Une sommation respectueuse est un acte extra-judiciaire que des mineurs sont tenus de faire signifier à leurs père et mère lorsque ces derniers n’ont pas donné leur consentement au mariage.
Qu’est-ce qu’une sommation respectueuse ?
D’un point de vue juridique, la sommation est un acte par lequel une personne officiellement mandatée se présente à une autre, soit pour l’informer officiellement du message qu’elle a été chargée de transmettre, soit pour l’intimer de donner, de faire ou de ne pas faire quelque chose. On dit que la sommation est respectueuse, car la demande est formulée avec respect, et surtout parce qu’elle est faite sans appareil de justice : c’est un notaire et non un huissier qui joue le rôle d’intermédiaire.
En matière de mariage, le Code civil napoléonien (1804) pose deux règles :
- Conformément à l’ancienne tradition coutumière, il établit une majorité spéciale, la "majorité matrimoniale", distincte de la "majorité ordinaire" : les garçons ont besoin du consentement de leurs parents jusqu’à 25 ans et, tant qu’ils n’ont pas atteint cet âge, ils sont réputés "mineurs" quant au mariage ; pour les filles, au contraire, la "majorité matrimoniale" coïncide avec la "majorité civile", soit 21 ans. Il faut attendre la loi du 21 juin 1907 pour faire cesser cette disparité.
- Si les futurs époux ayant la "majorité matrimoniale" peuvent se marier sans autorisation parentale, ils n’en sont pas moins tenus par la loi de demander le "conseil" de leurs parents ou de leurs grands-parents, ou, à défaut, de leur notifier leur projet de mariage par des actes respectueux.
Les officiers de l’état civil qui procèdent à la célébration des mariages contractés par des fils ou des filles n’ayant pas atteint l’âge requis et sans le consentement des père et mère, sont condamnés à une amende, et, en outre, à un emprisonnement d’une durée minimale de six mois.
En l’absence d’actes respectueux dans les cas où ils sont prescrits, l’officier de l’état civil qui célèbre le mariage est condamné à la même amende, et à un emprisonnement d’une durée minimale d’un mois.
Comment faire une sommation respectueuse ?
Cette formalité des actes respectueux consiste pour l’enfant à adresser par trois fois à ses ascendants, par voie de notaire, une "sommation" rédigée en termes respectueux. Un refus des ascendants n’empêche pas le mariage : il entraîne seulement un retard d’un mois pour chaque acte. Le législateur espère par ce moyen empêcher des unions hâtives en donnant le temps de réfléchir aux enfants, dominés par une passion peut-être passagère.
Mais ces actes respectueux ne produisent pas toujours, dans la pratique, l’effet attendu. Ils ont souvent pour résultat d’exacerber des haines familiales et d’imposer aux notaires des missions désagréables.
Évolution juridique
La loi du 20 juin 1907 remplace l’acte respectueux par la notification du projet de mariage, laquelle, à la suite des aménagements prévus par les lois des 28 avril 1922 et 17 juillet 1927, n’est plus nécessaire que dans un nombre limité de cas. Au fil des ans, les conceptions individualistes modernes vident peu à peu de ses exigences d’origine le système mis en place par le Code civil napoléonien. La loi du 2 février 1933 va finalement rendre les enfants majeurs libres de se marier sans consentement parental et fait disparaître ces vestiges juridiques.
Pour qu’un mariage sans consentement parental exprès soit valable, il faut :
- de 1556 au 19 septembre 1792 : que l’époux ait plus de 30 ans et l’épouse plus de 20 ans,
- du 20 septembre 1792 au 29 ventôse an XII : que l’époux et l’épouse aient chacun plus de 21 ans,
- du 30 ventôse an XII au 20 juin 1907, que l’époux ait plus de 25 ans et l’épouse plus de 21 ans,
- du 21 juin 1907 au 4 juillet 1974, que l’époux et l’épouse aient chacun plus de 21 ans,
- depuis le 5 juillet 1974, que l’époux et l’épouse aient chacun plus de 18 ans.
Évolution de l’âge de la majorité en France à travers les siècles
Âge nubile | Majorité matrimoniale | Majorité civile | |
---|---|---|---|
Droit canonique |
12 ans pour les filles |
12 ans pour les filles |
|
Législation royale |
25 ans pour les filles |
Généralement 25 ans (selon les coutumes) |
|
Législation révolutionnaire |
13 ans pour les filles |
21 ans pour les deux |
21 ans pour les deux |
Code civil |
15 ans pour les filles |
21 ans pour les filles |
21 ans pour les deux |
Code civil |
21 ans pour les deux |
||
Code civil |
18 ans pour les deux |
18 ans pour les deux |
Âge nubile : âge exigé par la loi pour qu’un individu puisse contracter mariage.
Majorité matrimoniale : âge au-dessus duquel le consentement des parents n’est plus exigé, par la loi, pour se marier.
Majorité civile : âge à atteindre pour être considéré juridiquement comme civilement capable et responsable.
Si aujourd’hui, l’égalité de majorité entre homme et femme est de mise, il existe toujours la possibilité de demander une dispense au procureur de la République (article 145 du Code civil), à la condition qu’il s’agisse d’un motif grave, par exemple une grossesse. Cette loi d’avril 2006 vise à freiner les mariages forcés pour les jeunes filles.
À toutes les époques, la présence des parents à la célébration du mariage, qu’il soit religieux ou civil, valait consentement.
Où trouver des sommations respectueuses ?
Les sommations respectueuses restent rares, les jeunes gens acceptant généralement les décisions de leurs parents, surtout en matière matrimoniale. On en trouve toutefois en sous-série 4 E (archives notariales). Elles ne sont pas mentionnées dans les actes de mariage. On peut soupçonner leur existence si les parents vivants d’une personne majeure ne sont pas présents dans l’acte de mariage.
L’étude du notaire qui les détient se trouve nécessairement dans la même ville ou dans l’étude notariale la plus proche du domicile des parents récalcitrants. Comme le mariage a lieu dès les formalités d’actes respectueux puis de publication des bans accomplies, il faut rechercher la sommation dans les répertoires ou les minutes du notaire de la ville dans les trois mois précédant le mariage.
On peut également s’appuyer sur les tables des actes civils publics (enregistrement en 3 Q) ou sur les répertoires des notaires (sous-série 4 E).
Acte respectueux du 28 octobre 1889 n° 698
L’an mil huit cent quatre-vingt-neuf, le lundi vingt-huit octobre, cinq heures du soir.
Pardevant Cyr-Louis Leflon notaire à la résidence de Norrent-Fontes, chef-lieu de canton arrondissement de Béthune, soussigné, assisté et en présence de Paul Cuvelier, cultivateur et Louis Lefebvre, propriétaire et cultivateur demeurant tous deux à la Roupie commune d’Isbergues témoins instrumentaires requis et aussi soussignés.
A comparu
Mademoiselle Lydie Savary sans profession, demeurant à la Roupie commune d’Isbergues, majeure âgée de vingt-cinq ans et dix mois.
Fille légitime de Séraphin Savary, cabaretier, et dame Stéphanie Pruvost demeurant ensemble à la Roupie commune d’Isbergues.Laquelle a par ces présentes déclaré qu’elle supplie respectueusement ses père et mère de lui donner leur conseil sur le mariage qu’elle se propose de contracter avec le sieur Théodule Westrelin, ouvrier maréchal demeurant à la Roupie commune d’Isbergues, fils de Jules Westrelin, maréchal ferrant, et dame Marie Barbier, demeurant aussi à la Roupie commune d’Isbergues.
Requérant Maître Leflon, notaire soussigné, de procéder dans le plus court délai possible à la notification du présent acte respectueux.
Fait et passé à la Roupie commune d’Isbergues en la demeure desdits époux Westrelin-Barbier, les jour mois et an que dessus.
Et a ladite Lydie Savary signé avec les témoins et le notaire après lecture faite.
La lecture du présent acte à ladite Lydie Savary par le notaire soussigné et la signature de cette demoiselle ont eu lieu en la présence réelle des deux témoins instrumentaires.[signé] Lefebvre – Cuvelier – Lydie Savary - Leflon
Archives départementales du Pas-de-Calais, 4 E 108/103.