Archives - Pas-de-Calais le Département
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Réquisition des biens austro-allemands au profit des réfugiés du Pas-de-Calais

Peu avant le déclenchement de la guerre, une part importante de la population se montre hostile envers les ressortissants allemands présents sur le sol français. Ils sont accusés d’espionnage, aussi bien que de mainmise sur l’économie du pays.

À partir du 2 août 1914, Allemands et Austro-hongrois sont invités à se faire connaître en vue d’un rapatriement en Suisse ou d’un internement dans des centres spéciaux. Le 1er octobre, une circulaire organise les premiers départs. En sont exceptés les ressortissants allemands atteints de maladie, les Françaises ayant acquis la nationalité allemande par mariage, les Alsaciens et Lorrains ainsi que les fils d’Allemands servant sous le drapeau français.

Dès lors, le ministre de l’Intérieur invite chaque préfet à établir et à transmettre aux tribunaux la liste de tous les établissements agricoles, industriels et commerciaux appartenant aux sujets austro-allemands et hongrois se trouvant dans leur département. Le courrier ci-dessous donne un exemple de biens immobiliers confisqués dans l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer : il s’agit de deux villas, l’une à Berck-sur-Mer, l’autre au Touquet. Le président du tribunal de première instance de Montreuil propose de les confier à des réfugiés présentant "les garanties nécessaires", afin d’éviter tout risque de dégradation.

Tribunal de première instance de Montreuil-sur-Mer
Cabinet du président

Montreuil-sur-Mer, le 11 novembre 1915

Le président du tribunal de Montreuil à Monsieur le préfet du Pas-de-Calais à Boulogne

Contrôle des réfugiés

En réponse à votre lettre du 5 novembre 1915, j’ai l’honneur de vous indiquer, après renseignements pris auprès des séquestres, qu’il existe dans l’arrondissement de Montreuil, deux chalets appartenant à des Allemands, qui sont susceptibles d’être éventuellement réquisitionnés pour servir au logement des réfugiés.

Pour être complet, je crois utile de vous donner pour chacun d’eux, copie de la note des séquestres ;

1. Chalets "Belle Plage" sis à Berck Plage, appartenant à la veuve Muller en usufruit, et à la dame Gadkowsky en nue propriété.
Séquestre : le receveur de l’enregistrement de Montreuil.
En temps de paix, cette propriété était destinée à la location en appartements garnis ; l’agencement et le mobilier sont spécialement conçus en vue de cet usage, pour les gens aisés qui fréquentent les stations balnéaires.
Peut-être serait-il possible d’y loger des réfugiés, bien qu’il y ait à craindre des dégradations pouvant présenter plus tard de multiples inconvénients, surtout au point de vue de la conservation du mobilier.

2. Villa "Bel Abri" à Paris-Plage, avenue Saint-Louis, appartenant au sieur Philippi Adolphe.
Séquestre : le receveur de l’enregistrement d’Étaples.
Cette villa n’a jamais été louée, mais toujours occupée par le propriétaire, elle est meublée avec luxe, les armoires et les commodes sont remplies de lingerie, de vêtements, de bibelots de tout genre.
L’autorité militaire a réquisitionné dans cet immeuble, le 12 mars 1915, un lit avec sommier, traversins et matelas ; il reste quatre lits garnis.
Il semble au séquestre, qu’une villa de cette nature ne peut être occupée que par des réfugiés offrant les garanties nécessaires.

Le président du tribunal,
Wiot

Archives départementales du Pas-de-Calais, 11 R 2155.