DESVRES. – Un document intéressant
La carte du pain
M. le Maire de Desvres a réuni les boulangers à l’hôtel de ville qui se sont rendus tous à la convocation.
M. le Maire leur a expliqué le fonctionnement de la carte de pain, nécessaire à plusieurs titres, entr’autres pour réserver à Desvres, les farines attribuées, en répartir la consommation, selon les situations des familles.
Il a donné lecture et commenté l’arrêté que nous publions ci-dessous qui a été unanimement approuvé.
Nos informations nous apprennent que M. le Maire a même donné quelques enseignements et conseils très utiles, sur l’art de fabriquer le pain.
Arrêté
Le Maire de la ville de Desvres, conseiller général,
Vu le décret du 9 février 1917, et la loi du 8 avril 1917 ;
Vu le décret du 3 mai 1917 ;
Vu la lettre préfectorale du 25 mai 1917 ;
Vu la loi du 5 avril 1884 ;
Attendu, qu’en raison des difficultés du ravitaillement en blé, il y a lieu de prendre des mesures de prévoyance pour assurer jusqu’à la prochaine récolte, une moyenne journalière de pain à la population.
Que ces mesures sont d’autant plus nécessaires que dans la séance de la Chambre des députés du 24 mai 1917, le ministre du Ravitaillement disait : En ce qui concerne cette question du blé, si elle n’est pas résolue encore pour la soudure, elle ne pourra être résolue, je le dis très nettement, qu’avec une certaine chance. Si nous avons de la malchance, il y aura des heures extrêmement difficiles. Il faut le déclarer, puisque c’est la vérité
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Attendu qu’il ne faut pas compter sur la chance.
Qu’il y a au contraire un intérêt très grand à, dès aujourd’hui, régler la consommation journalière jusqu’à la soudure en tenant compte des quantités réduites de farine attribuées à la ville de Desvres et de les répartir entre chaque foyer de façon à assurer un minimum indispensable de pain.
Attendu en outre, que la vente du pain à la carte, donne la meilleure façon de conserver pour la consommation desvroise les farines qui lui sont attribuées.
Que ces mesures de restriction nécessaires procureront des économies qui assureront le complet ravitaillement des armées en pain, que c’est là pour la population desvroise un bien léger sacrifice en comparaison des efforts héroïques de nos soldats dont nous voulons tous assurer les besoins.
Arrêté
La vente du pain aura lieu sur le territoire de la ville de Desvres à l’aide d’une carte familiale.
Ces cartes indiqueront la composition de la famille (nom, âge, profession), la quantité de pain attribuée par jour au foyer.
Il sera tenu compte pour leur établissement, des considérations suivantes :
Il n’y aura pas d’attribution pour les enfants jusqu’à l’âge de 15 mois. Ceux de 16 mois à 15 ans recevront 300 grammes par tête. Le reste des disponibilités sera attribué aux membres de la maison selon leur situation et leurs travaux.
Il est normal qu’un chef de famille qui pourra trouver un aliment de complément pour compenser la réduction de son attribution, voit celle-ci plutôt réduite et celle du manouvrier augmentée afin que chacun puisse trouver, suivant sa position, le nombre de calories nécessaires à son travail.
Ces quantités attribuées seront représentées par des cartes tickets de 1 kilo et de 500 grammes annexées à la carte, et fournies pour une même période, il appartiendra au chef de famille d’en régler la dépense journalière afin de passer le mois.
Il est interdit aux boulangers de vendre du pain aux demandeurs non munis de la carte et sans recevoir en échange un nombre de tickets correspondant au poids de la fourniture vendue.
Les quantités de farine attribuées au maire seront distribuées par ses soins aux boulangers de la localité pour être transformées en pain, en proportion de leur fabrication actuelle.
Ces fournitures seront renouvelées aux boulangers à mesure des arrivages de farine dans la proportion des tickets échangés par eux.
La vente par quartiers et par boulangeries désignées n’est pas obligatoire, les habitants se fourniront chez les boulangers de leur choix, afin que soit maintenu le stimulant de la concurrence dans la fabrication.
Il est interdit aux boulangers de distraire de leurs attributions la plus petite quantité soit de farine, soit de pain.
Toute infraction au présent arrêté relevée contre un boulanger, lui supprimera les attributions ultérieures de farine.
En outre des contraventions seront relevées pour manquement à l’exécution du présent arrêté et poursuivies conformément aux lois.
La gendarmerie, les agents de police sont chargés de l’exécution du présent arrêté.
Desvres, le 10 juin 1917.
Le Maire, Conseiller général,
V. LENGAGNE.