Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture exceptionnelle jeudi 12 juin 2025 au matin

Pour raison de service, la salle de lecture du centre Mahaut-d'Artois sera exceptionnellement fermée ce jeudi 12 juin 2025 de 09h à 13h. 

Nous nous excusons pour la gêne occasionnée.

Projet de loi sur les orphelins de la guerre

Affiche sur laquelle on lit : " République française. Ministère de la guerre. Service général des Pensions, 37, rue Bellechasse, Paris. Pensions des veuves et des orphelins de militaires décédés à la guerre."

Pensions des veuves et orphelins de militaires décédés à la guerre. Détail d'une affiche, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 17 FIC 963.

La société française s’est inquiétée dès la fin du XIXe siècle du sort des enfants de soldats morts en service en créant des associations destinées à aider ces orphelins plongés dans une grande détresse morale.

En 1915, alors que la Première Guerre mondiale est à son paroxysme, un exceptionnel élan de solidarité naît face à la perte irrémédiable de milliers de pères de famille, élan qui traverse la société française entière avant de gagner l'étranger puis d'être relayé par l'action de l'État.

Un projet de loi est à l’étude pour doter les orphelins de guerre d'un statut spécifique et tenter d’amoindrir le préjudice subi.

Henri Joly, président de l’Institut de France et catholique convaincu, fait part dans cet article de son inquiétude sur les mesures et les conditions prises par la Commission sénatoriale pour subvenir à l'éducation des orphelins. Il dénonce sans façon le rôle trop prépondérant accordé au préfet dans ce projet de loi et la manière dont les tutelles seront mises en place.

Le Projet de Loi sur les Orphelins de la Guerre

Tout dépendra de la volonté du Préfet !

Bien qu’on n’ait pas encore le texte officiel du projet sorti des délibérations de la Commission sénatoriale, on en sait assez pour être inquiet. M. Henri Joly écrit à ce sujet :

Personne ne demande que le premier venu puisse prendre un orphelin de la guerre chez lui et exercer à son égard les droits d’un chef de famille. Il y a déjà bien assez d’enfants dont le sort et l’avenir n’offrent que des garanties illusoires : il est inutile d’en grossir le nombre. Donc ne nous plaignons pas que la personne qui adopte un des orphelins en question doive y être autorisée. Si le représentant de l’administration chargée de donner cette autorisation est correct, si surtout le refus arbitraire peut être frappé d’appel auprès d’un Conseil composé mi-partie d’éléments officiels et d’éléments libres, il suffit de parcourir le projet de loi pour voir que d’un bout à l’autre tout dépend de la pure volonté du préfet.

C’est de la volonté du préfet que dépend la délégation confiant l’enfant à une tutelle spéciale, toutes les fois que la tutelle n’aura pas été constituée d’après les règles du droit commun. Or, outre que les juges de paix, on l’a remarqué bien des fois, ne mettent aucun empressement à constituer des Conseils de famille – comme ils pourraient le faire – avec un certain nombre de braves gens, les fonctions de tuteurs et subrogé-tuteur vont être réglées d’une manière assez peu encourageante. Il leur faudra connaître chaque année, les "conditions dans lesquelles l’enfant est élevé". Ceci est singulièrement élastique. Or, le subrogé-tuteur qui donnerait lieu à des critiques peut être frappé d’une amende et la tutelle peut lui être retirée.

Ce sont encore les préfets qui composent à leur gré les Comités chargés de la surveillance desdites tutelles. On dit bien que chaque Comité devra s’adjoindre six membres appartenant à des "associations philanthropiques ou professionnelles". Mais d’abord il est clair que ces mots ont été soigneusement choisis de manière à pouvoir éliminer tout élément ecclésiastique et religieux ; et puis, parmi ces philanthropes et ces professionnels, qui choisira ? Le préfet !

N’oublions pas d’ajouter que le fameux règlement d’administration publique qui doit comme toujours, régler après coup tous les détails d’exécution et remplacer, par exemple, comme le règlement le voudra, les « œuvres n’offrant pas de suffisantes garanties », ne manquera pas de mettre entre les mains de l’administration le pouvoir de combler les lacunes de son absolutisme, d’annihiler tous les semblants de garantie, de réviser tous les choix indépendants. En fait de promesses de liberté pour l’enseignement des enfants qu’offre-t-on ? Le subrogé-tuteur devra veiller à l’exécution des lois et règlements sur l’instruction obligatoire ; mais il aura "le choix des moyens d’enseignement". Parler du choix d’une école et du choix du personnel enseignant eût été par trop scandaleux !

Ainsi, d’un bout à l’autre du projet, même manque de franchise, même choix d’expressions dont chacune cache soigneusement un piège. À ceux qui auront charge d’examiner le projet de loi et de l’amender, s’il est possible de remplir leur devoir au Parlement comme ils le remplissent dans les œuvres libres. Qu’ils ne laissent pas démolir sans un cri ce qu’ils cherchent à édifier.

La Croix, jeudi 13 janvier 1916. Archives départementales du Pas-de-Calais, PE 135/18.