Boulogne - Départ de M. le général Eydoux
M. le général Eydoux, qui commandait depuis environ deux ans la région du Nord et avait à ce titre sous ses ordres le service de la censure militaire, vient de rentrer dans le cadre de réserve et de quitter en conséquence notre ville.
Nous avons entretenu, avec le général, de trop courtoises relations pour ne pas lui exprimer, au moment où il abandonne son commandement, le très vif regret que nous cause son départ.
Si, en effet, M. le général Eydoux apportait dans l’exercice de ses délicates fonctions les exigences qu’elles comportent, il savait, du moins, en tempérer les rigueurs par une affabilité qui rendait les relations avec lui aussi faciles qu’agréables. Nous avons pu nous en rendre compte à plus d’une reprise dans des circonstances où il fut le premier à reconnaître que notre bonne foi ne pouvait être mise en doute.
Chez M. le général Eydoux, d’ailleurs, le chef de corps, l’administrateur étaient doublés d’un homme du monde et d’un érudit dans l’acception la plus complète du mot. On se souvient notamment avec quelle délicatesse, quel tact parfait, il dit son mot sur les Balkans, lors d’une des dernières conférences de la Société de géographie consacrée à la Serbie.
Nous croyons être agréable à tous ceux de nos concitoyens qui furent en relations avec M. le général Eydoux, pendant son séjour à Boulogne, en rappelant, au moment où il nous quitte, les principales étapes de sa brillante carrière.
Originaire du comtat Venaissin (Vaucluse), où il naquit en 1852, le futur général s’engagea dans un régiment d’infanterie au mois de septembre 1870.
Peu après il fut nommé sous-lieutenant en qualité d’admissible à Saint-Cyr, et, avec ce grade, prit part aux opérations de l’armée de la Loire, après quoi il combattit sous Paris en 1871.
Sorti de Saint-Cyr en 1872, il entra à l’École de guerre dont il suivit les cours avec succès.
Il appartint ensuite à l’état-major de la division de fer à Nancy. Il y fut apprécié à son juste mérite ; sa place était dès lors indiquée à l’état-major de l’armée, où il servit pendant plusieurs années.
Chef d’état-major du 13ième corps d’armée, il prit bientôt le commandement d’un régiment d’infanterie sur le front des Alpes, puis celui d’une brigade à Auch. Il occupait ce poste lorsque le choix du ministre de la Guerre se porta sur lui pour prendre la direction d’une mission française en Grèce.
C’est à ce détail de sa carrière que nous faisions plus haut allusion en parlant de l’autorité avec laquelle il s’exprima lors de la récente conférence de la Société de géographie sur les événements qui se déroulent en Orient.
Bien que Constantin semble aujourd’hui avoir complètement oublié ce que l’armée grecque dut à cette mission, elle mit en valeur les hautes qualités militaires de son chef ainsi que celles du personnel sous ses ordres et surtout permit d’affirmer la supériorité de nos méthodes.
À son retour en France, sa mission terminée, le général Eydoux fut appelé au commandement du 11ième corps d’armée à Nantes avec lequel, tour à tour, appartenant aux armées des généraux de Langle de Cary, Foch et de Castelnau, il combattit en Belgique, sur la Marne puis dans la Somme. Sur tous ces champs de bataille se signalèrent à la suite de leur chef les Bretons du 11ième corps.
Nommé en février 1915, gouverneur de la place forte de Dunkerque, le général Eydoux eut à y subir les violents bombardements que l’on sait. Son calme et son énergie eurent sur le moral de la population le plus salutaire effet ; non seulement ils réussirent à éviter toute panique, mais encore élevèrent le niveau de la mentalité civile à un véritable stoïcisme.
En contact permanent avec nos fidèles alliés, le général Eydoux provoqua au plus juste titre leur reconnaissance aussi, se faisant leur interprète, le roi des Belges lui conféra-t-il la grande croix de l’ordre de Léopold ainsi que la croix de guerre.
En décembre dernier, également, le roi Georges V lui faisait remettre par le prince de Connaught le grand cordon de l’ordre de Saint Michel et de Saint George.
On voit par ces notes rapides si notre région du Nord avait lieu d’être fière du chef distingué auquel c’est pour nous un sensible regret d’avoir à présenter nos adieux.
L’ancien commandant de la région du Nord est remplacé à Boulogne par le général Dumas qui nous arrive du front.
Nous lui souhaitons cordialement la bienvenue parmi nous.