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La deuxième bataille de Bullecourt

L’échec de l’offensive du général Nivelle sur le Chemin des Dames incite les Français à demander à leurs alliés de relancer les attaques sur un front de vingt-cinq kilomètres autour d’Arras, alors que la progression y est enrayée. Les Australiens du 1er corps Anzac (Australian and New Zealand Army Corps) repartent alors à l’assaut de Bullecourt.

La journée du 3 mai 1917

La deuxième bataille de Bullecourt débute le 3 mai 1917, parallèlement à la troisième bataille de la Scarpe. Trois semaines après la première offensive, la 2ième division australienne, maintenant accompagnée sur sa gauche de la 62ième division britannique, lance la charge sur le terrain qui avait vu la défaite des Australiens le 11 avril. Cette fois-ci, l’infanterie australienne attaque avec un bon soutien de l’artillerie. 

Carte représentant la région de Cambrai à Bullecourt.

Carte de la région bullecourt-Cambrai, 1917, tirée de l'ouvrage d'Anon, "The Times History of the War Vol XVI", Londres.

Le jeudi 3 mai, à 1 h 45, huit tanks de la 12ième compagnie "D" du corps spécial des mitrailleuses lourdes arrivent de Mory jusqu’au remblai du chemin de fer d’Écoust-Saint-Mein. Bien renseignés, les Allemands bombardent les points de départ australiens pendant trois quarts d’heure à partir de 2 h 25, avec des obus lacrymogènes. À 2 h 45, un assourdissant barrage d’artillerie britannique s’abat sur le front entre Vimy et Lagnicourt : en cette seule journée, Bullecourt est la cible de plus de 70 000 obus tirés par l’artillerie de campagne, et de près de 20 000 pièces envoyées par l’artillerie lourde.
Une heure plus tard (3 h 45), la 2ième division australienne (5ième et 6ième brigades) et la 62ième division britannique investissent le champ de bataille. Les premiers s’élancent à nouveau vers Bullecourt, tandis que les seconds font mouvement vers le village et à l’ouest. Contrairement au 11 avril, quatre divisions supplémentaires (deux australiennes et deux britanniques) ont été mobilisées pour assurer la relève. L’opération a été répétée pendant des jours, à l’arrière.

Six des huit tanks essaient d’avancer à travers le village, pour soutenir les 185ième et 186ième brigades de la 62ième division. Mais à cette heure très matinale, l’obscurité est encore totale. De plus, le terrain, complètement défoncé par les bombardements, comporte de nombreux cratères d’obus qui entravent la progression. Seuls trois tanks réussissent à entrer dans Bullecourt, semant un début de panique chez les défenseurs allemands, mais leur rôle reste limité. La résistance de la 27ième division du Wurtemberg provoque de lourdes pertes. L’assaut des 185ième et 186ième brigades tourne rapidement à l’échec, face aux mitrailleuses allemandes.

De leur côté, les Australiens traversent les barbelés, partiellement détruits. Les cadavres de certains de leurs camarades tués un mois plus tôt s’y trouvent encore enchevêtrés ou gisent au fond des trous d’obus. La 5ième brigade, taillée en pièces par la mitraille, se replie sans avoir pu franchir les barbelés, ce qui provoque l’arrêt des vagues suivantes. Les résultats de cette première journée sont dérisoires : seule la 6ième brigade est parvenue à s’emparer de 400 mètres du front allemand et à pousser jusqu’à la 2ième ligne, au prix de pertes sévères.

Les Australiens parviennent à conserver les parties de tranchées conquises, mais sont épuisés par les trois contre-attaques allemandes lancées au cours de la journée ; ils reçoivent toutefois des renforts pendant la nuit.

Le 3 mai a été encore plus meurtrier que le 11 avril. Près de Vaulx-Vraucourt, à six kilomètres au sud, le principal hôpital de campagne est submergé. Plus d’une centaine de membres du corps médical sont tués et autant ont été blessés durant l’affrontement.

Dans les jours qui suivent, les Australiens renforcent la position et creusent une tranchée de communication afin d’établir une liaison protégée avec leurs lignes et de permettre l’approvisionnement en munitions et l’évacuation des blessés.

Contre-attaques allemandes

L’affrontement sanglant continue le 4 mai. Du côté allemand, la situation se dégrade. Pour se nourrir, les soldats sont obligés de chaparder de la nourriture sur les morts australiens et britanniques. Après la destruction des entrées due aux bombardements, certains se retrouvent piégés et confinés dans leurs abris souterrains. Ils doivent creuser des galeries pour pouvoir sortir à l’air libre. Entre le 3 et le 6 mai, la 27ième division allemande perd 2 176 hommes.

Photographie noir et blanc montrant trois soldats de dos, accoudés à un parapet. Au second plan, des explosions dues à un bombardement.

Bullecourt (près). Tranchée britannique. Soldats regardant un bombardement, avril 1917. Albums Valois, Bibliothèque de Documentation Internationale et Contemporaine, VAL 299/82.

La 1re division australienne relève la 2ième, le 4 mai, et tient la position pendant sept jours sous un feu continu et malgré des contre-attaques incessantes ; elle est ensuite remplacée par la 5ième division australienne.

Le 5 mai à 9 h, les Allemands entament leur cinquième contre-attaque sur les deux flancs de la position australienne. Ils avancent malgré le barrage australien. Le soir, les Australiens tiennent 1 000 mètres de la ligne Hindenburg, mais le flanc gauche australien et le village de Bullecourt sont sous le contrôle des Allemands.

À l’aube du 6, après 18 heures de bombardements, les Allemands lancent une sixième contre-attaque, la plus vigoureuse, mais la ligne Hindenburg reste aux mains de la brigade australienne.

Cependant, le général Gough insiste pour prendre le village de Bullecourt. Entre le 7 et le 17 mai, les troupes britanniques, en particulier celles du 2nd Gordon Highlanders, font la jonction avec les Australiens qui tiennent les lignes allemandes à l’est du village, puis s’emparent des ruines de Bullecourt après de très violents combats. Dans les jours qui suivent, Britanniques et Australiens se trouvent soumis à un pilonnage d’artillerie permanent. Les Allemands attaquent dans certains endroits avec des lance-flammes. Jusqu’au 9 mai, les tentatives pour s’emparer entièrement du village restent vaines. Le 10, l’intensité des combats ralentit pour reprendre le lendemain, appuyée par un fort bombardement allemand.

À partir du 12 mai, les forces alliées se fixent un dernier objectif. Il s’agit d’une enclave dans Bullecourt, appelée Red Patch, dont les Allemands gardent la maîtrise depuis le début de la bataille. La 5ième division australienne soutient fortement la 7ième division britannique, notamment en capturant et en détruisant plusieurs mitrailleuses et en se joignant à elle dans le village. Dans la nuit du 14, l’artillerie allemande envoie 60 000 obus explosifs et à gaz.

Photographie couleur montrant la statue d'un soldat en bronze.

Monument du Digger, en hommage aux forces australiennes ayant combattu en avril-mai 1917 pour Bullecourt

Du 13 au 17 mai, la 58ième division britannique prend le relais à gauche, et à droite, la 5ième division australienne s’installe dans les anciens postes allemands. Seule une petite partie au sud-ouest du village est encore aux mains des Allemands. Les efforts de ces derniers pour expulser les Britanniques le 15 mai échouent.

Le 16, les Britanniques remplacent les Australiens, qui ne laissent que la 14ième brigade sur le terrain. Le lendemain, vers 2 h du matin, un nouvel assaut permet de capturer une quarantaine de soldats allemands, chargés de faire sauter les derniers abris. Les Allemands s’avouent vaincus et abandonnent le terrain : ils se retirent vers les dernières tranchées de la ligne Hindenburg, à Riencourt et Hendecourt.
Les 7ième et 58ième divisions britanniques s’emparent d’un tas de ruines.

Bilan 

Les combats cessent le 21 mai. Les Alliés conservent une petite fraction de la ligne Hindenburg, sans aucune importance tactique. Les troupes australiennes sortent très éprouvées de cette seconde bataille. Elles ont eu plus de 7 000 tués et blessés ; les Britanniques ont également subi des pertes sévères ; les Allemands enregistrent de leur côté 6 000 tués et blessés. Bullecourt, tenu par les Britanniques après le transfert des Australiens (engagés dans la troisième bataille d’Ypres entre juillet et novembre 1917), est à nouveau perdu en mars 1918, puis finalement libéré en septembre.

Le nom de Bullecourt est resté gravé comme l’une des plus grandes horreurs que les soldats australiens (mais aussi britanniques et allemands) aient subies, et a créé une véritable défiance dans leurs rangs. Le village constitue ainsi l’un des lieux fondateurs de leur nation. Les disparus australiens sans sépulture figurent sur le mémorial national australien de Villers-Bretonneux (Somme), tandis que les Britanniques sont mentionnés sur le mémorial d’Arras. Bullecourt possède sur son territoire trois monuments en leur hommage :

  • monument aux morts des forces australiennes et des trois divisions britanniques ayant combattu pour la reprise de Bullecourt ;
  • monument aux 2 423 soldats et officiers australiens disparus, appelé Sunken Road Memorial ;
  • parc commémoratif et monument du Digger, en l’honneur des tués et blessés des forces australiennes lors des deux batailles de Bullecourt.

Pour aller plus loin

  • P. DUHAMEL, Les batailles de Bullecourt en 1917. Les diggers du 1er Corps de l’ANZAC dans la bataille d’Arras, Cressé, éditions des Régionalismes, 2013 ;
  • G. DURAND, Bullecourt 1917. À la recherche des soldats disparus, Marcq-en-Barœul, Les Lumières de Lille éditions, avril 2017 ;
  • Y. LE MANER, La Grande Guerre dans le Nord-Pas-de-Calais 1914-1918, Lille, 2014. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 190.

Webographie