Du portrait à la photographie

Art social par excellence, mais le portrait a toujours pour fonction de restituer les traits de l’individu qui le commande. La ressemblance avec le modèle semble donc primordiale pour ce genre pictural. Pour autant, entre les commanditaires qui souhaitent être représentés sous leur meilleur jour et les peintres qui ambitionnent de faire valoir leur excellence artistique, la ressemblance est toujours relative, cédant souvent le pas à l'idéalisation ou à la caricature.

Très souvent représenté par les peintres, Robespierre, honni par certains, adulé par d’autres, apparaît au XIXe siècle sous des traits changeants.

Au XVIIIe siècle, le portrait des révolutionnaires est très conventionnel. Il ne s’agit pas pour les portraitistes de proposer une image ressemblante mais de dresser un portrait de l’âme et de l’engagement politique du modèle.

Robespierre, représenté en buste, arbore le costume des députés du Tiers État : habit noir, un simple jabot blanc et une perruque commune à la plupart des représentants du troisième ordre. 

L’image de Robespierre a été si souvent reproduite qu’elle nous semble familière. Pourtant, dès le XIXe siècle, la riche iconographie qui entoure ce personnage historique propose de nombreuses variations. On retrouve les traits essentiels mais chaque artiste y ajoute sa propre vision du personnage. Le portrait historique tient plus de l’allégorie que de la vérité. 

Alors que les artistes peignent des personnages historiques sans les voir, la photographie permet l’enregistrement du réel. La photographie d’identité s’affirme de plus en plus en tant que représentation fidèle de l’apparence des modèles.

Depuis 1832, il est interdit de marquer les détenus au fer rouge. Il faut alors inventer un système qui permette d'identifier les récidivistes. Mais, reconnaître un individu, sous des identités différentes, à des époques différentes de sa vie, relève de la gageure.

Alphonse Bertillon, commis aux écritures à la préfecture de Police de Paris, construit à partir des photographies de détenus, prises de face et de profil, une méthode efficace de reconnaissance. Il s’agit de produire l’image la plus facile à reconnaître, la plus facile à identifier avec l’original . En 1879, il imagine un système fondé sur l’identité anthropométrique du squelette appelé "bertillonage", qu’il associe à une autre invention, la dactyloscopie, relative aux empreintes digitales. On utilisera cette méthode jusque dans les années 1970.

Avec le portrait photographique, le XIXe siècle ouvre l'âge démocratique de la représentation de soi. Le portrait peint était dès lors réservé à une élite aristocratique ou à une élite bourgeoise, soucieuses de poser pour la postérité. Le portrait photographique, "miroir qui se souvient" selon l'expression de Robert de Montesquiou, va entrer dans tous les foyers.