Archives - Pas-de-Calais le Département
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Moulins d'hier et d'aujourd'hui

Les moulins constituent, au même titre que les châteaux, les églises ou les maisons, des éléments de notre patrimoine. Le Pas-de-Calais en a possédé plus de 1 500 au XIXe siècle. Beaucoup ont disparu du fait de la mécanisation et des guerres.

Les moulins à eau, qui ont été moins nombreux que ceux à vent dans notre département, sont actuellement les mieux préservés au long des cours d’eau comme la Canche, l’Authie, l’Aa ou la Scarpe. L’industrialisation et l’urbanisation ont fait disparaître la plupart des moulins à vent ; ceux qui subsistent sont visibles surtout dans le nord-ouest du Pas-de-Calais.

À travers l’étude des moulins, c’est toute une civilisation qui ressurgit, civilisation rythmée par les éléments naturels : l’eau et le vent. Les moulins permettent de présenter l’ensemble des activités humaines depuis le Néolithique avec les découvertes archéologiques des premières meules jusqu’au XIXe et XXe siècle, époques pour lesquelles les archives conservent le plus de traces.

Parcours : étape 1/5

Des premières mentions de moulins dans les archives à l'époque moderne

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Les moulins à eau

Ce sont les archives des abbayes qui sont les plus intéressantes sur le sujet en ce qui concerne le Moyen-Âge et l’époque moderne. Malgré  la quasi-destruction de celles-ci en 1915 et grâce aux travaux du XIXe siècle, on sait que les premiers moulins à eau sont apparus en Artois au IXe siècle : le plus ancien moulin à eau est signalé à Brebières près d’Arras en 871 et les premiers moulins à vent à la fin du XIIe siècle.

Plan colorisé sur lequel on voit des moulins.

Détail d'un plan d'une partie du village de Sainte-Catherine depuis la porte Méaulens jusqu'à l'église, avec partie de Baudimont et de Saint-Nicolas, [1594-1630]. Archives départementales du Pas-de-Calais, CPL 209.

Abbayes et seigneurs ont été les premiers à se doter de moulins. Le cartulaire de l’abbaye Saint-Vaast, édité par Van Drival, montre une concentration considérable de moulins à eau dans la banlieue d’Arras au XIe siècle.

En 1021, il y aurait eu 17 moulins. Ce nombre élevé s’explique par l’essor démographique d’Arras au moment où sa prospérité est liée à l’industrie drapante. L’abbé de Saint-Vaast, Richard, se montre alors un bon gestionnaire des intérêts de l’abbaye. Pressentant que la demande de farine va augmenter, et comme les moulins sur le Crinchon à l’intérieur d’Arras sont insuffisants, il entreprend d’abord de réorganiser les moulins voisins.

Il commence par la reconquête de ceux qui ont échappé au contrôle de l’abbaye, puis il en construit de nouveaux. Le bilan de son action a été établi en 1021 et présenté au pape Benoît VIII. Il apparaît alors que 17 moulins fonctionnent sur 5 chutes au nord d’Arras.

En 1115, une charte de Bauduin, fils du comte de Flandre, oblige tous les boulangers d’Arras à utiliser les moulins de l’abbaye. Mais, vu l’augmentation de la population, ils sont ensuite admis dans les autres moulins.

Les moulins de Saint-Vaast sont attribués aux divers services du monastère (hôtellerie, matricule, prévôté), mais forment une unité administrative. C’est le cellérier qui en a la garde, il préside aux jugements, surveille l’état des chemins d’accès, contrôle la pêche, les viviers, les prés. Les gardes des moulins lui prêtent serment. Pour protéger ses moulins, l’abbé Richard décide que personne n’aurait le droit de les vendre, de les modifier ou de les utiliser à ses fins propres.

D’autres moulins apparaissent au fil des archives sur la Haute-Scarpe et ses deux affluents :

  • à Athies en 1164,
  • à Duisans, deux moulins sont signalés au IXe siècle,
  • à Maroeuil, un moulin au Xe siècle avec mention de dîmes de quatre autres moulins,
  • à Fampoux, un moulin en 1170 (appartenant au chapitre d’Arras), un autre en 1276 (au comte d’Artois).
Dessin monochrome montrant un moulin.

Le moulin d'Acq, s.d. Archives départementales du Pas-de-Calais, 7 FID 1226.

Ainsi, la Haute-Scarpe connaît un équipement presque maximum en moulins à eau dès le XIe siècle ; mais leur nombre et leur emplacement varieront au cours des siècles, certains d’entre eux disparaîtront avec la canalisation du cours d’eau, d’autres seront détruits par les guerres, de nouveaux seront construits sur le Gy et le Crinchon, mais tous seront victimes du manque de force hydraulique. Dès le XIIe siècle, ce manque d’eau se fait sentir et le cens annuel doit être fixé en 1187 en fonction de la masse d’eau disponible.

Comme l’abbaye Saint-Vaast d’Arras, l’abbaye Saint-Bertin de Saint-Omer a très tôt fait construire des moulins dans la vallée de l’Aa. Au XVIIIe siècle, les moines possédaient encore 11 moulins : 2 à Saint-Omer, 2 à Arques, 4 à Blendecques, 2 à Wizernes, 1 à Ledinghem.

Les moulins à vent

En ce qui concerne les moulins à vent, plus tardifs, les renseignements sont davantage fragmentaires. On en mentionne 21 autour de Saint-Omer en 1251. Le plus ancien autour d’Arras semble être celui du Caumont à Achicourt, signalé en 1361.

En fait, les premiers moulins à vent, apparus en Normandie à la fin du XIIe siècle, ont ensuite fait la conquête de la Picardie, de la Flandre et de l’Artois au début du XIIIe siècle. À cette époque, la plupart des moulins sont érigés à l’initiative des seigneurs et des abbayes. Ces dernières, comme l’abbaye Saint-Vaast, défendent jalousement leurs prérogatives.

Ainsi, en 1284, Eustache, chevalier, sire de Neuville, se disposant à construire une moulin à vent entre le Grand Val et le Petit Val (limites d’Achicourt et de Beaurains), en est empêché par les religieux de Saint-Vaast :

Qui monstrent par anciens escrits qu’ils ont tel frankise et tel seigneurie que nul ne puet novel molin establir dedans la banlieue d’Arras.

Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 H 406.

L'époque moderne

Il faut attendre  les registres d’imposition de 1569 et 1760 pour pouvoir établir les premières listes de moulins comportant le nom du propriétaire et leur emplacement. Mais ces sources sont incomplètes, soit que certains registres aient été perdus, soit que leurs rédacteurs se fussent trompés. Les chiffres avancés ci-après constitueront donc une évaluation minimum.

Pour les environs d’Arras, les registres des centièmes de 1569 donnent un nombre de 15 moulins (10 à eau, 5 à vent) pour 33 paroisses, mais les informations manquent pour plusieurs d’entre-elles. Les vingtièmes de 1759 nous montrent une augmentation sensible de ce nombre qui passe à 40 moulins, dont 23 à eau et 17 à vent. Le XVIIIe siècle marque la renaissance des moulins après les destructions des guerres du siècle précédent.

Le questionnaire de 1790

Il constitue la première enquête générale concernant les moulins du Pas-de-Calais. Ce questionnaire, envoyé en 1790 par le directoire du département aux municipalités, comprend 60 questions. Parmi celles-ci, la question 18 a trait aux moulins.

Elle demande aux maires l’état des moulins à vent ou à l’eau qui sont sur votre territoire, avec indication de leur état, de leur utilité et du nom des propriétaires .

Plan colorisé sur lequel on voit des moulins.

Dîmages d'Hamelincourt et de Moyennville. Détail du plan, 1764. Archives départementales du Pas-de-Calais, CPL 233/1.

Les réponses, bien qu’incomplètes (l’utilité des moulins est rarement mentionnée), permettent de dresser un état des moulins à la fin du XVIIIe siècle. Mais souvent l’aspect laconique des réponses est décevant : quelquefois le maire indique seulement que les moulins sont en bon état .

Pour certaines communes, surtout dans le district de Montreuil, les réponses au questionnaire ont été perdues. Heureusement, on peut faire appel à la statistique comparative 1789-an IX qui fait aussi référence aux moulins. La question 17 du questionnaire sur les rivières est parfois utilisable à propos des moulins à eau puisque leur retenue provoque souvent des inondations.

Malgré ses limites, le questionnaire de 1790 nous fournit des réponses pour 90% du département. Le nombre de moulins atteint alors le chiffre de 883 dont 536 à 347 à eau.

Là où une étude locale a été réalisée, on remarque que la progression a été importante dans certaines parties du département depuis 1760. Ainsi, dans le secteur d’Arras, on est passé de 15 moulins à 70. Cette augmentation s’explique par plusieurs raisons : le rachat progressif, puis la disparition de la banalité, l’augmentation de la population, enfin, le développement de la culture des oléagineux.

Si l’on calcule le nombre de moulins par habitant, c’est Beaurains qui vient en tête avec un moulin pour 38, devant Blendecques (1 pour 65), Achicourt (1 pour 78) et Saint-Nicolas (1 pour 87).

En juillet 1794, au moment où la France en guerre connaît des difficultés frumentaires, une autre enquête, dite de l’an II, a été menée auprès des municipalités à propos des moulins, mais on n’a conservé que les enquêtes des districts de Boulogne et de Montreuil.

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