Dernier condamné de l'Ancien Régime à être écartelé, le régicide Damien a marqué les esprits de son temps. À cette époque, la punition donnée à ceux qui osent "toucher" le roi de droit divin est impitoyable.
Une enfance difficile
Robert François Damien est né le 9 janvier 1715 rue d’Allongeville (actuelle rue du Calvaire) à La Thieuloye, qui était alors un hameau de Monchy-Breton. Son père Pierre-Joseph Damien, simple ménager, épouse Marie-Catherine Guillemant en 1710.
À cette époque, l’Artois est traversé par les guerres, la famine et une épidémie de peste qui fait des ravages. Sa famille est pauvre et Voltaire décrira Damien comme "un gueux du pays de l’Atrébatie
".
Robert-François est le troisième des dix enfants du couple. Sa mère meurt en couches en 1729 laissant six enfants vivants.
Robert-François est placé chez un grand-oncle maternel cabaretier et marchand de grain à Béthune. Là, il apprend à lire et à écrire.
À seize ans, il est placé en apprentissage comme garçon de cuisine à l’abbaye Saint-Vaast. Plus tard, il entre comme valet de réfectoire au collège jésuite Louis-le-Grand à Paris.
C’est dans cette ville qu’il épouse en 1739 Élisabeth Molerienne, domestique elle aussi. Ensemble ils ont deux enfants, dont un fils qui meurt en bas âge.
Damien multiplie alors les emplois de domestique et côtoie les milieux privilégiés et les magistrats parisiens. Valet chez certains conseillers du Parlement de Paris, il entend récriminations et critiques parfois virulentes contre le roi.
"Toucher" le roi
En 1756, sous le pseudonyme de Flamand, il commet un vol chez l’un de ses maîtres. Le vol domestique est alors passible de la peine de mort par pendaison.
Damien fuit en Artois où il retrouve sa famille qui vit dans le dénuement. La situation en Artois au cours de cet hiver 1756-1757 est difficile. Le prix du blé s’est envolé et le peuple est misérable.
Il revient à Paris en janvier 1757 et conçoit le dessein de "toucher" le roi, pour attirer son attention et lui faire entendre la voix du peuple méprisé.
Le 5 janvier, Louis XV se rend à Versailles : Damien se fraye un chemin jusqu’au roi qui rejoint son carrosse, il écarte les gardes et lui porte un coup de couteau au côté droit.
Il justifie ainsi son geste : "Je n’ai pas eu l’intention de tuer le roi, je l’aurais tué si j’avais voulu. Je ne l’ai fait que pour que Dieu pût toucher le roi et le porter à remettre toutes choses en place et la tranquillité dans ses États
".
Le supplice
Bien que le roi n’ait été que légèrement blessé, Damien est condamné à la peine capitale pour crime de lèse-majesté et parricide. La châtiment qui lui est infligé est abominable :
Tenaillé aux mamelles, bras, cuisses et gras de jambes, sa main droite tenant en icelle le couteau dont il a commis ledit parricide brûlée de feu de soufre et sur les endroits où il sera tenaillé jeté du plomb fondu, de l’huile bouillante, de la poix-résine brûlante, de la cire et du soufre fondus ensemble, et ensuite son corps tiré et démembré à quatre chevaux et ses membres et corps consumés au feu réduits en cendres et ses cendres jetées au vent.
Le 28 mars 1757, après avoir subi le supplice de la "question", il est écartelé en place de Grève puis jeté au bûcher. Sa maison natale est détruite et son père, son épouse et sa fille sont condamnés au bannissement perpétuel avec peine de mort s’ils rentrent en France.
L’attentat de Damien et la cruauté du supplice qui lui a été infligé ont marqué les esprits de ses contemporains. On trouve, dans les Mémoires de Casanova, un témoignage sur les événements et Voltaire relate "L’attentat de Damiens sur la personne du roi" au chapitre LXVII de son Histoire du Parlement de Paris (1769).