Archives - Pas-de-Calais le Département
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Fermeture de la salle du centre Georges Besnier (site d'Arras)

Pour toute recherche dans les fonds qui y sont conservés (archives contemporaines), la consultation aura lieu dans la salle de lecture du Centre Mahaut-d’Artois, à Dainville. Deux levées sont organisées par semaine :

  • Pour une consultation de vos documents à partir du lundi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le jeudi précédent, à 12h ;
  • Pour une consultation à partir du mercredi matin, la commande des cotes doit être passée au plus tard le mardi précédent, à 12h.

Le nombre de commandes est limité à 10 par jour et par personne. Le système de navette nécessitant une organisation rigoureuse et de nombreuses manipulations, il est essentiel de venir consulter les documents commandés avant la fin de la semaine, après quoi ils seront rangés.

La commande se fait via notre formulaire de contact.

Nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée et vous remercions par avance de votre compréhension.

Élection de Guy Mollet à la présidence du Conseil général du Pas-de-Calais

Les derniers conseils généraux de la Troisième République, élus en 1934 et 1937, ont été suspendus par l’État français en octobre 1940. Au lendemain de la Libération, le gouvernement en décide le renouvellement complet, et fixe les élections aux 23 et 30 septembre 1945. Dans le Pas-de-Calais, la majorité politique d’avant-guerre était détenue par les républicains de gauche, c’est-à-dire la droite modérée. Ceux-ci ont pratiquement disparu en 1945 ; les principales forces en présence sont le Mouvement républicain populaire (MRP), la SFIO et le parti communiste. 53 % des 158 candidats ont participé à la Résistance, souvent activement ; et figurent parmi eux trois femmes, deux socialistes et une communiste. Entre les deux tours, communistes, socialistes et radicaux concluent un accord de désistement en faveur du candidat arrivé en tête ; le MRP, non compris dans cet accord, propose à ses électeurs de voter si nécessaire en faveur de candidats soutenant les mêmes principes constitutionnels que les siens, soit les socialistes. Les élections voient un renouvellement complet du personnel politique (avec seulement huit sortants) et une victoire de la gauche flagrante : le nouveau conseil général comprend en effet 22 SFIO, 4 communistes, 3 radicaux-socialistes, 2 socialistes indépendants, 1 Union démocratique et socialiste de la Résistance, 4 MRP, 2 radicaux indépendants, 1 républicain socialiste, 5 républicains de gauche et 2 URD [ note 1].

Photographie noir et blanc montrant des hommes debout, dont certains sont en costume militaire et au garde-à-vous.

Détail d'une photographie sur la manifestation commémorative pour le 35ième anniversaire de la bataille de la Lys ; La Couture, 17 mai 1953. Groupe de militaires et de personnalités parmi lesquels figurent N.N. Christiaens, Guy Mollet, le général Ferreira, Martins et Lantoine, consul du Portugal. Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 Fi 3415.

L’hégémonie socialiste entraîne logiquement l’élection de Guy Mollet à la présidence du conseil général, lors de la séance du 29 octobre 1945. Sur 46 votants, le résultat est de 42 suffrages exprimés, tous en faveur de Guy Mollet, seul candidat, et de 4 bulletins blancs.

Cette nomination intervient quelques mois après son élection à la mairie d’Arras, et alors qu’il vient juste d’obtenir un siège à l’Assemblée nationale, sous l’étiquette socialiste.

Son discours inaugural évoque les sombres jours que la France vient de traverser et rend hommage aux héros morts pour la patrie. Mais il est également résolument tourné vers l’avenir. Avec la fin de la guerre, un monde nouveau se dessine. La Troisième République est morte, et la reconstruction du pays s’appuie sur un renouveau politique. Guy Mollet veut faire partie de ceux qui écriront cette nouvelle page d’histoire.

Il faut dire que le défi est de taille. Comme il le rappelle, le département paye un lourd tribut aux années de guerre. La pénurie alimentaire s’est durablement installée dans la région, les destructions matérielles sont si importantes qu’elles font du Nord et du Pas-de-Calais une des zones les plus sinistrées de France, et le redémarrage économique national s’appuie fortement sur la relance de l’extraction de charbon : on demande alors aux mineurs de produire toujours plus, et souvent au détriment de leur santé.

En 1946, Guy Mollet quitte la présidence du Conseil général au profit de Louis le Sénéchal et devient membre actif de la deuxième Constituante.

Monsieur le Préfet, Monsieur le Doyen d’âge, Mes Chers Collègues,

J’ai d’abord à vous présenter mes remerciements personnels. C’est évidemment un honneur que celui d’avoir été désigné à ce poste par le nombre de voix que vous avez bien voulu accorder à ma candidature ; je vous demanderai la permission de le reporter sur le parti que je représente.

C’est un honneur d’être le Président du premier Conseil général, élu depuis la libération du territoire. Nous avons, en effet, ce privilège d’être les premiers à refaire fonctionner la République, avec cette volonté marquée, par la plupart d’entre nous, de faire qu’elle ne soit pas la suite de la précédente.

Avant de commencer les travaux, je suis sûr d’être votre interprète, sans distinction et sans différence entre vous, pour rendre d’abord hommage à tous nos morts : à ceux du Conseil général lui-même, - car le Conseil général a payé son tribut à la grande cause de la libération, - à tous les morts du département, à tous les morts de la France, à tous ceux qui, sur les divers champs de bataille du Monde, sont tombés. Et vous me permettrez de faire une place, une place particulière en nos cœurs, à ceux qui sont tombés dans la lutte clandestine et grâce auxquels la France a retrouvé dans le monde à la fois son prestige et sa valeur morale.

Je vous demanderai de bien vouloir vous associer à cet hommage en vous levant et en observant une minute de silence.

(Le Conseil général observe une minute de silence).

M. le Président. – Merci.

Et puisque nous venons ainsi de magnifier ensemble l’esprit de résistance, qu’il me soit permis de saluer en votre nom celui qui, pendant quatre ans, a incarné la résistance : le général de Gaulle.

Mais, si ces élections, qui nous ont portés aux postes que nous occupons ont été une victoire pour l’esprit de résistance, elles ont été aussi une immense affirmation de la foi républicaine, de la volonté de changement qui anime toute la population de notre Pays et c’est ce qui doit inspirer notre action.

Certes, nous essaierons, comme nos prédécesseurs, d’être avant tout de bons administrateurs du Département, nous continuerons à entretenir avec l’administration préfectorale, que je suis heureux de saluer et de remercier, les excellentes relations que nos prédécesseurs ont appréciées, mais nous n’oublierons pas que nous sommes, avant tout, des Républicains, et pour la majorité d’entre nous, des révolutionnaires au sens exact. Nous entendons mettre la République à l’abri de ce qui pourrait la menacer, nous entendons sceller dans l’action, dans le travail, l’union de tous ceux qu’anime la foi dans la mission révolutionnaire de notre Pays.

Nous appuierons notre action sur celle du Conseil National de la Résistance, sur celle du Comité départemental de la Libération. Nous entendons l’appuyer sur les immenses forces syndicales du Département. Nous espérons que la future Constitution donnera à nos successeurs des pouvoirs plus réels que ceux qui nous sont dévolus. D’ores et déjà, nous voulons marquer notre volonté de certains changements.

À l’intérieur du Pays, notre région n’a pas la place qui lui est due, et pourtant ai-je besoin de dire quel est l’effort de la population totale du Pas-de-Calais ? Ai-je besoin de dire l’effort des ouvriers mineurs, de rappeler l’effort des paysans, celui des cheminots, des marins et pêcheurs, des fonctionnaires, de toutes nos corporations ? Vous savez bien, mes chers collègues, que nous ne sommes pas, à l’heure actuelle, payés de retour.

Sans vouloir descendre dans un particularisme, nous avons le droit de faire valoir qu’en échange de l’effort fourni par les populations du Pas-de-Calais, y compris l’effort fiscal, nous ne recevons pas de l’ensemble du pays la récompense due au mérite de nos administrés. Même en restant dans le cadre régional, dans le cadre de la région du Nord, notre Département continue à faire figure de parent pauvre.

Il nous appartiendra, à nous élus du Pas-de-Calais, de rendre à notre Département ce qui lui est dû. Je suis sûr que, sur ce point, nous serons unanimes pour montrer notre volonté de changement.

Voilà ce que j’avais à dire. Prolonger les discours serait retarder nos travaux. Je conclus en vous renouvelant mes remerciements et en vous invitant à reprendre ensemble nos travaux un instant interrompus.

Procès-verbaux et délibérations du Conseil général du Pas-de-Calais. Archives départementales du Pas-de-Calais, 50 W 3.

Notes

[ Note 1] Voir Philippe ROGER, "Les élections cantonales de 1945 dans le Pas-de-Calais, un système politique transformé ?", Revue du Nord, octobre-décembre 2001, p. 801-820 ; mais aussi, du même, "Les conseillers généraux du Pas-de-Calais de 1945 à 1958 : le renouvellement d’un groupe notabiliaire ?", Revue du Nord, janvier-mars 2001, p. 125-144.