Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

Pour toute recherche dans les fonds qui y sont conservés (archives contemporaines), la consultation aura lieu dans la salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois, à Dainville. Deux levées sont organisées par semaine :

  • Pour une consultation de vos documents à partir du lundi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le jeudi précédent, à 12h ;
  • Pour une consultation à partir du mercredi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le mardi précédent, à 12h.

Le nombre de commandes est limité à 10 par jour et par personne. Le système de navette nécessitant une organisation rigoureuse et de nombreuses manipulations, il est essentiel de venir consulter les documents commandés avant la fin de la semaine, après quoi ils seront rangés.

La commande se fait via notre formulaire de contact.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Message aux anciens combattants

Photographie noir et blanc montrant un groupe d'hommes réunis. Certains portent une médaille à leur boutonnière.

anciens combattants de la guerre 1914-1918 réunis dans la cour de l'école Saint-Michel, à Étaples, 1919. Archives départementales du Pas-de-Calais, 37 Fi 633.

Dès le lendemain de la déclaration de guerre, sont mis en place un cadre législatif sur l’assistance aux familles des mobilisés (loi du 5 août 1914), qui entend leur assurer la sécurité financière, et le Comité du secours national (15 août), chargé de centraliser les aides. Les hécatombes dues aux premiers combats rendent en outre très vite nécessaire l’adaptation de la législation sur les pensions militaires ou pour l’indemnisation des blessés et mutilés. La question sociale, aussi importante que soit la souffrance des combattants et de la population, doit pourtant s’effacer devant l’équilibre du budget.

C’est dans ce contexte restrictif que sont créés trois offices, entre 1916 et 1926. L'Office national des mutilés et réformés voit le jour par l’arrêté interministériel du 2 mars 1916, complété par ceux des 16 mars et 11 mai 1916 pour son fonctionnement. Il réunit :

  • l’Office de centralisation et d’études (dépendant du Ministère de la Guerre),
  • la Commission d’organisation et de gestion des centres professionnels destinés à la rééducation professionnelle des blessés, estropiés et mutilés de guerre (rattaché au ministère de l’Intérieur),
  • l’Office central de placement (lié au ministère du Travail).

Les offices départementaux des mutilés et réformés de la guerre sont constitués par les circulaires du ministère du Travail des 20, 21 mars et 31 juillet 1916 : ils sont essentiellement chargés de coordonner les efforts réalisés, de contrôler le bon fonctionnement des organismes existants et, en cas d’absence de structures, d’en encourager la création ou de favoriser toutes les initiatives utiles. Comme on a pu le voir, la loi du 27 juillet 1917 et son règlement d’administration publique du 15 novembre 1917 donnent naissance à l’Office national des pupilles de la Nation, établissement public autonome rattaché au ministère de l’Instruction publique, ainsi qu’aux offices départementaux, pouvant disposer de sections cantonales. Le dernier organisme public à voir le jour est consacré aux anciens combattants : après de nombreuses discussions, l’article 101 de la loi de Finances du 19 décembre 1926 permettra la création d’un Office national du combattant.

De nombreuses associations d'anciens combattants et de victimes de guerre se sont toutefois constituées, bien avant même la fin du conflit, pour défendre leurs intérêts. Formées ou dirigées par ceux qui avaient eu la chance d’en sortir indemnes, elles défendent les anciens combattants avec beaucoup de dévouement et de désintéressement, en faisant preuve d'une grande fraternité. L’Union fédérale des associations françaises des blessés, mutilés, réformés, anciens combattants de la Grande Guerre, veuves, orphelins et ascendants, prend officiellement naissance au congrès de Lyon les 23, 24 et 25 février 1918, avec dépôt de ses statuts dès le lendemain, 26 février. Comptant bientôt dans ses rangs 14 720 cotisants, elle est présidée par le journaliste et futur dirigeant sportif Gaston Vidal.

Aux anciens combattants : unissez-vous !

À plusieurs reprises, le "Télégramme" a invité les anciens combattants de la Grande Guerre à s’associer pour défendre les droits désormais imprescriptibles de nos mutilés et de nos blessés, pour collaborer, en pleine union sacrée, à la grande œuvre de relèvement qui s’impose à tous les Français. Aussi, aujourd’hui, sommes-nous très heureux de publier un éloquent appel que nous fait parvenir M. Fontenaille, professeur au lycée de Saint-Omer, secrétaire-fondateur de l’Association des anciens combattants de la Grande Guerre de cette ville. – N. D. L. R.

Chaque jour, dans la rue, vous croisez un de ceux qui hier vous défendaient, un moment vous l’aviez respecté et vous disiez à vos enfants Salue celui qui t’a empêché d’être Allemand . Puis la guerre continuant, les blessés étaient trop nombreux, on les laissait inaperçus, et à peine aujourd’hui parle-t-on d’eux, comme on cause de ceux que l’on aime sans oser les nommer, dont l’image chérie est là qui vous enveloppe et vous presse.         

Et cependant, soldats d’hier, votre rôle serait-il terminé ? Au devoir sacré que vous aviez accompli avec vaillance n’avez-vous rien à ajouter ? Non, loin de nous la pensée de l’inaction égoïste et trompeuse, il convient dès ce jour d’être fort, et pour être forts soyons unis. Un temps, à l’appel de la Patrie assaillie, vous avez combattu avec courage ; l’amour du sol, de la famille vous emportait vers les plus nobles destins, et vous chantiez le bonheur de s’aimer tous d’une affection de frères lorsque l’ennemi impie vous accablait. Toujours vous étiez unis, un même sort vous assemblait, vous tous venus des cités les plus diverses de notre France et des milieux les plus séparés jusqu’alors. Paysans et ouvriers, bourgeois et nobles, vous vous aimiez et vous vous compreniez parce que le même souffle vous animait qui vous guidait vers les Barbares… et "Ils ne passaient pas". Aujourd’hui dans le calme réparateur, reposés de vos peines saintes et glorieuses, vous allez reprendre les armes pour d’autres combats et lutter pour d’aussi nobles causes. Grâce à vous, il faut maintenant que "l’union sacrée" des tranchées devienne une réalité partout à l’arrière, n’ayons tous qu’une âme et une volonté, oublions le mal et la haine qui nous séparent : pensons aux martyrs qui tombent pour nous. Que la vue des blessés et de ceux qui ont sacrifié par avance leur vie fortifie les cœurs ; notre volonté toujours aussi énergique guidera le moral de ceux qui comprennent mal et se laisseraient aller au découragement passager.          

L’avenir plein de promesses est à nous, vous ne le laisserez pas échapper et votre fermeté saura se montrer digne de la vie que nous devons à présent prévoir. À vous tous, rendus à la vie civile, il convient de trouver un emploi en rapport avec vos moyens physiques. Si parfois votre voix est trop faible et risque alors de n’être pas entendue, il appartiendra à vos associations de servir d’intermédiaires et de vous guider dans la voie que vos pas indécis auraient peine à aborder. Employeurs de toutes les professions, patrons libres ou État, vous recevront avec d’autant plus de gratitude que les besoins seront grands et les places nombreuses. Et vous, une fois retrouvées au moins en partie ces forces que vous aviez données au pays, vous vous rendrez compte qu’il ne faut pas seulement penser retrouver la place laissée quelque temps pour le fusil, mais que vous devez travailler davantage pour remplacer ceux qui furent vos compagnons, et qui, hélas ! ne reviendront plus.          

La guerre actuelle, "inexplicable" et longue, a mis en présence les nations armées des deux mondes. Aussi, dans chacun des pays engagés dans la lutte, aux vieilles habitudes et à l’ancienne législation, qui voulait réparer les dommages et panser les plaies, ont dû se substituer des garanties plus neuves en rapport vraiment avec la vie d’aujourd’hui. À la loi de 1831, faite sous Louis-Philippe pour une armée de métier et à une époque où l’existence était aisée, le Parlement est en train de substituer un code nouveau qui sera le statut du combattant. Une garantie immédiate est déjà fournie par l’introduction d’une réforme n° 1 au sein des commissions de réforme ; plus tard obtiendrons-nous sans doute de pouvoir mettre dans les mêmes commissions un médecin choisi par nos associations de combattants en présence du docteur délégué par l’autorité militaire. Enfin, le blessé ne sera plus complètement abandonné par l’État, il pourra se faire soigner gratuitement dans les hôpitaux voisins de sa résidence et appeler même auprès de lui un médecin militaire, au cas où son état viendrait à s’aggraver.

Aussi faut-il que tous nos combattants se groupent et se connaissent encore, l’expérience ancienne ne doit pas être perdue. Préparons la France de demain. Car les défenseurs de la vérité et du droit sont dès maintenant les représentants de la cause sacrée auprès de leurs compatriotes de l’arrière. Fils de la nation généreuse et désintéressée, ils ne cesseront pas de dire autour d’eux que notre pays est grand parce qu’il n’a jamais rien demandé de ce qui ne lui appartenait pas. Après notre Alsace et notre Lorraine arrachées en 1871 par la violence, rien ne sera ajouté à la Patrie qui puisse faire dire que nous sommes des "annexionnistes" farouches : aux pangermanistes de Berlin qui reçoivent à la figure les croix de fer de leurs mutilés, nous opposerons la raison de notre peuple bon et probe qui demandait seulement à vivre en paix et oubliait ses blessures. La guerre a meurtri notre France, mais nos combattants diront partout autour d’eux que le conflit se poursuivra jusqu’au jour où les plaies d’autrefois auront été fermées et où chacun sera sûr que le sacrifice de nos morts n’a pas été vain. Longtemps encore, toujours, les soldats d’hier seront les premiers à éloigner de vos villes un ennemi qui a déshonoré la guerre elle-même et fait reculer la civilisation dont nous voulons être à jamais les gardiens.

Haut les cœurs donc ! pour le pays, pour nos morts, pour nous aussi, soyons forts aujourd’hui et demain ! Combattants du droit, unissez-vous, groupez-vous, et ainsi hâtez mieux la victoire que vous avez noblement préparée.

Louis Fontenaille
Secrétaire-fondateur de l’Association des combattants de Saint-Omer

Le Télégramme, mardi 19 février 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/29.