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Décès de Jacques Alleman, protagoniste de la reconstruction art déco de Béthune

François-Jacques-Lausus-Marie Alleman est un architecte français, né à Bordeaux le 12 septembre 1882. Il est notamment l'un des acteurs de la reconstruction d'après-guerre de Béthune, et plus particulièrement de la Grand'Place et de l'hôtel de ville, chefs-d'œuvre d'art déco aujourd'hui classés monuments historiques.

Personnalités familiales

Il grandit place de la Bourse à Bordeaux, où son père François Alleman tient un commerce de bouchons pour les négociants en vin des quais des Chartrons. Il est le petit-neveu du folkloriste Jean-François Bladé (1827-1900), renommé pour sa collecte des traditions orales de Gascogne.

Sa sœur, Jeanne-Marie-Bernarde Alleman (1885-1938), écrivain connu sous le pseudonyme de Jean Balde (en hommage à son grand-oncle), est une proche de la famille de François Mauriac, et est notamment récompensée en 1928 par le grand prix du roman de l’Académie française pour Reine d’Arbieux.

Architecte béthunois de la reconstruction

Jacques Alleman fait ses études à l’école des Beaux-arts de Paris (atelier Pascal) jusqu’en 1909, puis s’installe à Lausanne. Pendant la Grande Guerre, il combat, avec le 418e régiment d’infanterie, sur les champs de bataille de l’Artois, de Verdun, de la Somme et de l’Aisne. Démobilisé le 4 mars 1919, il est décoré de la croix de guerre, de la médaille de la victoire et de la médaille commémorative.

Il ouvre alors un cabinet à Béthune, entre autres avec Léon Guthmann et Marcel Gillon (décembre 1919) ; il se marie peu après avec Marie-Joséphine-Germaine Lafon, originaire de Saint-Puy (Gers).

Photographie noir et blanc montrant les façades de quelques maisons situées sur une place pavée en travaux. Devant une maison est dressé un échafaudage sur lesquel deux ouvriers s'activent. Les façades sont ornées de bas-reliefs et frontons en forme de visages, soleils et bouquets.

François Singier (1886-1954), Béthune. Maisons n° 2 à 8, Grand’Place, en cours d’achèvement, tirage photographique, vers 1926. Exemplaire signé par Jacques Alleman. Archives départementales du Pas-de-Calais, 6 Fi C 730.

C’est sous la direction de la commission d’esthétique communale, présidée par Louis-Marie Cordonnier, que Jacques Alleman participe à la reconstruction de la ville de Béthune, dont le centre ville a été sinistré à 90 %.

Conformément aux prescriptions de la loi Cornudet pour les communes de plus de 10 000 habitants (14 mars 1919), un plan d’aménagement et d’embellissement a été établi par l’architecte en chef des régions libérées Maurice Mulard. La Grand’ Place (place du Maréchal Pétain jusqu’en 1944) fait, de toute évidence, l’objet d’une sollicitude toute particulière : au cœur, trône seul un beffroi du XIIIe siècle, et aux abords restent encore debout quelques vestiges d’anciennes maisons flamandes du Moyen Âge et de la Renaissance.

La Grand'Place et l'hôtel de ville de Béthune

Jacques Alleman se voit confier le plan d’ensemble de la place et de ses abords. Il la conçoit comme un théâtre de plein air : l’hôtel de ville et les maisons particulières qui l’entourent doivent former un décor à la fois pittoresque et régional.

Il accorde une importance particulière aux balcons et aux pignons "flamands" de grande hauteur pour compenser l’étroitesse des parcelles, créant de la sorte une harmonie architecturale que la place ne connaissait pas avant la guerre. Architecte doué pour le dessin, il envisage des bow-windows et des agrafes de balcons spectaculaires, intègre un décor baroque aux façades et apporte un soin particulier aux ferronneries et à leur motif, pense instantanément aux effets d’éclairage…

Après avoir rejeté le projet de Louis-Marie Cordonnier pour la reconstruction de l’hôtel de ville, au centre de la place et autour du beffroi, la municipalité lance en 1926 un concours, qui réunit onze candidats ; elle retient Jacques Alleman, bien que celui-ci ne l’ait pas gagné, mais le contraint à lui remettre un rapport d’esthétique préparatoire et, après maintes controverses, décide de réutiliser le terrain que la mairie occupait déjà avant la guerre. Placé au centre d’un parcellaire exigu, le nouvel hôtel de ville ne peut s’étendre que sur une largeur de 15 mètres et sur 30 mètres en profondeur.

Jacques Alleman adapte les mêmes solutions architecturales que pour le reste de la place. Sur la façade, entourant les armes de la ville, il décide d’apposer les décorations de la légion d’honneur et de la croix de guerre, remise par le président Raymond Poincaré le 28 décembre 1919 en hommage aux sacrifices consentis par cette ville martyre.

L’inauguration a lieu le 7 avril 1929 : le maire, Alexandre Ponnelle, très enthousiaste sur la renaissance de la cité, évoque avec fierté un édifice à l’allure grande et belle […] ; de l’avis des connaisseurs, Monsieur Alleman donne à la ville un monument dont il peut être fier […] . L’hôtel de ville est classé monument historique depuis avril 2002, tout comme sont inscrites certaines façades de la Grand’ Place parfaitement représentatives du style art déco.

Monuments commémoratifs

Jacques Alleman est aussi l’auteur de nombreux monuments commémoratifs de la Grande Guerre, notamment ceux de Lille où il s’est installé en 1931, afin de participer activement au programme des grands travaux lancé par Roger Salengro. Le monument aux morts adossé aux restes du Palais Rihour, ainsi que l’Institut Diderot (bâtiment devenu de nos jours le lycée Baggio), font partie de ses œuvres majeures, bâtiments et créations qu’il estampille d’un symbole ésotérique, décoration inspirée semble-t-il de la franc-maçonnerie à laquelle il est lié.

Durant la Seconde Guerre mondiale, Jacques Alleman part se réfugier à Bordeaux. En 1945, il regagne Auchel, où il s’est fixé, mais meurt à l’hôpital Saint-Sauveur de Lille le 31 octobre de la même année.