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Ouverture du premier hôpital du camp d’Étaples

Devant Arras et Boulogne-sur-Mer, Étaples est sans conteste le principal lieu de cantonnement des troupes britanniques dans le Pas-de-Calais durant la Grande Guerre.

Créé en 1915, il est célèbre pour avoir été le plus grand camp militaire britannique jamais établi hors des frontières de l’Empire et le plus grand camp de France (sa superficie atteint 12 km²).
De 1915 à la fin du conflit, on estime qu’environ deux million d’hommes et de femmes sont passés par ses aires d’entraînement ou ses hôpitaux. En 1917, les ressources du camp sont à leur niveau maximum et il contient alors 100 000 personnes, toutes nationalités confondues.

Étaples, ville stratégique

Photographie noir et blanc montrant au premier plan une rangée d'hommes de dos, assis et regardant une plaine occupée par un camp de tentes.

Vue générale du camp d'Étaples. Archives départementales du Pas-de-Calais, 88 J 30.

Dans toute guerre, l’arrière-ligne de front est traditionnellement dédiée à la logistique ; c’est là que se concentrent dépôts et entrepôts, usines et hôpitaux, et que transitent renforts et ravitaillement. En ce sens, le Pas-de-Calais devient un territoire stratégique du conflit, et particulièrement pour les Britanniques : à l’ouest de la ligne de front, une immense zone tampon protège les grands ports menant à l’Angleterre.

Étaples n’a pas été choisie au hasard lors de la création du camp : située au sud de Boulogne, la ville constitue un passage sûr depuis le Royaume-Uni, tout en étant proche de la voie ferrée menant à Abbeville, là où se trouvent de vastes espaces inoccupés.

Camps de formation et de renforts

L’Empire décide d’y établir une base militaire destinée à former ses recrues fraîchement débarquées et encore novices à l’art de la guerre. Avant de partir en première ligne, ces jeunes issus des quatre coins du Commonwealth s’exercent dans des terrains d’entraînement spécialement conçus pour eux. Après 1917, au plus fort de son activité, le camp peut accueillir jusqu’à 70 000 soldats chaque mois, les soumettre à un entraînement puis les envoyer au front.

Photographie noir et blanc montrant un camp de tentes et de baraquements en bois.

Vue générale du camp d'Étaples. Archives départementales du Pas-de-Calais, 88 J 30.

Une fois leur formation achevée, ils gagnent les Reinforcement camp (camps de renfort), une zone de transit composée de casernes nommées IBD (Infantery Base Depot). Entre juin 1915 et septembre 1917, plus d’un million d’officiers et de soldats ont ainsi arpenté ces rues formées de baraquements et de tentes, dans l’attente de connaître leur future affectation.

Un complexe hospitalier hors norme

En parallèle, le camp se dote d’un complexe hospitalier tel qu’il devient rapidement le plus grand jamais créé par un gouvernement à l’étranger : près de 100 000 malades et blessés sont en convalescence en période d’intense activité.

En avril 1915, le premier hôpital est constitué d’une simple rangée de salles sous tentes. Mais rapidement, les constructions s’enchaînent, si bien que fin 1917, on recense une vingtaine d’hôpitaux correspondant à des besoins divers et dotés de technologies de pointe : salles d’opérations, appareils de radiologie, laboratoires d’analyses, etc.
La capacité d’accueil du plus grand d’entre eux atteint 3 000 lits et en tout, 20 000 soldats peuvent être soignés simultanément, aux côtés de centres vétérinaires dédiés aux animaux.

Une mortalité peu élevée

Photographie noir et blanc montrant l'intérieur d'un hôpital monté dans un baraquement en bois. Une double rangée de lits se fait face ; au milieu, debout, se tient un homme.

Intérieur d'un hôpital du camp d'Étaples. Archives départementales du Pas-de-Calais, 88 J 30.

Cet afflux massif de malades et blessés oblige les autorités à créer rapidement un cimetière militaire (les premières funérailles se déroulent le 13 mai 1915). Celui-ci existe toujours aujourd’hui et compte environ 11 000 tombes, chiffre relativement bas par rapport au nombre d’admis.

Si les administrateurs se félicitent d’un taux de mortalité exceptionnellement bas, celui-ci s’explique, certes par la qualité des soins apportés en ces lieux, mais aussi par le fait que la majorité des décès surviennent au plus proche de la ligne du front.
En effet, un soldat grièvement blessé a peu de chances de survivre assez longtemps pour être transporté dans cet hôpital d’arrière. Bien souvent il reçoit les premiers soins dans les infirmeries creusées à même des tranchées et se fait opérer dans la foulée. S’il survit et que son état autorise le transport, il peut alors être évacué à Étaples où il a toutes les chances de se remettre de ses blessures.

Un financement multiple

Le financement d’un tel projet dépasse le simple engagement public du Royaume-Uni. Le gouvernement canadien s’y associe en finançant et assurant le personnel des grands hôpitaux. Des volontaires, venant des facultés d’Harvard et de Chicago, viennent aussi grossir les rangs du personnel soignant et ce, bien avant l’engagement des États-Unis dans le conflit.

Photographie noir et blanc montrant un blessé de profil, allongé dans un lit d'hôpital et s'accrochant à une poutre en bois suspendue au-dessus de lui.

Un blessé dans un hôpital du camp d'Étaples. Archives départementales du Pas-de-Calais, 88 J 30.

Enfin, de nombreux mécènes privés et œuvres de bienfaisance fournissent les fonds nécessaires au fonctionnement du camp.

Février 1915 : début des travaux

Les travaux débutent en février 1915 par la construction des premiers hôpitaux militaires, de casernes d’infanterie et de voies ferrées.

Le 7 avril 1915, l’hôpital général n° 58 ouvre ses portes, suivi de trois casernes en juin, presqu’immédiatement occupées par les premiers détachements de renforts à instruire.

Les constructions s’enchaînent. À la fin de l’été 1915, le camp contient déjà les hôpitaux n° 6 (de la British Red Cross), n° 20, 22, 23, 24 et 46. Le Canada a aussi ouvert son hôpital n° 1 au mois de mai.

Et les travaux en cours se multiplient : onze autres casernes, une blanchisserie, un bureau de transmission, deux postes, des dépôts pour le matériel et le transport, etc. Aux tentes initiales viennent s’ajouter des baraquements, plus adéquats à affronter les longs mois d’hiver.

Véritable ville où se croisent les nationalités de toutes les grandes puissances engagées dans le conflit, le camp d’Étaples est l’expérience unique d’une occupation massive du territoire libre par des troupes militaires alliées.

Pourtant, cet afflux massif de "sauveurs" n’a pas été reçu qu’avec bienveillance ; en effet la cohabitation avec la population locale ne s’est pas toujours déroulée sans accrochage, entre heurt des cultures et appropriation des ressources naturelles.

Photographie noire t blanc montrant un chantier dans une plaine. Au premier plan, des rails et des wagons stationnés.

Les travaux de la gare annexe du camp d'Étaples, début 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, 88 J 30.

Pour aller plus loin

  • G. DOUGLAS, J. PUTKOWSKI, Le camp britannique d'Etaples 1914-1918, éd. du Musée Quentovic, 1998, 80 pages. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 5810/3.
  • L. FRANÇOIS, J. PUTKOWSKI, "Le camp britannique d'Etaples, 1915-1919", Sucellus. Dossiers archéologiques, historiques et culturels du Nord et du Pas-de-Calais, Association des Amis du Musée du Passé et de la Bibliothèque de Berck et environs, n° 45, 2e semestre 1998, pages 32-39.