Archives - Pas-de-Calais le Département
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Hénin-Liétard après la libération

L'aube de la Grande Guerre coïncide avec une période de prospérité économique pour Hénin-Liétard, depuis la découverte de la houille en 1852. Toutefois, en 1870, ses habitants ont déjà dû faire face à l'arrivée des Prussiens, alors aux portes de la ville.

Le 3 octobre 1914, Hénin-Liétard se retrouve (tout comme les deux-tiers du bassin minier) sous la domination allemande. Elle sert de cantonnement à l'état-major d'un corps d'armée. Les troupes occupent les bâtiments publics et réquisitionnent les châteaux des directeurs des mines et des industriels. Les officiers sont hébergés dans les maisons bourgeoises, et les soldats revenant du front sont logés dans les écoles. L'abattoir municipal, construit en 1913, fait office de cantine. On y trouve également un hôpital et un cimetière militaire. La ville est aussi le lieu de stationnement des prisonniers français et britanniques avant leur départ pour l'Allemagne.

Située à quelques 20 kilomètres du front, la ville ne cesse de souffrir des bombardements alliés. Elle est touchée dès 1916 et vidée de ses habitants le 27 avril 1917 : 12 000 personnes, soit la totalité de la population, sont dirigées en train vers la Belgique. La plupart rejoignent la France par la Suisse dès le mois de septembre.

La ville est enfin libérée le 10 octobre 1918. Le bilan s'annonce lourd après quatre années d'occupation. L'industrie houillère est saccagée : la production de charbon passe de 1 442 210 tonnes en 1913 à 58 904 en 1920. Les puits ont particulièrement souffert et notamment la fosse 3. Les usines sont anéanties, 700 maisons sont détruites, 3 800 restent réparables et 500 encore habitables, bien que souvent sans portes ni fenêtres, les bois ayant servi au chauffage des soldats. L'église médiévale Saint-Martin est rasée.

Après la signature de l'armistice, les premiers habitants reviennent dès le 2 décembre 1918.

Durant l'entre-deux-guerres, Hénin-Liétard se reconstruit peu à peu sous l'impulsion du maire Adolphe Charlon (maire à partir de 1919 et qui sera constamment réélu jusqu'à sa démission en 1940). L'hôtel de ville est réédifié en 1925. L'église est reconstruite sous l'égide de l’architecte Maurice Boutterin dans un style romano-byzantin.

Hénin-Liétard après la libération

M. Charlon Adolphe, secrétaire général de la mairie d'Hénin-Liétard, nous communique les renseignements ci-après, dus à l'obligeance de M. Paul Gillet, maire de Mortagne et beau-frère de M. Léon Pruvot, sur l'état de la ville d'Hénin-Liétard après le départ de l'ennemi.

D'une façon générale, la ville semble n'avoir guère souffert après l'évacuation de la population.

Il ne reste, bien entendu, aucun mobilier, aucune porte, aucune fenêtre, tout bois a été proprement démonté et enlevé.

Sur 4 500 maisons environ, il peut en rester, à première évaluation, 3 800 réparables.

La mairie a été incendiée ainsi que le pâté de maisons : Crédit du Nord, Wantier, Franc-Picard. L'église et le clocher ont dû sauter, car il n'en reste qu'un amas de pierres. Les maisons Dablain, Quévy et, d'une façon générale, tous les immeubles situés sur la place Carnot sont fort endommagés, sauf l'établissement Deladerière et la maison Poteau. La rue Montpencher jusque chez Nizolle, détruite.

La place de la République en assez bon état, à part l'hôtel des postes et l'épicerie Potin qui ont été la proie des flammes. Les habitations Campion, Boulinguez, Wartelle et Willefert en parties détruites. La rue Napoléon-Demarquette, croisement des rues de Lens et rue de Rouvroy, les châteaux Butruille et Hurez et rue avoisinantes fortement atteintes.

Tout le quartier de la Petite Place, rue Pasteur, de Bon-Secours, Voitelette, Napoléon, Gare, a été un centre de destruction. La gare, chose étrange, est encore debout ainsi que le buffet Gustave Vandewalle.

Les châteaux de MM. Gruyelle, en ruines, incendiés. Les quartiers presque intacts sont ceux situés au-delà d'une ligne partant de la rue de l'Abbaye à l'établissement Lomprez. Les rues Gruyelle, Hénocq, Saint-Aubert, Abattoir, Dourges, de Douai, les corons, les bureaux des mines, le château de M. Prudhomme et toutes les habitations des environs sont relativement intactes.

Le temple protestant, l'hospice des vieillards Petite-Place forment, tout comme l'église, un amas de décombres.

L'administration municipale n'a encore pu se rendre sur les lieux, ainsi que l'ont fait bon nombre d'officiels d'autres villes moins importantes.

Il y aurait cependant un grand intérêt à organiser une surveillance suivie contre les rôdeurs qui, nous en avons déjà la certitude, opèrent sous des aspects divers.

Douai est pourvu d'une gendarmerie.

Hénin-Liétard n'a reçu encore aucune visite officielle. Il serait à désirer que les représentants d'une ville qui comptait près de 20 000 habitants, puissent d'urgence se rendre compte de l'état général du pays, afin de s'entendre avec l'administration préfectorale pour les mesures à prendre : clôture des habitations, vitrerie, aménagement en mobilier et ravitaillement.

Nous espérons qu'au titre de secrétaire général de la mairie en l'absence du maire, de président de l'Association des sinistrés de la ville d'Hénin-Liétard et du canton de Carvin, ainsi qu'en celui de journaliste, M. Charlon pourra se rendre très prochainement sur les lieux et donner à ses concitoyens tous détails attendus impatiemment.

Le Bulletin des réfugiés, jeudi 31 octobre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 121/2.