Depuis la proclamation de l'armistice le 11 novembre 1918, la perspective d'un retour au foyer des mobilisés, prisonniers et réfugiés suscite un immense espoir dans les familles. Après quatre années de conflit et de sacrifice, parents et enfants se réjouissent de pouvoir célébrer un premier Noël de paix ; mais, en pratique, tout reste à faire.
On entre en effet dans une phase complexe d'organisation du rapatriement des millions de soldats, en France aussi bien que dans les colonies, sans omettre les réfugiés et les prisonniers. Au-delà des désordres et dispositions auxquels il doit faire face, le gouvernement français considère que la paix avec l'Allemagne n'est pas encore signée et qu'il convient de conserver une armée puissante en guise de pression. Il retient ainsi ses troupes durant les négociations qui conduisent à la signature du traité de Versailles le 28 juin 1919 ; le décret de démobilisation ne sera effectif qu'à partir du 14 octobre suivant.
Dans un contexte aussi sensible, le rôle des œuvres reste prépondérant. C'est ainsi que le comité central des réfugiés du Pas-de-Calais peut organiser, le 25 décembre, une distribution de jouets et de friandises à la mairie du Xe arrondissement de Paris, pour 2 000 enfants de 4 à 11 ans.
Le Noël de la victoire
Noël que l'on considère comme la plus douce fête de l'année, évoque l'Enfant-Dieu né pauvre, couché dans une étable. Elle éveille notre attention sur les pauvres réfugiés, ces sans-gîte, ces ruinés, ces victimes de la guerre et nous oblige à réfléchir au triste sort de ces miséreux.
Ah ! sont nombreux ces gens aisés ne connaissant rien des horreurs de la guerre qui en ce jour, après examen de la situation de nos malheureux compatriotes, peuvent reconnaître combien ils sont peu compatissants aux misères qui pèsent sur ces braves gens et avouer qu'ils oublient le devoir de fraternelle solidarité qui veut que l'on aide ceux que l'adversité atteint.
Le comité central des réfugiés du Pas-de-Calais, lui, dont on connaît la bienveillante sympathie pour les réfugiés, a tenu à fêter le Noël de la Victoire et à y associer nos enfants.
Mercredi après-midi, près de 2 000 petits réfugiés accompagnés de leurs parents, sont passés dans le grand salon de la mairie du Xe arrondissement à Paris pour y recevoir des jouets et des friandises.
Dépeindre la joie des enfants qui depuis quatre ans sont privés de douceurs, montrer la reconnaissance des parents, sont choses impossibles.
Il fallait entendre cette mère s'écrier dans son patois artésien : Merci, Môssieu le Président, l'année qui vient étant dins nous villache et j' pins'rai à vous.
Voilà de braves gens qu'on doit aider autant que faire se peut.
Bulletin des réfugiés du Pas-de-Calais, dimanche 29 décembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 121/2.