Archives - Pas-de-Calais le Département
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Moulins d'hier et d'aujourd'hui

Les moulins constituent, au même titre que les châteaux, les églises ou les maisons, des éléments de notre patrimoine. Le Pas-de-Calais en a possédé plus de 1 500 au XIXe siècle. Beaucoup ont disparu du fait de la mécanisation et des guerres.

Les moulins à eau, qui ont été moins nombreux que ceux à vent dans notre département, sont actuellement les mieux préservés au long des cours d’eau comme la Canche, l’Authie, l’Aa ou la Scarpe. L’industrialisation et l’urbanisation ont fait disparaître la plupart des moulins à vent ; ceux qui subsistent sont visibles surtout dans le nord-ouest du Pas-de-Calais.

À travers l’étude des moulins, c’est toute une civilisation qui ressurgit, civilisation rythmée par les éléments naturels : l’eau et le vent. Les moulins permettent de présenter l’ensemble des activités humaines depuis le Néolithique avec les découvertes archéologiques des premières meules jusqu’au XIXe et XXe siècle, époques pour lesquelles les archives conservent le plus de traces.

Parcours : étape 3/5

Le moulin au fer blanc de Blendecques

Située sur l’Aa, la commune de Blendecques a possédé de nombreux moulins à eau. En 1790, on en dénombrait quinze :

  • 7 à usage de "moudre grains" appartenant à MM. Albert-Guillaume Legrand, négociant à Saint-Omer ; Dupuis, cultivateur à Enguinegatte ; Charles-Phil. Martel, cultivateur à Blendecques ; Charles Cousin et frère, cultivateurs à Blendecques ; les dames religieuses de l’abbaye de Sainte-Colombe de Blendecques ; les religieux de la communauté de Clairmarais ;
  • 3 à "battre l’huile l’hiver" et "à fabriquer du papier gris l’été", appartenant à MM. Albert-Guillaume Legrand, négociant à Saint-Omer ; Harache, négociant à Saint-Omer ; Charles-Philippe Martel, cultivateur à Blendecques ;
  • 3 à "fouler étoffes", appartenant à MM. les religieux de la communauté de Clairmarais ; aux religieux de l’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Omer ; à M. Depestre, manufacturier à Saint-Omer ;
  • 2 à usage "de fabriquer du papier blanc et autres" appartenant à M. Boubert, ancien officier des Cent-Suisses.

Un superbe édifice bâti au milieu de la rivière, formant un moulin qui servait à fabriquer du fer blanc a été abandonné par la faillite du propriétaire. M. de Calonne, ex-ministre des finances, s’en est emparé et le laisse à l’inaction. Il seroit bien à souhaiter que MM. les administrateurs du département s’occupassent des moyens de remettre ce chef-d’œuvre de l’art en activité, il pourroit s’adapter à différens genres de manufactures.

"Villes et villages du Pas-de-Calais en 1790. 60 questions et leurs réponses", dans les Mémoires de la Commission départementale d’histoire et d’archéologie du Pas-de-Calais, tome 28 (arrondissement de Saint-Omer). 

Document manuscrit retranscrit ci-contre.

Estimation du moulin de Blendecques, an III. Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1900.

C’est ce dernier moulin, qui n’a eu qu’une brève période d’activité, que nous présentons ici. Il est né de la nécessité de produire des plaques de cuivre pour doubler les bateaux de guerre. Il n’a fabriqué du métal qu’entre 1781 et 1783, et entre 1797 et 1804.

C’est en 1777 que trois associés, Labenne, Allart et Delequellerie rachètent un des moulins à eau de Blendecques qui fabriquait de l’huile et foulait les peaux. Ils le transforment en manufacture métallurgique. Très rapidement, des problèmes de voisinage avec les autres meuniers les obligent à vendre.

Une nouvelle association réunit Torris, Wante et Delequellerie, mais participant aussi aux risques de la guerre de course, ils font faillite en 1784. L’usine est mise en vente, Calonne, ministre de Louis XVI, propose d’abord au roi son rachat et finalement la reprend pour son propre compte en 1786. Mais la manufacture demeure fermée. Au début de la Révolution, Calonne émigre.

En l’an II, un rapport rédigé par Castiau et Dey conclut à la nécessité de sa réouverture. La France en guerre a besoin de plaques de cuivre pour sa marine. Finalement, ce sont Gonsse et Powell qui s’en portent acquéreurs.

Rapidement leur mésentente entraîne la location de l’usine à des Belges puis à Guy Lajumelière. La fabrication de fer blanc reprend jusqu’en 1804. Mais, des difficultés financières et l’absence de soutien de Bonaparte entraînent la liquidation de la manufacture en 1808. Le moulin est vendu en 1810.

Cette liquidation n’a pas entraîné la démolition immédiate du moulin. Il a de nouveau fabriqué de l’huile et du papier. En 1813, il a été transformé en moulin à fouler les draps. En 1845, on y a installé une filature de laine et une fabrique de papier. Il demeurera une papeterie (entreprise Avot) jusqu’en 1876. Transformé ensuite en habitation, il sera malheureusement démoli en 1925 alors qu’il constituait un magnifique bâtiment.

Transcription du document

Procès-verbal de consistance et estimation de biens confisqués sur les émigrés. Alexandre de Calonne ex-contrôlleur général cy-devant domicilié à Paris et Marie-Joseph Sandelin veuve de Pierre Sandelin ex-comtesse de Fruges cy-devant domiciliée à Saint-Omer

L’an troisième de la République française une et indivisible le 19ième jour du mois ventôse et jours suivants […] nous Joseph Winocq Picquart ancien cultivateur et Pierre-Charles-Louis-Raulin Garnier arpenteur commissaires experts […], nous sommes transportés accompagnés des officiers municipaux de la commune de Blendecques par nous requis à cet effet sur les biens nationnaux situées sur le territoire de laditte commune et cy-après désignés savoir :

Art. 1. Trois mesures trente verges de manoir compris les eaux amazé de bâtimens et d’un moulin et manufacture à usage de fabriquer la tôle construit sur la rivière d’Aa […].

Art. 2. Six mesures de terre à usage de manoir, patures, prés et jardin légumier amazé d’un ci-devant château actuellement à usage de ferme.

Art. 3. Et finallement seize mesures de terres à usage de pature et partie à usage de la bour […].

Lesquels biens proviennent savoir l’article premier qui n’est pas occupé avec les bâtiments moulin et manufacture qui y sont construits de l’émigré Alexandre de Calonne […] et les articles deux et trois […] de l’émigrée Marie-Josèphe Sandelin […].

Lesdits biens sont composés des objets cy-après désignés :

Art. 1. Trois mesures trente verges de manoir et jardin compris les eaux […] entourées de fossés et d’hayes vives amazé de deux corps de bâtiments et d’un moulin et manufacture à usage de fabriquer la tôle construit sur la rivière d’Aa.

Les bâtiments qui existent sur ledit bien consiste :

  • Dans le bâtiment formant ledit moulin et manufacture, construit à neuf sur la rivière d’Aa, bâti en briques et pierres de taille pour les fondations et couvert en ardoise d’Angleterre de première qualité, composé au rez-de-chaussée d’une entrée, emplacement de l’escalier, fourneaux et l’emplacement où se trouvent les pièces qui servent à faire manœuvrer ledit moulin et d’un étage au-dessus composé de plusieurs places formant différens laboratoires et d’un grenier au-dessus ; ledit bâtiment, sauf quelques légères réparations à y faire est en très bon état ; l’escalier qui conduit à l’étage est d’une structure rare, il est commode et forme un double [e]scargot, au moyen de quoi les ouvriers peuvent parvenir aux différents laboratoires sans se croiser.

    L’on communique à ladite manufacture par un pont de bois de chêne garni de garde-foux établi sur ladite rivière […].

  • Un autre corps de bâtiment à l’orient construit en briques et paillotis et couvert en panne composé de plusieurs places basses et grenier au-dessus, ce bâtiment où se trouvent plusieurs forges est en bon état et sert actuellement de demeure au concierge dudit lieu.
  • Un autre corps de bâtiment à l’occident servant d’habitation […].

L’entrée de ladite manufacture est belle et commode, elle est en bon état et est composée de deux pilastres en pierres blanches et d’un mur en briques formant un demi-cercle […].

Lesdits biens sont agréablement situés et traversés par la rivière d’Aa dont les eaux sont abondantes et d’une bonne qualité, ledit moulin et manufacture est un des plus beaux établissements qui existe, il est d’ailleurs susceptible de toutes espèces d’amélioration, il est à une lieue de distance de Saint-Omer et du canal de Saint-Omer à Aire, à quatre lieues d’Aire et à neuf lieues de Dunkerque et de Calais, le grand chemin qui y conduit venant de Saint-Omer est en bon état au moyen de quoi il est facile d’y faire transporter à peu de frais tous les objets qui y sont nécessaires […].

Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 Q 1900.