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Il faut augmenter le tonnage de la marine

Photographie noir et blanc montrant un navire de guerre.

Le destroyer allemand G-102 à son retour après le raid contre le barrage du Gris-Nez (15 avril 1918). L'avant a été détruit par une mine mais l'équipage réussit à ramener le destroyer à Zeebrugge, 1918. Coupure de presse tirée de l'ouvrage d'Albert CHATELLE, "Calais pendant la guerre 1914-1918", p. 177. Archives départementales du Pas-de-Calais, 43 Fi 159.

Lors des débats parlementaires du 30 juillet 1917, James Hennessy [ note 1] s’exclame : On a dit autrefois : "des canons, des munitions !" Dites maintenant : "des bateaux !" [ note 2]

En effet, au début de la guerre, nul ne songe à conférer un rôle stratégique à la marine. Mais en 1917, au terme de trois années de conflit, force est de constater que la puissance navale est en passe de devenir l’une des clés de la victoire. Il faut pouvoir lutter efficacement contre la guerre sous-marine qui s’est intensifiée au printemps 1917, mais surtout permettre le ravitaillement par mer. Avant-guerre, 18 millions de tonnes annuelles étaient importées par voie de terre. En 1916, l’approvisionnement terrestre ne représente plus qu’une tonne, contre 43 millions par mer. Pour continuer la guerre, il est donc vital d’organiser efficacement cette logistique.

Le sous-secrétaire d’État à la Marine marchande et aux Transports maritimes, Anatole de Monzie [ note 3], insiste sur cette nécessité : Ce qui est sérieux, c’est notre situation maritime. Vous le savez si bien, ou plutôt la Chambre le sait si bien que la commission du Budget s’est préoccupée de dresser un bilan de nos besoins et de nos possibilités [ note 2]

Car il apparaît rapidement que la flotte française est insuffisante. Grâce à un accord passé en décembre 1916, l’allié britannique accepte de soutenir le tonnage français, mais cette assistance n’est pas une solution pérenne. C’est pourquoi, de Monzie commande un rapport sur les besoins et les capacités de la France sur cette question.

Le 6 juillet 1917, il reçoit les premiers chiffres. La flotte au service de la France jauge 4 167 000 tonnes, sur lesquelles 3 214 000 naviguent pour les services publics. Mais seuls 38 % des navires battent pavillon français. Il devient alors nécessaire de développer un programme d’acquisition et de construction navales.

Pour combler le déficit de tonnage, le sous-secrétaire d’État propose plusieurs mesures. La première concerne la compression des différents services publics, coupables de lenteur et donc d’inefficacité. Puis il suggère d’utiliser de manière plus intensive la flotte déjà existante (365 000 tonnes appartiennent encore à l’armement libre) : il fait voter un décret, le 17 juillet 1917, permettant la réquisition immédiate de tous les navires dont il juge l’utilisation insuffisante . De facto, l’intégralité du transport maritime passe alors sous son contrôle et son autorité.

Toujours en vue d’optimiser la flotte existante, il propose ensuite de donner de nouvelles fonctions aux navires. Les croiseurs lancés avant 1917 et les vaisseaux patrouilleurs pourraient ainsi servir au transport de troupes, de matériel ou d’approvisionnement. Les réparations et les remises en état doivent aussi être priorisées afin d’augmenter la capacité navale.

Enfin, un programme d’acquisition et de construction viendrait compléter le dispositif. Lors des débats du 30 juillet 1917, de Monzie rappelle que des négociations sont en cours avec l’allié américain pour qu’il affrète à la France des navires ennemis capturés. Une loi du 13 avril 1917 tendait déjà à augmenter la flotte de charge française en allouant une enveloppe de 160 000 francs aux armateurs désireux d’acheter ou de construire des navires. Mais en raison de la guerre, peu ont osé se lancer dans de telles entreprises. C’est pourquoi, d’autres négociations avec les États-Unis doivent permettre de lancer un programme de construction outre-Atlantique.

Des bateaux              

Le sous-secrétaire des Transports, préoccupé à juste titre de la situation de nos chantiers navals et de l’obligation où nous sommes d’intensifier, à l’exemple de l’Angleterre, la construction de nos unités nouvelles, prend toutes mesures destinées à assurer aux constructeurs la main-d’œuvre et les matières premières qui leur sont indispensables. 

Au cours du dernier discours qu’il a prononcé à la Chambre des Communes, M. Lloyd George a nettement indiqué que le ravitaillement des armées alliées sur le territoire français était dominé par la crise des transports maritimes. Quelle que soit l’interprétation de presse donnée par certains milieux français et anglais aux affirmations de M. Lloyd George et aux précisions fournies par M. de Monzie à la Chambre au cours du dernier débat sur la marine marchande, il n’en reste pas moins évident que la France se trouve, non seulement par rapport à ses adversaires, mais encore par rapport à ses alliés, dans un état d’infériorité manifeste.

Il serait incompréhensible qu’au moment où un programme de constructions maritimes est enfin établi, au moment où les initiatives individuelles sont décidées à apporter à l’État, non seulement leurs concours particuliers, mais leurs concours collectifs, les mises en sursis des ouvriers nécessaires à nos chantiers maritimes arrêtent un développement et un programme commandés par l’intérêt national. La presse française – et l’on reconnaîtra que nous avons été dans cette voie des précurseurs – a appuyé l’appel gouvernemental. Des bateaux, des ports ! Construction maritimes, outillage des ports, récupération d’effectifs indispensables à la vie maritime et économique de la nation sont intimement liés à la conduite même de la guerre et nous ne pensons pas que, par suite d’une aberration trop prolongée, les destinées de ce pays puissent être compromises par des timidités de fonctionnaires ou des oppositions plus injustifiables encore.

La France du Nord, lundi 20 et mardi 21 août 1917. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/96.

Notes

[ note 1] James-Richard-Charles Hennessy (1867-1945) entreprend une carrière d’officier de marine avant de rejoindre l’entreprise familiale. Conseiller général du canton de Segonzac (Charente) en 1895, il est élu député de la Charente de 1906 à 1921, puis sénateur de 1921 à 1940.

[ note 2] Journal officiel de la République. Débats parlementaires. Chambre des députés. Compte rendu in-extenso du 30 juillet 1917. 

[ note 3] Anatole de Monzie (1876-1947) est député de Cahors de 1909 à 1919, puis sénateur du Lot de 1920 à 1929, avant de redevenir député de 1929 à 1940. Nommé pour la première sous-secrétaire d’État à la Marine marchande en 1913, il réoccupe cette fonction en 1917. Dans l’entre-deux guerres, de 1925 à 1940, il se voit confier successivement sept postes ministériels (Finances, Instruction publique, Justice, Travaux publics, etc.).