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La bande à Pollet

Parmi toutes les grandes affaires criminelles de notre région, la "bande Pollet" est une de celles dont on a le plus parlé, bien au-delà des limites du Pas-de-Calais. En ce début de vingtième siècle, il règne en France un climat d’insécurité grandissant, largement mis en avant par la presse nationale qui pointe du doigt l’impuissance des forces policières (les apaches sévissent à Paris, les "chauffeurs de la Drôme" terrorisent les campagnes, etc.). L’impunité de nombreux crimes et la longévité de carrière des criminels démontrent l’incapacité de l’État à leur opposer des forces de sécurité en nombre et compétences suffisants.

De 1904 à 1906, le nombre important des délits commis par les bandits du Nord menés par Abel Pollet alimente encore plus la plume des journalistes (on recense plus d’une centaine de vols). Acculé, l’État crée en 1907 les "brigades du Tigre" (en référence au surnom donné à Clémenceau) ou brigades régionales de police mobile.

Les faits

Plan manuscrit et annoté de la maison et des terres des époux Lenglemetz.

Croquis de la maison des époux Lenglemetz, scène du crime commis dans la nuit du 16 au 17 août 1905. Archives départementales du Pas-de-Calais, 2 U 168, dossier 181.

Le point de départ de cette affaire médiatique est somme toute assez banal ; fin 1904, dans la région de Béthune, de menus larcins (pour la plupart alimentaires) se propagent dans des fermes isolées.

Les vols sont commis de nuit, alors que les propriétaires dorment à l’étage. Peu à peu, l’audace et l’appétit des malfaiteurs prennent de l’ampleur.

Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1905, tout bascule. À Calonne-sur-la-Lys, Monsieur Deron, un cultivateur de 78 ans, surprend des cambrioleurs introduits chez lui. Ces derniers le rouent de coups et s’enfuient, le laissant pour mort. Le vieil homme survit miraculeusement.

Désormais, les truands ne sont plus de simples voleurs, ils ont du sang sur les mains.

Le 16 août, un mois plus tard, ils s’en prennent aux Lenglemetz, un couple âgé de cabaretiers de Locon. Le mari succombera à ses blessures. Le 2 janvier 1906, un autre couple âgé est agressé à son domicile, en Belgique cette fois.

Il n’en faut pas davantage pour terroriser la région ; la nuit tombée, chacun se barricade chez soi, surtout dans les fermes isolées. La police piétine malgré l’abondance de scènes de crimes. Partout, elle se heurte à un silence farouche, monnaie courante dans les campagnes.

Les embuscades continuent à se multiplier jusqu’au 20 janvier 1906 et au massacre d’une famille entière. Cette nuit-là, une ferme de Violaines relativement aisée est prise pour cible. C’est là que dorment Henri Lecocq, sa femme et leur fille Euphrosine, âgée de 55 ans. Tous les trois sont sauvagement assassinés et la maison fouillée de fond en comble. La violence dont a fait preuve la bande cette fois-ci pousse les autorités à redoubler d’efforts pour les arrêter.

Les auteurs

Texte dactylographié où on lit "Tribunal de Béthune, cabinet du Juge d'Instruction. Note. Très important. Assassinat de Violaines. Un assassinat, suivi de vol, a été commis à Violaines (Pas-de-Calais), dans la nuit du 19 au 20 janvier 1906, sur trois personnes : les époux Lecocq et leur fille. Les malfaiteurs ont emporté les objets et valeurs énumérés ci-après : 1. Une montre de dame en or, ancienne, avec chiffres romains de très grande dimension sur le cadran. Cette montre est à clef de grosseur n°9, elle est accompagnée d'une chaîne d'or très fine. 2. Une montre de dame en or, à clef, de grosseur n°11, elle est munie d'un cordon noir. 3. Une broche carrée formée d'une pierre violette, sertie en or. 4. Une broche en or, ronde, du diamètre d'une pièce de 2 francs. 5. Un camée ovale, représentant une tête de femme, tous en or côtelé. 6. Une médaille en vermeil avec bélière, portant sur une de ses faces l'inscription : Prix Augustin Grenier. 7. Un certain nombre de pièces d'or, d'un millésime antérieur à 1847. 7 bis. Une pièce de 100 francs et une autre de 40 francs (millésime inconnu). 8. Un certain nombre d'anciens écus de six livres en argent. 9. Un parapluie brun avec manche en buffle gris, monture très ancienne à baleines. 10. Un autre parapluie à manche jaune verni avec pomme en métal blanc. 11. Plusieurs billets de 1000 francs de la Banque de France. Prière de prévenir les Changeurs, Bijoutiers, Horlogers, Marchands d'Antiquités, etc., de faire faire toutes recherches utiles, d'interroger tous individus suspects et, en cas d'arrestation, d'aviser télégraphiquement le Juge d'Instruction soussigné. Béthune, le 30 Janvier 1906. Le Juge d'Instruction, L. Boudry. Avis importants : 1. Un des malfaiteurs semble avoir un pied droit difforme, long de 20 centimètres environ et large de 12 à la base des orteils (des renseignements complémentaires à cet égard seront, si possible, communiqués ultérieurement). 2. La famille des victimes s'engage à payer : une prime de 250 francs à toute personne qui aura fourni des indications ayant amené l'arrestation des malfaiteurs et une prime d'égale valeur à l'agent de la force publique qui mettra ceux-ci en état d'arrestation".

Note du juge d’instruction Boudry adressée au procureur de la République, 30 janvier 1906. Archives départementales du Pas-de-Calais, 2 U 172.

La famille des victimes promet une récompense à qui fournira toute information menant à l’arrestation des auteurs du triple homicide, ce qui va avoir pour conséquence de délier les langues. Le 30 avril, un certain Auguste Platteel se présente à la gendarmerie ; il prétend savoir qui a commis le crime de Violaines. Il affirme qu’en visite chez sa sœur Julienne Platteel, épouse Pollet, il a entendu cette dernière raconter à son autre sœur les forfaits de son époux, Abel Pollet, un journalier de 32 ans marginal originaire d’Hazebrouck, bien connu des services de police pour vols et violences. Mais, toujours selon Auguste Platteel, l’homme n’a pas agi seul, il était cette nuit-là accompagné de son frère, Auguste Pollet, et d’un troisième homme, Canut Vromant.

Du 3 au 4 mai 1906, la police procède à une dizaine d’arrestations, dont celles des frères Pollet. Ce que découvrent alors les policiers dépasse leurs espérances. Non content d’avouer le crime de Violaines, Abel Pollet revendique quatre assassinats et quelques 700 vols commis dans le nord de la France et en Belgique, exagérant sans doute le nombre de ses méfaits.

L’homme s’enorgueillit d’être le "roi des voleurs" et d’avoir toujours volé ; mais c’est un séjour à la prison de Loos-lès-Lille de 1901 à 1904 et la fréquentation des gros bonnets de la criminalité qui le poussent à passer à la vitesse supérieure une fois sorti. C’est là qu’il s’adjoint les services de son frère Auguste, plus âgé que lui, mais faible et influençable. Les deux hommes se font engager dans des fermes pour effectuer des repérages. Au gré de leurs déambulations dans la région, ils recrutent des hommes de main occasionnels ou réguliers pour les seconder dans leurs casses. Lors de leur procès, vingt-cinq autres complices se tiendront à leurs côtés sur le banc des accusés.

Le procès

Sur ces vingt-sept prévenus, cinq sont acquittés et dix-huit condamnés à des peines allant de trois à sept ans de prison. Après quinze mois d’instruction, la "bande Pollet", comme les surnomme la presse locale et nationale, est jugée pour quatre assassinats, sept tentatives d’assassinat et 114 tentatives de vols ou vols effectifs, accompagnés de menaces et de violences. Le procès s’ouvre le 16 juin 1908 et dure onze jours. Sans surprise, les frères Pollet et leurs deux principaux complices, Canut Vromant et Théophile Deroo (un ancien compagnon de cellule), sont condamnés à la peine de mort.

Montage de quatre photographies noir et blanc des bustes d'Abel et Auguste Pollet, Canut Vromant et Théophile Deroo.

Photographies prises lors de l’arrestation des principaux meneurs de la bande Pollet, jointes au dossier de renseignements. Archives départementales du Pas-de-Calais, 2 U 175.

Ils sont guillotinés le 11 janvier 1909 devant la prison de Béthune. Près de 10 000 personnes sont venues assister au dénouement de cette affaire qui a fait grand bruit, puisqu’elle intervient en plein débat sur l’abolition de la peine de mort.

En 2010, lors d’une vente aux enchères, le musée la Piscine de Roubaix s’est porté acquéreur d’un moulage mortuaire de la tête d’Abel Pollet. Ses origines restent mystérieuses car si les moulages mortuaires sont fréquents au XIXe siècle, ils sont remplacés au XXe siècle par la photographie. Des tirages ou dessins des quatre têtes guillotinées s’étalaient d’ailleurs sur la une de tous les journaux le lendemain de l’exécution. Les critères de la censure ont bien changé !

Pour aller plus loin

  • Dossiers de procédures, audience du 16 au 26 juin 1908, affaire Pollet et autres. Archives départementales du Pas-de-Calais, 2 U 164 à 177.
  • M. DE KASTRE, "Sur les traces sanglantes de la bande Pollet", Plein nord, avril 1989. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 361/16.
  • P. GOSSELIN "L’affaire Pollet racontée par l’Écho de la Lys. L'information sur les affaires criminelles au début du XXe siècle. Les relations de la politique avec l'information au début du XXe siècle", Chroniques villageoises, association locale pour l’histoire de l’Artois, avril 1993. Archives départementales du Pas-de-Calais, PC 1003/1.
  • B. SCHAEFFER, Les grandes affaires criminelles du Pas-de-Calais, éditions de Borée, 2008. Archives départementales du Pas-de-Calais, BHB 7331.

Commentaires (8)

borie dominique

Merci bcp de l'article sur la censure (mars 2016.) Cela m'a permis de faire des recherches sur "la bande à Pollet". Il est à remarquer que les vols portaient au départ sur des denrées alimentaires... Ce qui implicitement montre qu'au départ, ces trois hommes devaient être dans un grand désarroi financier...

Le 18 mars 2016 à 08h22

Archives départementales du Pas-de-Calais

Monsieur,

Pour répondre à votre demande concernant le film réalisé par Pathé, nous vous invitons à contacter directement la société "Gaumont-Pathé Archives" qui conserve les films du catalogue Pathé. Une base de données est interrogeable en ligne à cette adresse : http://www.gaumontpathearchives.com/index.php.

Le 16 mars 2015 à 11h05

TIPPNER jean

Lors de cette exécution la société Pathé a filmé les décapitations malgré l'interdiction du gouvernement,quelqu'un sait il ou pourrait se trouver le film ,?

Le 20 février 2015 à 21h00

Duhamel Claude

Je suis copain avec un descendant familial de cette bande Pollet, un charmant garçon âgé également de 76 ans.Un jour accidentellement la conversation est venue sur les assassins qui ont fait trembler au siècle dernier le peuple Français, l'intéressé afin il me semble de libérer sa conscience a déclaré être directement parent avec Abel et Auguste Pollet que toute sa vie il aura traîné les méfaits accomplis par les intéressés.
Claude Duhamel

Le 01 novembre 2014 à 18h52

Pollet Jules

Très intéressant !

Le 11 décembre 2013 à 21h07

Pollet Adolphe

Très bien vos infos sur cette bande

Le 17 juillet 2013 à 16h38

LENGLIN Marie-Jeanne

Document historique très intéressant. Bien que native du Nord, j'ignorais cette histoire.

Le 05 juin 2012 à 23h19

LESTIENNES Jean Paul

Très intéressant et bien présenté.

Le 31 mai 2012 à 13h56