Puis s’avancent, avec les drapeaux, diverses délégations de la jeunesse catholique du Pas-de-Calais et du Nord, du personnel catholique des chemins de fer et de sociétés de bienfaisance.

La longue théorie du clergé commence par les quelques élèves qui restent du grand séminaire, – leurs confrères ayant été appelés à l’armée, d’où un si grand nombre ont été rappelés à Dieu ; parmi les prêtres et les religieux, on remarque plusieurs aumôniers militaires, chevaliers de la Légion d’honneur ; les dignitaires, les membres du chapitre de la cathédrale, passent sur deux rangs, puis nous voyons Mgr Debout, M. le vicaire général Jourdain, qui représente Mgr l’évêque de Lille, et, escortés chacun de deux chanoines, les évêques venus de divers points de la France : ce sont Leurs Grandeurs :

Mgr Le Senne, évêque de Beauvais ; Mgr du Bois de La Villerabel, évêque d’Amiens ; Mgr Marbeau, évêque de Meaux ; Mgr Boutry, évêque du Puy ; Mgr Grellier, évêque de Laval ; Mgr Quilliet, notre compatriote, évêque de Limoges ; Mgr Penon, le successeur de Mgr Lobbedey au siège de Moulins ; Mgr Péchenard, évêque de la ville martyre de Soissons ; et, en mitre blanche, S. G. MgrNègre, archevêque de Tours, qui va célébrer le saint sacrifice.

Devant le corbillard, M. l’abbé Vaillant, curé de Saint-Nicolas-lès-Arras, décoré de la croix de guerre et de la médaille des sauveteurs, porte sur un coussin la croix de légionnaire qui aura orné si peu de temps la poitrine du prélat défunt.

Les coins du poële sont tenus par MM. Lefebvre du Prey, député de Saint-Omer, Albert Tailliandier, député d’Arras, Félix Adam, maire de Boulogne, H. Delcourt, l’éminent catholique boulonnais, Sepelier, maire de Bergues, Blanckaert, conseiller d’arrondissement du canton de Bergues. […]

Nous voyons un grand nombre d’officiers et de personnalités de tout ordre figurer dans la foule compacte qui forme la suite de la manifestation. L’autre foule, celle qui s’est massée sur les trottoirs et les places, a une attitude de sympathie et de recueillement. Bien des mains égrènent leur chapelet. Les maisons sont closes, même celles des commerçants. La façade de l’institution Haffreingue, et beaucoup d’autres, arborent des drapeaux en berne. Le temps s’est heureusement éclairci, après des pluies torrentielles qui ont rendu plus méritoires les démarches de maintes personnes parties des environs de grand matin.

À la Cathédrale

Aux premiers rangs de l’assistance on voit M. le général Eydoux, M. Briens, le préfet du Pas-de-Calais, M. Gerbore, vice-président du conseil de préfecture, M. le colonel comte Daru, gouverneur de Boulogne et plusieurs officiers supérieurs, MM. les conseillers municipaux, M. le président et MM. les membres du Tribunal, M. Thomas trésorier-payeur-général, M. Alavène d’Erlon, directeur de la succursale de la Banque de France, etc., etc.

L’armée britannique est représentée par une double délégation, les officiers venus au nom de Sir Douglas Haig et ceux de la base de Boulogne. Quatre aumôniers militaires catholiques, et deux anglicans avaient tenu à se joindre à ce groupe dont la présence aura été spécialement appréciée.

L’édifice où des places ont été réservées aux associations et œuvres, est absolument comble. Les chants sont exécutés à la perfection, nous voulons dire avec autant d’onction que de style, par le petit séminaire. Toute la cérémonie se déroule au milieu d’une atmosphère de piété et de douleur profondes. Les prélats donnent les cinq absoutes que fixent en pareilles circonstances les règles liturgiques, comme une leçon de la nécessité des prières multiples pour les grands pasteurs.

Et à trois heures de l’après-midi, la dépouille mortelle de Monseigneur Lobbedey a pris place dans la crypte de Notre-Dame, en face du tombeau de Monseigneur Haffreingue, auprès de ceux des anciens évêques de Boulogne, en attendant la résurrection glorieuse. Requiescat in pace.

La Croix, dimanche 31 décembre 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.