Pour raison de service, la salle de lecture du centre Mahaut-d'Artois sera exceptionnellement fermée ce jeudi 12 juin 2025 de 09h à 13h.
Nous nous excusons pour la gêne occasionnée.
Archives - Pas-de-Calais le Département
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21 octobre 1918
En compagnie des autorités locales, les représentants des gouvernements français et étrangers entreprennent de visiter les régions recouvrées, dans la foulée des offensives de septembre et d'octobre 1918 qui ont permis le recul du front. Ces déplacements témoignent de la nécessité d'évaluer les destructions et pillages effectués par les Allemands dans les communes à présent libérées ; ils rendent aussi hommage aux troupes victorieuses, et symbolisent surtout le retour de ces territoires au sein de la Nation, qui devra leur apporter sa reconnaissance et son soutien pour un retour à la normale aussi rapide que possible.
Le 19 octobre 1918, le président du Conseil Georges Clemenceau visite ainsi Lille ; le surlendemain, le président de la République Raymond Poincaré est reçu à Armentières, Lille et Roubaix, puis à La Bassée, Lens, Douai (où il est accueilli par le prince de Galles en personne) et Arras. Le 28, Winston Churchill assistera à une parade militaire britannique sur la Grand'Place de Lille.
M. Poincaré dans les villes reconquises
Lille, 22 octobre
M. Poincaré arriva à Armentières, par train spécial, à 8 heures du matin. Il a été reçu par le préfet du Nord et par le général Plumer, commandant la 20e armée britannique. Une compagnie anglaise rendait les honneurs. Après l'avoir passée en revue, le président a vivement félicité le général, les officiers et les troupes alliées de leurs beaux succès quotidiens. Il est ensuite monté en auto avec M. Delesalle, maire de Lille, et le cortège est parti pour Lille, où il est entré par la porte de Canteleu.
Lorsque le président mit pied à terre sur le boulevard de la Liberté, devant la maison où s'est réunie la municipalité, depuis la destruction de l'hôtel de ville, ce fut à peine s'il put se frayer un passage au milieu de la foule, qui se précipitait vers lui. Ayant enfin pénétré dans le vestibule, il y trouva rassemblés, pour le recevoir, le conseil municipal, M. Delory, député de Lille, resté en pays envahi, le recteur Mgr Charost, des fonctionnaires et des magistrats, etc.
M. Delesalle, maire, adressa alors au président une allocution profondément émouvante où, après l'avoir salué et remercié, il rappela les longues souffrances et le magnifique courage de ses administrés, le président répondit en traduisant la joie dont a tressailli la France, lorsque la forte main des armées alliées a, d'un geste triomphant, déchiré le voile impénétrable qui avait, pendant plus de quatre ans, dérobé à nos yeux mouillés de larmes, la grande cité martyrisée. M. Poincaré termina, après avoir déclaré que l'espérance de la victoire est devenue une certitude, par où vive la France éternelle, vivent nos Alliés, vive la ville de Lille, à jamais ressuscitée.
Après une longue promenade en ville, le cortège a gagné Roubaix, où il a été reçu par le maire M. Lebas. La population de Roubaix avait, comme celle de Lille, pavoisé toute la ville et avait même élevé un magnifique arc de triomphe. Devant l'hôtel de ville, la musique militaire anglaise joua de nouveau la Marseillaise, les cloches de la charmante église gothique de Roubaix se firent entendre, comme un gai carillon flamand.
Le président gravit les marches du perron, donna aux applaudissements de la foule l'accolade à M. Lebas et à l'adjoint qui l'avait suppléé à la mairie pendant le temps de sa captivité.
À l'hôtel de ville, M. Lebas, [son] adjoint, le président de la chambre de commerce, M. l'Archiprêtre ont prononcé à tour de rôle des discours de bienvenue. Le président a remercié la municipalité et la population qu'il a saluée du haut du balcon et qui, toute frémissante de joie, a répondu par de longs vivats.
Tous les orateurs ayant parlé de l'union sacrée qui avait régné à Roubaix pendant l'occupation le président de la République reprit :
Rappelons-nous toujours les uns et les autres de ces élans du cœur et ces communions fraternelles. Quelles que puissent être dans l'avenir nos luttes d'opinions, n'oublions jamais qu'il y a entre les enfants d'une même patrie des liens plus forts que la vie, plus forts que la mort, et que nous en avons tous senti en ce jour de félicité la puissance indestructible et la douceur infinie.À la sortie de l'hôtel de ville, le président de la société des Alsaciens-Lorrains de Roubaix s'avança vers le président et lui exprima les aspirations et les vœux de l'Alsace-Lorraine.
Ces vœux, répondit le président, sont ceux du gouvernement de la République et de la France entière. C'est l'Allemagne, qui, par une agression sans excuse, a déchiré elle-même de ses propres mains le traité de Francfort. Il ne saurait y avoir de victoire pour la France, ni d'ailleurs de paix durable pour l'humanité, sans la réparation du droit violé et sans la restitution de l'Alsace et de la Lorraine à la France.Le président se fit ensuite conduire avec MM. Dubost, Deschanel, Loucheur, Lebrun, etc., à Tourcoing, où il fut accueilli avec un même enthousiasme et où il se rendit également à l'hôtel de ville. M. l'Adjoint exprima le regret que le docteur Dron, enlevé et emprisonné par les Allemands, ne put recevoir lui-même le président et assister à cette fête de délivrance. Le président répondit en rendant un hommage ému au docteur Dron, en félicitant la Flandre française de son patriotisme et de son courage, et en saluant avec elle l'aube de la victoire.
Il est ensuite revenu à Lille. Au début de l'après-midi, il a quitté la ville, en y laissant des secours pour les pauvres, ainsi qu'il l'avait fait à Roubaix et à Tourcoing.
Au moment de son départ, la Grande Place de la Préfecture, les rues et les boulevards étaient encore remplis de la même foule enthousiaste, qui prolongeait ses infatigables vivats.
Le président et ses compagnons ont continué leur route par La Bassée et Lens, où ils ont constaté les lamentables effets d'une dévastation systématique, par Douai, vide de toute sa population et pillé de fond en comble, où le président a été reçu par le prince de Galles et le général Horne, commandant la première armée britannique, et enfin par Arras où leur compagnie anglaise a rendu les honneurs au chef d'État et où l'attendait le train présidentiel qui est revenu le matin à Paris. – (R. P.)
Le Télégramme, jeudi 24 octobre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 9/30.