Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

Pour toute recherche dans les fonds qui y sont conservés (archives contemporaines), la consultation aura lieu dans la salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois, à Dainville. Deux levées sont organisées par semaine :

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Le nombre de commandes est limité à 10 par jour et par personne. Le système de navette nécessitant une organisation rigoureuse et de nombreuses manipulations, il est essentiel de venir consulter les documents commandés avant la fin de la semaine, après quoi ils seront rangés.

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Nos devoirs de guerre

Affiche monochrome montrant un soldat d'un côté et un homme et une femme déposant des bourses d'argent de l'autre côté.

Emprunt de la défense nationale. Faisons tous notre devoir. Nos fils aux armées, notre or au pays. Affiche, novembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 17 FiB 179.

Le 13 novembre 1917, à l'issue d’une séance particulièrement virulente à la Chambre des députés, le gouvernement Painlevé est mis en minorité par 277 voix contre 186. Pour la première fois depuis le début de la guerre, un gouvernement est renversé. Cette décision intervient dans un contexte particulièrement difficile. En France, la classe politique s'oppose sur la manière de mener la guerre : tandis que certains s’affichent comme partisans de la paix, d'autres, comme Georges Clemenceau, souhaitent la poursuite des hostilités et ce jusqu’à la victoire totale. Quant aux Français, ils doutent. Les nouvelles du front sont loin d’être encourageantes. Le Nord et l’Est du pays sont toujours occupés par les troupes allemandes. L'offensive sur le Chemin des Dames, lancée en avril 1917 par le général Robert Nivelle, s'est avérée être une véritable boucherie. D’autre part, les soldats, qui combattent depuis trois années, sont las et démoralisés. 1917 est aussi l’année des mutineries et des désertions sur tous les fronts. Face à ce constat, la propagande pacifiste ne cesse de se renforcer.

Le 14 novembre (bien qu’il ne l’apprécie pas), le Président de la République Raymond Poincaré, poussé par l’opinion, ne voit qu’une personnalité capable s’imposer dans ce climat dur et délétère. Cet homme, c’est Georges Clemenceau. Celui que l’on surnomme "Le Tigre" a déjà exercé la responsabilité de Président du Conseil de 1906 à 1909. Âgé de 76 ans, c’est l’occasion pour lui de restaurer la confiance et de tout mettre en œuvre pour que la République supporte le choc de la guerre. Le 20 novembre, Clémenceau monte à la tribune et prononce devant les députés sa première déclaration officielle. Le ton est ferme :

Messieurs, nous avons accepté d’être au gouvernement pour conduire la guerre avec un redoublement d’efforts en vue du meilleur rendement de toutes les énergies. Nous nous présentons à vous dans l’unique pensée d’une guerre intégrale.

Il poursuit par un hommage aux combattants, aux ouvriers des usines, aux femmes travaillant aux champs. Il s’attaque aussi à l’"ennemi intérieur" de la République : les pacifistes et les antimilitaristes. Ni trahison, ni demi-trahison : la guerre. Rien que la guerre. Nos armées ne seront pas prises entre deux feu.  Il avertit aussi : il faudra que chacun assume ses responsabilités, accepte les privations, fasse tout son possible pour participer à l’effort de guerre.  

À travers ses mots, les objectifs sont clairs : il faut éliminer les doutes et tout signe de découragement.
Ce discours, acclamé, sera ensuite reproduit dans les journaux et affiché dans toutes les mairies de France.

Nos devoirs de guerre

Droits du front, devoirs de l’arrière , a dit M. Clemenceau dans sa déclaration ministérielle, précisant ainsi par une brève formule, facile à retenir, la solidarité morale qui doit unir par des liens de plus en plus fraternels les travailleurs et les combattants, ceux-ci étant constamment aidés par ceux-là dans leur héroïque effort pour la défense de la patrie.

Travailler ou combattre. Il n’y a pas d’autre alternative, à l’heure présente, pour quiconque veut remplir en conscience ses devoirs de bon Français. La France veut que chacun, au poste et au rang où le sort l’a placé, contribue par un effort de "guerre intégrale" à la victoire totale qui est due aux justes causes que nous soutenons, sur le champ de bataille, avec les bons alliés qui seront fidèles, jusqu’au bout, à leur engagement loyal. Le moment est venu de nous inspirer, plus que jamais, des traditions patriotiques et républicaines de la Convention nationale qui, dans une situation tragique, donna cet inoubliable mot d’ordre : jusqu’au jour où l’ennemi aura été chassé du territoire de la République, tous les Français de la République, tous les Français sont en réquisition permanente pour le service des armées .          

Le "service des armées" exige que l’arrière soit digne du front. Trop souvent les permissionnaires ou les soldats en convalescence, retirés des tranchées dans l’intervalle des rudes combats, pourraient croire que trop de gens profitent de la sécurité que leur procure le rideau défensif de nos armées, pour continuer, à l’abri du danger, une espèce d’existence d’avant-guerre, toute remplie par le fracas des querelles politiques ou divertie par des amusements qui ne sont pas de saison. Épargnons aux poilus cette impression choquante et quelquefois douloureuse. Prouvons à nos chers soldats, à nos enfants, qu’il ne faut pas confondre le véritable arrière, c’est-à-dire notre nation laborieuse, patiente, économe, avec une minorité de bruyants individus, généralement cosmopolites, embusqués de toutes les races, intrus de toute provenance, parasites de tout genre, et dont le cas relève peut-être moins de la morale que de la police. Le véritable arrière, ce sont les pères de famille qui, en l’absence des fils assurent dans nos villes et dans nos campagnes la continuité du travail, l’indépendance du foyer, la tradition de l’honneur, afin que le combattant, à son retour, puisse retrouver sa maison toute prête à entourer de tendresse et de réconfort son glorieux repos. C’est à l’arrière aussi que l’on voit ces admirables femmes de France, mères, épouses, filles, fiancées qui, depuis trois ans, se consacrent de toute leur âme à la guérison des blessés, au soutien des malheureux et des faibles, à la consolation des affligés. Faisons-en sorte que toutes ces hautes vertus, proportionnées à la grandeur des sacrifices consentis par notre nation et à l’éminente dignité des deuils stoïquement ensevelis dans le silence des cœurs meurtris, ne soient pas offusquées, aux yeux de nos défenseurs, par l’étrange tenue de ceux qui voudraient continuer à ne rien comprendre et à ne rien sentir.

Comment pourrait-on s’abandonner aux suggestions de l’égoïsme, de l’intérêt personnel ou des fantaisies particulières, lorsque tant de détresses méritent l’assistance fraternelle de tous les esprits justes, de toutes les volontés droites, de tous les cœurs généreux ?

Il faut, maintenant que, dans toute la France, chacun travaille, dans toute la mesure de ses forces physiques et de ses facultés intellectuelles, aux résultats qui doivent hâter, par la victoire universelle du droits, les réparations dues, les sanctions prévues, les châtiments encourus, le triomphe de la justice, pour que la conscience humaine obtienne enfin les satisfactions qu’elle attend. Ainsi se trouvent nettement tracés nos devoirs de guerre, "devoirs de l’arrière", correspondant aux "droits du front". Chacun de nous, quel qu’il soit, ou qu’il puisse être, doit prouver qu’il est capable de bien mériter de la patrie.

La France du Nord, samedi 23 février 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/98.