Archives - Pas-de-Calais le Département
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Un critique aux archives : Pierre Lesdain

Parmi les documents remarquables que conservent les archives départementales du Pas-de-Calais, on trouve une lettre manuscrite de Marguerite Duras adressée au critique littéraire Pierre Lesdain (Georges Lambilliotte pour l’état civil) le 7 octobre 1950. L’auteur d’Un barrage contre le Pacifique, y témoigne de sa très sincère sympathie  à l’égard du critique qui a su si bien comprendre et rendre compte de son œuvre.

Peinture de Pierre Lesdain debout, les mains dans le dos, qui porte un costume bleu et un chapeau.

Portrait de Pierre Lesdain par Françoise Lambilliotte, 1947. Collection particulière.

Vous dites des choses si justes sur mes personnages et leur histoire qu’il ne me semblait pas possible d’être aussi bien comprise par un critique… lui écrit-elle.

La présence d’un document autographe de Marguerite Duras aux archives départementales, où il est d’avantage question d’histoire que de littérature, peut sembler singulière.

Elle s’explique par le fait que Pierre Lesdain, belge de naissance, s’est installé à Dainville à la fin de sa vie. Sa fille, Georgette, entrée chez les Filles de la charité de Saint-Vincent-de-Paul sous le nom de sœur Marie-Hélène, dirige l’école des Jeunes sourds d’Arras à quelques kilomètres de là.

C’est elle qui fait don des papiers et des ouvrages de son père à la mairie de Dainville en 1987. Cette prestigieuse donation est déposée l’année suivante aux archives départementales.

Parmi les auteurs avec lesquels Pierre Lesdain a entretenu une correspondance, citons André Dhôtel, Blaise Cendrars, Anaïs Nin, Louis Aragon ou André Gide. Mais c’est sa relation avec l’écrivain américain Henry Miller, dont il est l’un des premiers défenseurs en Europe et pour qui il éprouve une profonde admiration, qui laisse la correspondance la plus volumineuse (plus de 200 lettres) à laquelle s’ajoutent de très nombreux ouvrages dédicacés et illustrés, des aquarelles et des photographies. L’amitié entre les deux hommes va durer de 1947 à 1970.

Pierre Lesdain, ingénieur commercial à contre-cœur, a consacré sa vie à la littérature, sa véritable passion. Lecteur acharné, il acquiert une culture exceptionnelle et lorsque son frère, Maurice Lambilliotte, fonde le journal Volonté à Bruxelles en 1947, c’est tout naturellement à lui qu’il pense pour y assurer une "Chronique des Livres".

Commence alors sa longue carrière de critique littéraire qu’il poursuit jusqu’à sa mort survenue le 11 juin 1970 à l’âge de 73 ans. Il est également l’auteur de nouvelles, de poèmes et de deux romans, Misère de Maurebais et À hue et à dia ou le roman d’un architecte.

Lettre manuscrite de Marguerite Duras adressée à Pierre Lesdain, 7 octobre 1950

Lettre manuscrite.

Extrait d'une lettre manuscrite de Marguerite Duras adressée à Pierre Lesdain, 7 octobre 1950, Archives départementales du Pas-de-Calais, 65 J 525.

Paris 7 oct. 50

Monsieur,
J’ai lu l’article que vous avez fait sur mon livre : un Barrage contre le Pacifique et je tenais à vous en remercier. Votre article m’est tellement favorable que je suis confuse d’en parler. Mais je voudrais quand même essayer de vous en dire quelque chose.
D’abord vous dites des choses si justes sur mes personnages et leur histoire qu’il ne me semblait pas possible d’être aussi bien comprise par un critique. Ensuite, que ce livre ait été pour vous l’occasion de parler du Congo belge et de colonisation, voilà qui me fait très plaisir, ce qui peut me faire le plus plaisir.
[…]

Lettre manuscrite.

Extrait d'une lettre manuscrite de Marguerite Duras adressée à Pierre Lesdain, 7 octobre 1950, Archives départementales du Pas-de-Calais, 65 J 525.

Tout ce que vous me dites à l’occasion de mon livre sur la colonisation et sur le sens du roman en général m’incite et a incité tous mes amis qui ont lu votre article à une très sincère sympathie. C’est très encourageant de trouver comme ça, de par le monde, des amis. C’est même un peu pour ça qu’on écrit.

Merci encore et croyez moi, très sympathiquement vôtre,
Marguerite Duras