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Un Aviatick capturé à Coquelles

Les nécessités de la guerre ont sans aucun doute permis d’incroyables avancées techniques dans des domaines aussi variés que l’armement, la chirurgie ou l’agriculture.
L’aviation n’échappe pas à cette règle. Alors qu’elle n’en était qu’à ses balbutiements en 1914, chaque camp va s’ingénier à perfectionner ses appareils pour dominer dans les airs. Toujours plus rapides, plus légers et mieux armés, le rôle de ces avions se cantonne cependant principalement à de la surveillance, le bombardement stratégique restant encore très rudimentaire.

Néanmoins leur capture est exhibée comme un trophée, comme le montre l’article ci-dessous qui profite également de cette occasion pour régler ses comptes avec la censure.

Un Aviatick capturé

À Coquelles, près de Calais

"Hier, dans la matinée, un aéroplane allemand, monté par deux officiers, a été obligé d’atterrir, par suite d’une panne de moteur, à Coquelles, petite commune située entre Fréthun et Calais.
L’appareil, qui est un Aviatik, a été capturé. Le pilote et l’observateur ont été faits prisonniers."

Cette nouvelle que nous avions insérée dans notre dernier numéro, à la même place, a été supprimée, à 9 heures du soir, par la Censure.

Or, le communiqué officiel, que nous recevons à minuit par l’intermédiaire de l’Agence Havas, annonçait succinctement cette nouvelle par la phrase suivante :

Un avion allemand a été obligé d’atterrir à Calais. Les aviateurs sont prisonniers.

Nos renseignements nous permettent d’ajouter que cet avion effectuait une reconnaissance, qu’un appareil photographique a été trouvé et que les deux aviateurs étaient déguisés l’un en officier anglais, l’autre en soldat belge.

Voici d’autre part ce que notre confrère Le Petit Calaisien a pu publier sur le même sujet :

Ainsi qu’on le verra plus haut, dans le communiqué officiel, un avion allemand a atterri hier à Calais.

Il était environ 11 h 1-2 lorsque l’appareil fut signalé venant de l’est, au-dessus de Coulogne, à faible hauteur, le moteur donnant des signes non équivoques de troubles d’essence.

La forme de sa queue était caractéristique, et on distinguait les croix noires peintes sur ses ailes.

Continuant sa descente l’appareil doubla la ville, et vint atterrir dans un champ sur le territoire de Coquelles.

Des témoins de son atterrissage racontent que les aviateurs boches, avant de toucher le sol, crièrent à nos soldats de ne pas tirer, et qu’ils descendaient.

C’étaient : le pilote, un sous-officier, blessé à la main et l’observateur, un officier parlant correctement le français.

Tous deux se rendirent sans difficulté et furent emmenés.

L’avion, un bel appareil indemne, avec seulement un trou au réservoir d’essence, est de bonne prise.

La nouvelle de cette capture parvint à Calais, vers midi, pour la sortie des ateliers et y causa, avec l’émotion, la joie que l’on devine.

La France du Nord, mercredi 8 septembre 1915. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/92.

Dans son ouvrage Calais pendant la guerre, Albert Chatelle nous donne de plus amples détails sur l’événement et contredit la version de l’Aviatick. Selon lui il s'agirait plutôt d'un Albatros. Cependant, les photographies réalisées à cette occasion nous font davantage pencher pour la première version.

Le 6 septembre 1915, vers midi, les habitants de Coulogne ne furent pas peu surpris d’apercevoir, volant à faible hauteur, un avion venant de l’est et portant sur ses ailes et son fuselage les fameuses croix noires allemandes. L’appareil, un Albatros, continuant son vol, alla, peu de temps après, atterrir entre Coquelles et Fréthun, dans un champ au lieudit "la tour de Lierre".

Le moteur tournait encore que déjà les territoriaux surgissaient et capturaient l’équipage, qui se composait d’un officier et d’un sous-officier parlant parfaitement français.

Tous deux se montrèrent extrêmement surpris d’être à Calais. Interrogés aussitôt, ils déclarèrent qu’ils étaient partis le matin de Valenciennes avec ordre de rejoindre Ostende ; mais, en cours de route, ils s’égarèrent dans la brume, si bien qu’ils atterrirent en voyant la mer, se croyant à Ostende.

Le Gouverneur de la place pensa, au contraire, qu’il s’agissait de "deux farceurs enchantés de terminer personnellement la guerre".

L’armée britannique, toujours rapide dans ses décisions, avait déjà pris possession de l’appareil et enfermé les aviateurs au fort Risban, lorsqu’un ordre du G.Q.G. anglais prescrivit leur remise à l’armée française.

L’avion portait des traces de balles. Près de plusieurs trous se lisait la mention "Béthune, 18 août", indiquant ainsi que l’avion avait été touché à cette date au-dessus de Béthune.

L’appareil, muni d’un moteur de 160 HP, possédait une mitrailleuse pouvant tirer de 600 à 700 cartouches à la minute et un système d’accrochage pour 4 bombes de 20 k.

Ce sensationnel atterrissage causa une joie parfaite à la population calaisienne. Le bruit courut que les aviateurs avaient lancé des fléchettes d’acier en survolant le Fort-Nieulay, mais ce n’était qu’un fausse nouvelle de plus à ajouter à toutes celles qui prenaient leur vol à la moindre occasion.

Albert CHATELLE, Calais pendant la guerre 1914-1918, éd. Quillet, Paris, 1927, p. 113-114. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHD 32.