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Visite des communes libérées… et à reconstruire

Avec le recul du front suite des offensives d'août et du début septembre 1918, les autorités françaises peuvent inspecter les communes libérées, dévastées par les bombardements et les combats. Le lundi 9 septembre, le préfet du Pas-de-Calais se rend ainsi à Arras, puis poursuit sa journée par une tournée de visites des communes récemment libérées.

M. le Préfet du Pas-de-Calais visite les communes libérées

Bien que retenu par les conseils de révision, M. Robert Leullier, préfet du Pas-de-Calais, poursuit activement la visite des localités reconquises du département.

La semaine dernière, il avait tenu à se rendre dans la partie située au nord de Béthune. De cette ville, où les alentours de la Grand'Place et du vieux beffroi ne sont plus que débris, il s'est rendu dans les communes toutes proches de la ligne de feu : à Hinges, Locon, Montbernancourt, Calonne-sur-la-Lys, Saint-Floris, Robecq, Lestrem et Saint-Venant. Partout il a constaté de nombreux sinistres.

Dans cette dernière localité, il s'est arrêté longuement à l'asile-hospice départemental où les dégâts sont importants, mais heureusement réparables.

Avant-hier lundi, il était à Arras, témoin de la recrudescence de rage impuissante, mais dévastatrice, du boche maudit. Depuis quelque temps, en effet, l'héroïque chef-lieu est redevenu le point de mire des obus allemands et de nouveaux dommages y sont constatés.

D'Arras, M. le Préfet est allé à Beaurains, Neuville-Vitasse, Mercatel, Boiry, Ervillers, Croisilles, Mory, Écoust-Saint-Mein.

Toutes ces communes sont complètement détruites ; c'est partout la pénible impression d'une dévastation sinistre et horrible. Mais, si, dans quelques-unes d'entre elles, on aperçoit encore de faibles vestiges de vie, quelques rares pans de murs branlants et quelques caves qui abritaient des nids de mitrailleuses, la vision d'anéantissement est encore plus grande à Croisilles que partout ailleurs. Ce chef-lieu de canton est peut-être de toutes les localités voisines, la plus éprouvée, celle où l'ennemi s'est complu à ne laisser qu'un désert bouleversé, qu'un spectacle inouï d'indicible désolation et de mort.

À Bapaume, M. le Préfet a revu les mêmes horreurs et cette cave béante de l'hôtel de ville où les députés Albert Tailliandier et Raoul Briquet eurent une fin si tragique.

Sa tournée s'est terminée par la visite des communes d'Haplincourt, de Bertincourt, de Ruyaulcourt. Mais arrivé au bois d'Havrincourt que nos vaillants alliés disputent à l'ennemi, il fut contraint de s'arrêter, ne pouvant pousser plus avant.

Ce fut d'ailleurs une journée bien remplie, que ce pèlerinage non sans péril, aux terres hier encore si prospères et si fécondes de l'Artois, aujourd'hui pleines de mitraille, de sang et de ruines, mais où germe déjà le levain de la VICTOIRE et des justes RÉPARATIONS.

La France du Nord, lundi 9 septembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PG 16/97.

Le constat de l'ampleur des destructions laisse augurer les défis du chantier de reconstruction qui s'annonce et reposer la question des "réparations" par l'Allemagne, tandis que les récentes réussites militaires laissent espérer une issue prochaine au conflit.

Quéant aujourd'hui

M. Lebrun, ministre du Blocus, et M. Klotz, ministre des Finances, ont déposé un projet de loi tendant à intensifier au maximum la production des matériaux ou objets nécessaires à la reconstitution des régions dévastées par la guerre, de manière à réaliser cette oeuvre formidable dans les meilleures conditions de rapidité et de prix de revient.

À cet effet, des avances pour création ou développement d'installations ou d'outillages pourront être exceptionnellement délivrées aux industriels avec lesquels le ministre chargé de la reconstitution des régions libérées, ou les organes spéciaux agissant en son nom, passent des marchés ayant pour objet la reconstitution des régions atteintes par les évènements de guerre.

Le maximum des avances consenties ou à consentir, en exécution de la présente loi, ne pourra dépasser la somme de 65 millions.

Le village de Quéant est aujourd’hui un amoncellement de briques, de gravats, de moellons. Imaginez tous les tremblements de terre, toutes les tempêtes s'acharnant pendant plusieurs années, sur un même coin. Existait-il des magasins, des maisons cossues, de pauvres masures ? La guerre a tout égalisé, tout mêlé, dans un désordre sans nom. Ce qu'il reste d'autrefois ? Deux enseignes, l'une la "Ruche", à l'entrée du village ; l'autre "Cuvellier-Delonnel, courtier et débitant", à la sortie. C'est tout.

Si l'église ne dressait pas des ruines plus hautes, des pans de murs en ogives, on ne saurait plus où elle est. Devant, les Allemands ont fait sauter la route à coups de mine. C’est un vaste cratère. Plus loin, ils l'ont barré avec une muraille de briques. Premières défenses de la ligne Hindenburg.

Il y en a d'autres, derrière l'église, autour de la crypte. On trouve, après avoir descendu une vingtaine de marches, un chemin qui communique avec les caves des maisons voisines. Partout des cartouches de mitrailleuses, de la paille et des bouteilles. Des bouteilles en grand nombre. C'est là que vivaient les défenseurs de la ligne Hindenburg.

Le Lion d'Arras, jeudi 12 septembre 1918. Archives départementales du Pas-de-Calais, PF 92/2.