Archives - Pas-de-Calais le Département
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12 juillet 1914

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13 juillet 1914

Les fêtes d'aviation de Saint-Omer

Les démonstrations et fêtes d’aviation sont particulièrement appréciées dans l’immédiat avant-guerre, a fortiori à partir des premières tentatives de voltige aérienne, tel le "looping the loop" (bouclage de boucle, où le pilote se retrouve momentanément sur le dos), réalisé en septembre 1913 par le Français Alphonse Pégoud. Des tournées sont dès lors organisées dans toute l’Europe, avec plusieurs des 58 "voltigeurs" (dont 28 Français) recensés : se retrouvent ainsi à Saint-Omer, Jean Montmain (1888-tué en combat aérien, 1915), qui sillonne la Suisse entre février et avril 1914, André Simon (1895-tué dans un accident en service commandé, 1916) ou le chef pilote de l’école d’aviation des frères Borel à Mourmelon, Peeters.

Fêtes d'aviation des 12 et 13 juillet à Saint-Omer

De grandes fêtes d’aviation auront lieu dimanche 12 et lundi 13 juillet à Saint-Omer, au centre de la ville, cette fois, c’est-à-dire sur le champ de manœuvres de l’Esplanade.
D’après le programme qui nous est communiqué, cette manifestation sportive s’annonce comme très intéressante.

Trois pilotes, de la grande lignée des illustres, lui prêtent en effet leur concours assuré. Toute la haute école aérienne sera exécutée : looping the loop, vols tête en bas, etc., bref les exercices vertigineux habituels de ces pilotes, exercices qui, notons le, n’ont pas encore été vus dans notre ville.

Il est donc à souhaiter que cette fête réussisse complètement et, d’avance, on peut assurer que rien ne pourra empêcher son succès car le mauvais temps si redouté autrefois, n’est plus aujourd’hui un empêchement.
On vole par tous les temps, et si le vent voulait troubler la fête, il trouverait dans le courage de nos aviateurs un émule dont il ne saurait être vainqueur.

Voici quelques notes sur les trois pilotes engagés :

Montmain

Chef pilote de l’École Morane ; a exécuté le looping et le cercle de la mort cette année à Genève, Zurich, Bâle, Mulhouse et en dernier lieu à la Chaux-de-Fonds où il fit une chute terrible de 500 mètres de hauteur, le gouvernail de direction ayant cassé.
Par un hasard heureux, il s’est tiré indemne de cet accident, et a recommencé avec autant d’entrain ses périlleux exercices.

A. Simon

Un des jeunes, mais qui avant peu sera sur la grande ligne des illustres. Élève de Chanteloup, a pris de son maître l’exemple de sang-froid et de courage. Acrobate accompli, il tourne son biplan Caudron comme une simple boîte de cigare, il boucle en tous les sens avec une maestria impressionnante.
Que de cris de joie et d’épouvante il arrachera aux spectateurs !

Peeters

Chef pilote à l’École Borel, un des premiers aviateurs. Brevet 63, a fourni 63 élèves tant militaires que civils. A fait beaucoup de passagers. Sa sûreté de main et son sang-froid assurent aux amateurs d’émotions nouvelles, la plus grande sécurité.

Le Mémorial artésien, jeudi 9 juillet 1914

Les fêtes d'aviation

Tous nos concitoyens, sans compter les autres spectateurs, ayant pu contempler à loisir aussi bien que nous, soit aux différentes places de l’enceinte clôturée, soit de l’extérieur et de tous les points de Saint-Omer, sans bourse délier, les impressionnants exercices d’aviation qui se sont déroulés ces deux jours-ci dans notre ciel, nous ne nous étendrons pas outre mesure sur la description de ces merveilleuses évolutions.
Elles sont encore trop "dans l’œil" de nos lecteurs pour qu’il soit besoin d’en parler longuement.

Nous n’avons qu’un regret c’est que, comme public payant et par conséquent comme recettes pour les organisateurs qui n’avaient rien négligé pour assurer le succès dont les efforts auraient mérité d’être mieux récompensés, les fêtes de dimanche et lundi n’ont pas aussi complètement répondu à leurs espérances qu’ils l’auraient désiré. Cela tient à plusieurs causes qu’il est facile d’élucider.
Et d’abord malgré toutes les cordes, clôtures et toiles du monde, il est impossible de dérober un spectacle d’aviation qui se passe surtout en l’air, à la vue d’un certain public bien décidé à ne pas payer, ne fut-ce que quelques sous, et ne comprenant pas qu’avec cette parcimonie égoïste, on finira par rendre tout meeting d’aviation impossible.

Bast ! se dit Populo, qu’est-ce qu’ils voient plus que moi les payants ? le départ et l’atterrissage ? la belle affaire ! le principal c’est de voir les aviateurs se grouiller en l’air, aller, venir, tourner dans tous les sens et faire ce fameux saut périlleux le "cumulet" quoi ! à des centaines de mètres de hauteur. Eh bien tout ça, je l’ai pour rien !
Eh bien ! vous avez tort, Populo, car au lieu de tenir ce raisonnement trop pratique, vous devriez contribuer avec votre modeste quote-part aux frais de telles fêtes instructives autant qu’intéressantes et ces frais, les organisateurs ne les ont pas pour rien.

D’autre part le "pont" du 14 juillet et les nombreux trains de plaisir avaient permis à beaucoup d’Audomarois d’aller soit à Paris, soit à la mer, soit en Angleterre excursionner pendant quelques jours et oublier le labeur quotidien ; enfin les ducasses des environs et jusqu’à l’orage qui éclata dimanche à deux heures de l’après-midi, furent encore autant de raisons qui contribuèrent à éloigner les uns de Saint Omer et à retenir les autres chez eux.

Enfin les aviateurs eux-mêmes ont été contrariés dans leurs projets et n’ont rempli qu’une partie du programme.
Le lundi matin, Montmain avait effectué un très beau vol sur la ville puis était allé se poser au plateau des Bruyères mais, à partir de ce moment son moteur se montra récalcitrant. Il en fut de même de celui de Peeters qui, ayant été changé récemment n’était pas approprié, paraît-il, comme force, au reste de l’appareil avec lequel il ne put jamais s’accorder.
C’est ce défaut d’accord qui amena les déceptions du public mais il y eut de belles et larges compensations grâce à l’énergie et au courage de l’aviateur Simon à qui nous devons tous les vols magnifiques et savants qui furent exécutés avec la plus grande maestria on ne peut dire "sous" mais au-dessus de nos yeux émerveillés.

Ne pouvant entrer, nous l’avons dit, dans le détail et décrire ce que tout le monde a vu, nous signalerons seulement un fait curieux et amusant. Le dernier vol si réussi de Simon comprenant plusieurs virages étonnants et une série de boucles émouvantes, fut très bien aperçu des typographes du Mémorial à qui il semblait que l’aimable aviateur eût voulu donner un aperçu de son savoir faire et de sa virtuosité en venant évoluer à un moment donné juste au dessus du vitrage de notre atelier.

Et de l’avoir vu si bien sans se déranger de leur travail, cela fit dire à l’un de nos "prisonniers" : À la bonne ! ça nous redonne du courage à l’ouvrage .

À nos compliments bien sincères au généreux et infatigable Simon à qui chacun faisait fête et qui reçut les vives félicitations des autorités et de personnages compétents en aviation, ne terminons pas sans joindre une mention pour la Musique communale et pour la musique du 8e de ligne qui prêtèrent respectivement aux réunions de dimanche et de lundi un concours aussi dévoué qu’apprécié, trompant par de jolis airs bien interprétés, la longueur interminable des "entr’actes".

Le Mémorial artésien, mardi 14 et mercredi 15 juillet 1914