Hier, au théâtre, la Société de géographie donnait sa 9ième conférence sur l’effort des Alliés. L’orateur désigné par le comité de propagande du Ministère des Affaires étrangères, était M. Froidevaux, doyen de la faculté des lettres de l’Université catholique de Paris.
La séance est présidée par M. Barlet, vice-président, assisté de MM. Béquignon, inspecteur d’académie, Dulot, Francq. Dans un discours plein de bonne humeur, de patriotisme et d’esprit, M. le président Barlet présente le conférencier auquel il donne la parole. Le distingué doyen n’est pas un inconnu à Boulogne où à dix reprises différentes il est venu parler à la Société de géographie.
M. Froidevaux rappelle avec émotion le temps, où, sous la présidence du regretté Farjon qui était son ami, il venait s’entretenir, salle Sainte-Beuve, avec l’auditoire boulonnais.
L’orateur fait ensuite un magnifique éloge de M. Farjon, l’homme de cœur et d’esprit dont il vante la haute intelligence, la sollicitude éclairée pour les intérêts économiques de Boulogne et le noble caractère.
L’auditoire applaudit à ce juste hommage rendu à la mémoire de M. Farjon, puis M. Froidevaux aborde son sujet.
L’orateur, esprit méthodique et clair, causeur élégant et souvent brillant, érudit et discret, produit la meilleure impression sur le public qui l’écoutera avec l’attention que mérite un homme de sa valeur. Le silence n’est interrompu que par les applaudissements. Le 28 janvier 1859, dit M. Froidevaux, dans une déclaration à la Chambre des Communes, on faisait l’éloge des colonies anglaises et on affirmait leur loyalisme et leur fidélité, pour le jour où la Grande-Bretagne aurait besoin de leur concours, dans un péril grave. Ce jour est arrivé et la prophétique parole de 1859 est la conclusion réconfortante et instructive de l’histoire que nous vivons aujourd’hui.
L’orateur s’efforcera de scruter la profondeur des sentiments loyalistes du Cap et de l’Australie et d’indiquer les causes de leur actuelle fidélité.
À grands traits, M. le doyen Froidevaux fait la description géographique du Cap. Pays vaste par l’étendue 1 225 000 kmq, petit par la population 5 975 000 habitants, sur lesquels on compte seulement un peu plus de 200 000 blancs.
La diversité des éléments ethniques, les querelles des partis, les intrigues des Allemands de l’Afrique sud occidentale n’ont point empêché les vaincus de 1902 de témoigner, en grande majorité, leur reconnaissance à l’Angleterre qui s’est montrée généreuse et libérale pour ses adversaires de la veille et qui, avec un tact infini, a pansé les blessures reçues dans les luttes longues et acharnées.
L’Union sud-africaine, qui, en 1909, avait changé l’indépendance contre l’autonomie, a manifesté, en 1914, son loyalisme, d’abord en répudiant toute idée de non intervention, puis en affirmant sa fidélité par des souscriptions pécuniaires et par un effort militaire des plus méritoires.
C’est Louis Botha, le héros de la guerre de l’indépendance Boer qui a vaincu Christian de Wett le chef des rebelles ; c’est lui qui a conquis le S.O. africain allemand (835 000 kmq), tandis que d’autres continents étaient dirigés contre l’Est africain, vaste et riche région de 995 000 kmq, le joyau des colonies allemandes.
Non content d’étouffer dans leur pays la révolte et de porter la guerre dans les colonies allemandes, l’Union sud-africaine a envoyé en France un corps expéditionnaire de 6 000 hommes qui a fait vaillamment son devoir dans les tranchées.
L’auditoire écoute avec le plus vif intérêt le si clair exposé qui lui est fait de la situation sud-africaine, puis l’orateur très applaudi passe à la question australienne.
Fidèle à sa méthode, M. le doyen Froidevaux fera précéder ses considérations sur l’effort australien d’une courte et substantielle description géographique dont nous voulons seulement retenir que si la superficie du continent dépasse 7 800 000 kmq, la population atteint à peine 5 173 000 habitants, soit une densité générale de 3 habitants par 5 kmq.
Le Commonwealth, explique M. Froidevaux, était dans une situation plus favorable que l’Union sud-africaine pour prendre part à la guerre.
En Australie, tout est anglais, l’élément indigène achève de mourir aussi bien sur le continent qu’en Tasmanie et l’organisation de la Fédération australienne qui date du 1er janvier 1901 a une force de résistance et d’expansion que ne possèdent pas encore les jeunes républiques du Cap.
L’Australie, malgré sa situation insulaire, ne se sentait pas en sécurité. L’Angleterre était trop éloignée et l’Allemagne trop proche en Nouvelle-Guinée et aux îles Salomon. Aussi le Commonwealth se méfiait-il de l’emprise germanique qui se manifestait par une progression inquiétante des importations allemandes passées de 1 026 000 l. st. en 1895 à 3 778 000 l. st. en 1910 et à 7 029 000 l. st. en 1913.
La menace d’absorption était directe, le Commonwealth y para en organisant une armée et une marine, qui, destinées d’abord à résister à l’infiltration allemande sont venues apporter en Europe leur puissant concours aux Alliés.
L’empressement du Commonwealth à soutenir l’Angleterre a été tel que les souscriptions ont atteint le chiffre de 200 000 l. st. et que les contingents australiens sur le front dépassent actuellement 300 000 hommes.
La valeur physique et morale de ces soldats est extraordinaire, dit l’orateur, et, à l’appui de ces affirmations, il cite les exploits fabuleux des Anzacs aux Dardanelles, sur la Somme, à Pozières.
La hardiesse, l’ardeur sportive, le mépris de la mort, dont témoignent ces troupes remarquables font l’admiration des Alliés qui combattent avec elles et des chefs qui les commandent.
Si bien qu’à la suite de Pozières, Sir Douglas Haig envoya au Commonwealth un télégramme dans lequel il témoignait sa satisfaction pour la haute valeur des soldats australiens.
Très applaudi, l’orateur termine par un magnifique éloge du loyalisme des colonies britanniques, il vante la grandeur de leur choix et l’importance du concours qu’elles prêtent à l’Entente et en particulier à la France.
Puis, M. Francq, secrétaire-général remercie le doyen Froidevaux pour sa brillante causerie et la séance est levée à 10 h et demi.
Le Secrétaire Général,
H. FRANCQ.