Notre cher Arras - Les Gazettes de chez nous
Les habitants d’Arras aimaient la lecture. Aussi, ils dévoraient (des yeux, entendons-nous) force livres et des tas de journaux. Devant tant de besoins, il fallait des "ressources"correspondantes. Arras possédait sa presse locale : l’Artésien, l’Avenir, le Courrier, la Croix, l’Éclaireur, le Journal d’Arras, la Semaine religieuse, la Vie arrageoise, etc.
Je dois en oublier. Mille excuses. Depuis août 1914, il est passé tant d’eau sous les ponts, y compris ceux de l’Yser, que je serai pardonné.
Pauvres feuilles dispersées par la tempête de fer et de feu ! Nous aimions vous lire… Il faut si peu de choses, en province, pour alimenter une conversation... "Avez-vous lu tel journal ? Oh ! ma chère ! M. X … Y est mis rudement à place !".
L’émouvante question des poubelles était une mine inépuisable, les chiens écrasés ou enragés ( ?) fournissaient parfois jusqu’à huit lignes ! Les poivrots impénitents et les voleurs sans vergogne étaient fustigés noblement… Les citoyens à poigne c’est-à-dire capables d’arrêter un cheval emballé ou presque se voyaient couvrir de louanges !... Et les noyés du Pont de Grès (bâti en fer)… le délabrement effarant des cabines de l’école de natation… la confiscation à l’abattoir d’une vache tuberculeuse et d’un porc "fourbu"… aidaient à "boucher le canard"…
Ah ! chères gazettes de chez nous ! Toutes se sont tues. Elles se réveilleront au jour de la victoire.
Je m’en voudrais si je ne consacrais quelques lignes de fidèle souvenir à l’adresse de la Croix d’Arras et des Mines et de son imprimerie : la "Presse populaire". Une douzaine d’années passées dans une maison créent des liens d’amitié qu’une marmite boche ̶ même de 420 ! ̶ ne saurait briser… La tourmente a éloigné son chef qui était le plus doux des patrons. Et le rédacteur de La Croix, ami vénéré et Mécène écouté, se dévoue sans cesse.
"Pour Dieu ! pour la France !" telle était la devise du journal. Le journal est en repos, mais la devise est toujours en activité. Le rédacteur en chef est devenu aumônier des soldats. Qu’il reçoive ici le salut de son humble collaborateur d’hier ̶ et de demain, s’il plaît à Dieu !
Puissions-nous bientôt réentendre le bruit aimé de nos imprimeries…
R. D’ARTOIS.