Fermeture du centre Georges-Besnier jusqu'à nouvel ordre
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Alcide Guy Mollet est né officiellement le 31 décembre 1905 à Flers dans l’Orne. En réalité, il naît le 2 janvier 1906 mais l’officier d’état civil propose à Pierre Mollet de déclarer la naissance de son fils au 31 décembre 1905. Il gagnera ainsi un an pour le service militaire et surtout pourra travailler plus tôt. La famille Mollet, très modeste - le père est tisserand, la mère concierge à la Caisse d’Épargne- accepte volontiers cet arrangement.
Le "fils de tué"
Petit, Guy Mollet a les yeux très fragiles et pour ménager sa vue, sa mère lui lit ses leçons dans leur petit logement aménagé dans les caves de la Caisse d’Épargne. Il est toutefois reçu, en 1917, premier au concours départemental des bourses et entre en sixième au collège de Flers.
Son statut d’élève boursier lui attire les brimades de ses congénères qui n’hésitent pas à se moquer de ses origines ouvrières. Ces premières vexations lui font percevoir très jeune les clivages et les inégalités sociales et influenceront sa personnalité et ses engagements politiques. Il n’a pas dix-huit ans lorsque, jeune bachelier, il adhère à la SFIO en 1923.
Guy Mollet devient pupille de la Nation car son père rentré de la Grande Guerre les poumons brûlés par les gaz est déclaré mutilé à 100 %. Ce souvenir traumatisant développe chez lui la haine de la guerre et le poussera à s’intéresser, comme maire puis comme parlementaire, au sort des victimes.
Lors de la création de l’Union Internationale des Orphelins de Guerre en 1956, il déclare :
Dans toutes les décisions que j’ai prises (…), je n’ai pas perdu de vue un seul instant que j’étais un "fils de tué". Nos pères sont tombés au champ d’honneur, pour la même cause, quel que soit leur pays : c’était celle de la paix, mais pas n’importe quelle paix. Il n’y a de paix valable que dans la liberté et la dignité humaine. Nos pères nous ont laissé comme message qu’il valait mieux mourir que d’accepter le servage et l’humiliation.
Il fera partie tout au long de sa carrière politique des courants les plus pacifistes de la SFIO et sera même partisan des accords de Munich, en 1938.
Le professeur
Devenu répétiteur puis professeur d’anglais après ses études, il est nommé au Havre et s’engage dans le syndicalisme enseignant. À cette époque, les syndicats sont absents de l’enseignement secondaire - il n’existe alors que des amicales sans velléités revendicatives - et ce militantisme, mal perçu par ses supérieurs, contraint Guy Mollet à accepter un poste de "pion" au collège d’Arras où il devient secrétaire adjoint des Jeunesses Socialistes en 1928. Il y rencontre Odette Fraigneau, membre de la section socialiste, qui deviendra sa femme le 23 avril 1930 et avec qui il aura deux filles, Dolly et Jacqueline.
Passionné par son métier de professeur et s’intéressant à toutes les techniques d’éducation il écrit un traité de grammaire intitulé Du français à l’anglais et met au point une méthode phonétique d’apprentissage de la langue anglaise. Il restera profondément pédagogue jusqu’à la fin de sa vie.
En 1969, après la disparition de la SFIO, il crée une école de cadres socialistes, l’Office Universitaire de Recherche Socialiste [OURS] - le sigle est un hommage à Alexandre-Marie Desrousseaux, dit Bracke, helléniste et marxologue surnommé "le père ours", qui a été l’un des professeurs deGuy Mollet - dont l’objectif est de constituer, ou plutôt de reconstituer, une équipe de socialistes solides s’efforçant de mieux comprendre notre société et d’en tirer une autre leçon que celle des opportunistes.
Guy Mollet y est très présent. Il lance un journal mensuel, s’occupe des publications, anime des réunions.
Professeur, puis parlementaire, il s’insurge contre certaines méthodes de sélection et défend la laïcité. Il dépose à l’Assemblée, en 1971, une proposition de loi visant à créer un service public de l’éducation nationale, laïque et géré démocratiquement. Dans l’article premier, il écrit :
Tout enfant vivant sur le territoire de la République française a le droit, quels que soient son propre groupe ethnique, la fortune ou les convictions de ses parents, à une éducation qui assure le plein développement de ses aptitudes intellectuelles, artistiques, morales et physiques, ainsi que sa formation civique et professionnelle.
Le résistant
Mobilisé le 26 août 1939 comme infirmier, il est fait prisonnier de mai 1940 à juin 1941. Il entre alors en résistance aux côtés de Raoul François, Louis Helle, Pierre Baudel au sein de l’Organisation Civile et Militaire (OCM) où il assure des fonctions de renseignement sous le pseudonyme de Laboule.
Mais le réseau, infiltré par un agent de la Gestapo, est décimé en décembre 1943 par une vague d’arrestations et d’exécutions. Guy Mollet retourne à Flers avec sa famille, s’engage dans la FFI et ne revient à Arras qu’en 1944.
Au sortir de la guerre, il préside le Comité départemental de Libération où siégeait déjà Jules Catoire. Lors d’un discours à la Citadelle d’Arras en 1975 il rend ainsi hommage aux résistants :
Ils étaient différents dans leurs idées politiques, philosophiques ou religieuses. Nous aussi. Ils n'avaient pas tous la même conception du monde à bâtir. Nous non plus, peut-être. Mais la liberté c'est, entre autres choses, le droit d'être différents. Or, sans rien renier de leurs convictions, nos martyrs en étaient venus à une meilleure compréhension mutuelle, à la tolérance, puis à l'amitié et surtout à l'union. Ce qu'ils ont fait alors, nous, leurs camarades et avec nous, nos enfants et nos petits-enfants, saurons-nous le faire contre la réapparition du fascisme et pour l'organisation d'un monde où soient organisées et garanties la liberté et la paix ? Si nous quittions ce haut lieu avec cette volonté d'union, c'est alors que nous serions fidèles à leur mémoire et que nous donnerions un contenu aux espoirs nés de la Libération.
Le maire d’Arras
Marqué par le poids de la guerre, il décide à la Libération de se lancer activement dans la politique. Le 19 mai 1945, il est élu maire d’Arras (il le restera jusqu’en 1975). Son succès électoral, dans une période où le Parti communiste remporte la majorité des villes du bassin minier, le rend particulièrement influent sur la Fédération socialiste du Pas-de-Calais. Un an plus tard, il devient secrétaire général de la SFIO.
En 1945, Arras, moins de trente ans après la Grande Guerre, est à nouveau sinistrée. Il faut reconstruire. Guy Mollet écrit :
On aurait pu décrire Arras comme une vieille dame charmante, trottant menue, toujours coquette, toujours fière de ses bijoux de famille et de quelques reliques, respectée et aimée de son entourage, s’étiolant doucement et acceptant avec sérénité sa lente disparition. On ne "secoue" pas une dame aussi charmante ; ceux qu’il faut réveiller, ce sont ses enfants. Et cela se fait au fil des années, sans heurts, avec l’assentiment des enfants en question. La reconstruction terminée, il faudra penser à l’avenir, en ne perdant ce principe : ne pas tout faire à la fois, mais savoir où l’on va.
Il va en effet durant ses trente années de mandats, transformer la ville. Après la reconstruction d’après-guerre, Guy Mollet entreprend, à partir de 1953, de métamorphoser la ville. Maire-bâtisseur, il lance plusieurs programmes de lotissements HLM. La ville s’étend vers l’ouest.
Dans les années 1970, le bilan est considérable : cinq mille logements collectifs et deux mille cinq cents logements individuels sont sortis de terre et avec eux de nouvelles infrastructures - le centre hospitalier dont le centre de prématurés est l’un des plus modernes d’Europe, est inauguré en 1960. Les vieux quartiers d’Arras comme Méaulens-Saint-Géry sont en cours de rénovation, des groupes scolaires, des aménagements sportifs sont construits. Lorsqu’on demande à Guy Mollet en 1971 quelle fonction électorale est la plus importante pour lui, il répond :
Parmi celles que j’ai exercées ou que j’exerce encore, j’affirme sans hésiter : maire d’Arras. Le préoccupation qui m’anime peut s’exprimer ainsi : connaître et aimer le passé de notre ville pour mettre en valeur ses vraies richesses et dans le même temps en faire une cité moderne, active et belle
Toutefois, Guy Mollet est aussi un maire contesté à qui l’on reproche de ne pas avoir su amener d’activités industrielles dans sa ville restée essentiellement tertiaire et d’être trop souvent absent d’Arras.
Le parlementaire et le ministre
Il n’est, en effet, à Arras qu’un week-end sur deux. Élu député en octobre 1945 et nommé ministre d’État dans les gouvernements de Léon Blum (1946-1947) et de René Pleven (1950-1951) puis vice-président du Conseil en mars 1951, il est le plus souvent retenu à Paris.
À ses adversaires politiques qui lui reprochent d’être un maire "fantôme" il réplique :
Maire-fantôme dites-vous ? J’ai la conviction que je sers, sur le plan national, les intérêts des Arrageois, car en qualité de parlementaire, je puis obtenir pour mes administrés, auprès des ministères, des avantages incontestables. Si vous étiez capables d’équité, vous admettriez toutes les démarches que j’ai pu accomplir à Paris en faveur de notre cité et les résultats que j’ai pu obtenir
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Charles de Gaulle passe en revue les troupes en compagnie de Guy Mollet, place du Maréchal-Foch, à Arras. Carte timbrée, éditée à l'occasion du centenaire de la naissance de Charles de Gaulle. Archives départementales du Pas-de-Calais, 38 Fi 1796.
Charles de Gaulle passe en revue les troupes en compagnie de Guy Mollet, place du Maréchal-Foch, à Arras. Carte timbrée, éditée à l'occasion du centenaire de la naissance de Charles de Gaulle. Archives départementales du Pas-de-Calais, 38 Fi 1796.
Candidat aux élections législatives de 1956, il anime le Front républicain, aux côtés de Pierre Mendès France, François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas qui milite pour une paix négociée en Algérie, jugeant la guerre imbécile et sans issue.
Le 6 février 1956, en visite à Alger pour tenter une médiation, il se fait violemment huer par la population d'origine européenne. Ne parvenant pas à rassembler les votes parlementaires pour l'indépendance, il renonce, ce qui aboutit à la relance des opérations militaires.
Le 12 mars 1956, il obtient le vote de pouvoirs spéciaux qui confèrent d'importants pouvoirs à l'armée. Face aux actes de tortures imputées à cette dernière, il autorise en 1957 la Commission internationale contre le régime concentrationnaire à enquêter sur ces pratiques.
Il finit tout de même, à partir de 1958, par soutenir la politique algérienne du général de Gaulle ce qui lui vaut une tenace hostilité chez les socialistes qui lui reprochent ses compromis avec la droite.
Nommé président du Conseil du 1er février 1956 au 21 mai 1957, il accorde l’indépendance à la Tunisie et au Maroc ainsi que l’autonomie à l’Afrique noire. C’est son cabinet qui met en place la troisième semaine de congés payés et la vignette automobile pour financer l’aide aux personnes âgées.
Européen convaincu, il signe avec ses ministres, Christian Pineau et Maurice Faure, le Traité de Rome qui institue la Communauté économique européenne le 25 mars 1957. Le cabinet Mollet, qui détient le record de longévité de la IVe République, chute en mai 1957 après avoir été mis en minorité par l'Assemblée nationale.
En mai 1958, dans un esprit "d'union nationale", face au risque de guerre civile soulevé par le putsch militaire d'Alger, Guy Mollet vote les pleins pouvoirs au général de Gaulle. Il participe à l’élaboration de la Constitution de la Ve République.
Pourtant, il quitte le gouvernement dès janvier 1959 et retourne dans l'opposition. En 1969, il lâche le secrétariat national de la SFIO. Il ne se reconnait pas dans le nouveau Parti socialiste qui vient d’être créé et se sent de plus en plus isolé face à la montée de François Mitterrand.
Il meurt à Paris le 3 octobre 1975.
Bibliographie
J. MAITRON, C. PENNETIER (dir.), Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français. Quatrième partie : 1914-1939, tome 36, Les Éditions ouvrières, 1990, 483 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 2492 1 - 45
B. MÉNAGER, P. RATTE, J.-L. THIÉBAULT, R. VANDENBUSSCHE, C.-M. WALLON-LEDUCQ, F. LOTTIN-TRIQUET, Guy Mollet, un camarade en république, Presses universitaires de Lille, 1987, 632 p. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 4486
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